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La Das Reich et Oradour

Nouveau messagePosté: 05 Sep 2007, 06:15
de François Delpla
Jean-Luc Leleu vient de publier, chez Perrin, un livre sur les Waffen SS :
La Waffen SS. Soldats politiques en guerre.

Par ailleurs, le colloque de 2005 "La répression en France, 1940-1945" est en instance de parution et ledit Leleu le présente ici :
http://clioweb.free.fr/colloques/repression.htm

Le résumé de sa propre communication m'inquiète un peu :

En traitant du cas unique que représente en France le massacre d’Oradour-sur-Glane, Jean-Luc Leleu (CRHQ) a mis en évidence son caractère éminemment terroriste de cette action en la replaçant dans la perspective de l’acquis " culturel " de la division " Das Reich " lors de ses dix premiers mois d’engagement sur le front de l’Est en 1941-1942, mais aussi dans les conditions de son engagement dans le Limousin en juin 1944 où s’est alors opérée une transposition circonstancielle des conditions de lutte prévalant à l’Est.

Circonstancielle, vraiment ?
En tout cas l'hypothèse d'un calcul fomenté au plus haut sommet de la SS et de l'Etat ne semble pas avoir la moindre place.

Nouveau messagePosté: 05 Sep 2007, 16:27
de Tom
Pour le bouquin de Jean-Luc Leleu, voir la rubrique "Livres et magazines".

En ce qui concerne le massacre d'Oradour-sur-Glane par une unité de la 2.SS-Pz.Div. Das Reich, il me semble tout à fait s'inscrire dans le cadre de l'ordre donné par le maréchal von Rundstedt, commandant en chef du front Ouest, qui suffit à expliquer l'attitude d'une formation de Waffen-SS, sans qu'il soit besoin d'invoquer "l'hypothèse d'un calcul fomenté au plus haut sommet de la SS et de l'Etat", laquelle, à ma connaissance, n'a pas du tout été vérifiée pour l'instant...

Dans son journal de guerre (KTB/Ob. West, XIII-f Anl. 159 et XIV-f), le maréchal von Rundstedt donne les explications suivantes :
Le développement des bandes dans le Massif central pendant ces derniers jours exige l’emploi immédiat et impitoyable de forces plus importantes. [J'ordonne] de mener des actions de grande envergure contre les bandes dans le sud de la France avec la plus extrême vigueur et sans ménagement. Le foyer d’agitation qui persiste dans cette région doit être définitivement éteint. Le résultat de l’entreprise est de la plus haute importance pour l’évolution ultérieure de la situation à l’Ouest. Dans ce genre d’opération, un demi-succès ne sert à rien. Il faut écraser les forces de résistance au moyen d’attaques rapides et enveloppantes. Pour le rétablissement de l’ordre et de la sécurité, les mesures les plus énergiques devront être prises afin d’effrayer les habitants de cette région infestée, à qui il faudra faire passer le goût d’accueillir les groupes de résistance et de se laisser gouverner par eux. Cela servira en outre d’avertissement à toute la population.

Nouveau messagePosté: 05 Sep 2007, 16:55
de François Delpla
Ca y est, j'ai le livre, qui présente à première vue de grandes qualités. Et un défaut stupéfiant et presque rédhibitoire : l'absence d'un index ! (de quoi mettre les pouces...)

Sur Oradour, il vous dément. Il montre que Rundstedt s'éclipse justement au moment décisif, se contentant de transmettre un ordre de Jodl, plus radical que le sien. Voilà qui est intéressant... mais insuffisant. Jodl ne donne pas l'ordre de faire un massacre intégral dans un bourg de 1000 habitants jusque là paisible, d'une ampleur inédite dans la guerre à l'Ouest et destinée à rester sans suite.

Il fait remarquer que Lammerding, avant de prendre en main la division, avait servi quatre mois sous Bach-Zelewski, le spécialiste, sous la supervision immédiate de Himmler, des actions de nettoyage contre les partisans et les Juifs sur le front de l'Est. Voilà un petit caillou bien intéressant, à joindre à nos considérations précédentes sur la venue de Himmler à Montauban en avril.

Leleu remarque aussi, comme cela a été fait ici il y a quelques jours, que le massacre a lieu au lendemain de l'ordre de départ de la division vers la Normandie : c'était le jour ou jamais de faire ce type d'action. Il me paraît clair que Hitler en avait besoin (notamment dans ses rapports avec Pétain) et l'avait commandée. Mais quand ? Ce pouvait être la veille (par quelque signal convenu, inséré par exemple dans le message de Jodl ?) ou quelques semaines avant, dans l'éventualité d'un débarquement réussi.

Ce qui est clair, Tom, c'est que nous sommes dans un cas où il est particulièrement imprudent de déduire de l'absence d'une trace écrite le fait qu'un ordre n'a pas existé.

Nouveau messagePosté: 05 Sep 2007, 17:57
de hilarion
François Delpla a écrit:Leleu remarque aussi, comme cela a été fait ici il y a quelques jours, que le massacre a lieu au lendemain de l'ordre de départ de la division vers la Normandie : c'était le jour ou jamais de faire ce type d'action. Il me paraît clair que Hitler en avait besoin (notamment dans ses rapports avec Pétain) et l'avait commandée. Mais quand ? Ce pouvait être la veille (par quelque signal convenu, inséré par exemple dans le message de Jodl ?) ou quelques semaines avant, dans l'éventualité d'un débarquement réussi.

Ce qui est clair, Tom, c'est que nous sommes dans un cas où il est particulièrement imprudent de déduire de l'absence d'une trace écrite le fait qu'un ordre n'a pas existé.


Hypothèse l'ordre est peut être donné verbalement par Himmler le 11 avril 1944 à Tarbes à Heinz Lammerding. En effet Himmler est à thouars la veille pour la remise de la bande de manche de la Gotz Von Berlinchingen. Les allemands connaissent déjà l'imminence d'un débarquement mais doutent sur le lieu.
L'idée développé ci-dessus de marquer un grand goût est assez réaliste, car les allemands ne savent pas l'attitude que vont avoir les français vis à vis d'eux après cet événement.

comment ?

Nouveau messagePosté: 06 Sep 2007, 07:50
de juin1944
Et un défaut stupéfiant et presque rédhibitoire : l'absence d'un index ! (de quoi mettre les pouces...)

François, regarde bien : la table d'index se trouve à la fin de l'ouvrage de Jean Luc Leleu.

L'auteur explique qu'Oradour n'a rien d'une fatalité, la Das Reich ayant été rompue à ce type d'opérations d'autant qu'elle était commandée par un chef qui en avait également une solide (sic) expérience. La 2ème SSPz s'est en effet particulièrement distinguée en 1942 dans la région de Kharkov.

La directive générale durcissant l'attitude du Reich vis à vis de la population est contenue dans la directive n° 46 du 18 aout 1942, à l'intérieur de laquelle Hitler nomme son Reichfuhrer à la direction des opérations de police répressive vis à vis des "terroristes sur les territoires de l'Est". Que ce fût à Jodl ou Von Rundstedt que l'ordre d'incendier Oradour a été donné, peu importe en effet. C'est bel et bien Hitler qui a fixé ce type d'exactions dans sa directive. Ses officiers généraux n'ont fait que l'appliquer avec le zèle que l'on connait.

Re: comment ?

Nouveau messagePosté: 06 Sep 2007, 14:49
de François Delpla
juin1944 a écrit:
Et un défaut stupéfiant et presque rédhibitoire : l'absence d'un index ! (de quoi mettre les pouces...)

François, regarde bien : la table d'index se trouve à la fin de l'ouvrage de Jean Luc Leleu.

Que ce fût à Jodl ou Von Rundstedt que l'ordre d'incendier Oradour a été donné, peu importe en effet. C'est bel et bien Hitler qui a fixé ce type d'exactions dans sa directive. Ses officiers généraux n'ont fait que l'appliquer avec le zèle que l'on connait.


L'hypothèse que je fouille avec quelques autres c'est qu'il ne s'agit pas d'un "type" d'action, pas plus que la nuit de Cristal n'est un pogrom ou le pacte germano-soviétique une alliance. Ce sont là trois objets hitlériens à usage unique, dont les noms communs et les classifications desservent la compréhension.

IL N'Y A PAS DE PRECEDENT A ORADOUR SUR LE FRONT DE L'OUEST et PAS DE SUITE NON PLUS. Fusil à un coup donc. Quelle était sa cible ? Elle était, elle, plurielle, comme pour à peu près toutes les manips hitlériennes. Faire comprendre à tout civil qu'il risquait très gros en aidant si peu que ce soit la Résistance, faire que les portes de la moindre masure se ferment devant tout maquisard en quête d'un verre de lait, certes. Mais là on pouvait multiplier le procédé sans dommage, et on le fit, sur une plus petite échelle. Quelques dizaines de victimes tout au plus, dans le vrai voisinage de vrais maquis, pas 600 d'un coup et dans un coin paisible.

Un tel coup est politique. Il est adressé à Pétain. Ce que Hitler attend de lui est perceptible dans son message radiodiffusé du 6 juin : ne pas appeler à aider les libérateurs, dire, à l'inverse de De Gaulle, que la bataille de France n'est pas la bataille de la France. Saviez-vous -j'en ai pris concience récemment- que ce message avait été enregistré environ trois mois à l'avance, après une dure épreuve de force ?

www.port.ac.uk/special/france1815to2003 ... 141,en.pdf

Il s'agit de faire croire à ce pauvre maréchal qu'il peut encore jouer son rôle de "bouclier" ! Ce qui est important politiquement dans Oradour, ce sont les suites : Vichy proteste énergiquement, sa presse et ses préfets eux-mêmes donnent de la voix... et il n'y a pas de récidive !

Je rapproche cela de l'assassinat de Mandel : il est livré par les SS à la
Milice et assassiné par elle le 7 juillet, cependant qu'Abetz annonce à Laval que deux colis suivent, Reynaud et Blum. Fureur de Laval qui dit que lui-même et Pétain ne pourront que démissionner pour en pas être mêlés à ces meurtres... et ils n'ont pas lieu !

Re: comment ?

Nouveau messagePosté: 08 Sep 2007, 12:53
de François Delpla
juin1944 a écrit:
Et un défaut stupéfiant et presque rédhibitoire : l'absence d'un index ! (de quoi mettre les pouces...)

François, regarde bien : la table d'index se trouve à la fin de l'ouvrage de Jean Luc Leleu.



dont acte, mais comme je suis très mauvais joueur, je dirai que cet index est plat comme une crêpe, réduit aux noms de personnes dont il exclut sans raison et fâcheusement Hitler et Himmler alors qu'ils ne sont pas si souvent nommés que cela, et qu'un index des sujet serait bien utile. Na !

Nouveau messagePosté: 08 Sep 2007, 15:45
de Daniel Laurent
Bonjour,
Les forumeurs cliquent rarement, Francois...
Le texte du discours de Petain dont tu parle :
Message radiodiffusé du maréchal Pétain
6 juin 1944

Français,

Les armées allemandes et anglo-saxonnes sont aux prises sur notre sol. La France devient ainsi un champ de bataille. Fonctionnaires, agents des services publics,cheminots, ouvriers, demeurez fermes à vos postes pour maintenir la vie de la nation et accomplir les tâches qui vous incombent.

Français, n'aggravez pas nos malheurs par des actes qui risqueraient d'appeler sur vous de tragiques représailles. Ce seraient d'innocentes populations françaises qui en subiraient les conséquences. N'écoutez pas
ceux qui, cherchant à exploiter notre détresse, conduiraient le pays au désastre.

La France ne se sauvera qu'en observant la discipline la plus rigoureuse. Obéissez donc aux ordres du gouvernement. Que chacun reste face à son devoir. Les circonstances de la bataille pourront conduire l'armée allemande à prendre des dispositions spéciales dans les zones de combat.

Acceptez cette nécessité, c'est une recommandation instante que je vous fais dans l'intérêt de votre sauvegarde. Je vous adjure, Français, de penser avant tout au péril mortel que courrait notre pays si ce solennel
avertissement n'était pas entendu.


J'aime bien le "Les armées allemandes et anglo-saxonnes sont aux prises sur notre sol".
Ah bon ?
Pas de Francais dans cette affaire ?
:mrgreen:

Re: comment ?

Nouveau messagePosté: 08 Sep 2007, 16:37
de Nicolas Bernard
François Delpla a écrit:IL N'Y A PAS DE PRECEDENT A ORADOUR SUR LE FRONT DE L'OUEST et PAS DE SUITE NON PLUS. Fusil à un coup donc.


A dire vrai, quelques Oradour se sont produits, notamment à Maillé le 25 août 1944 : incendie du village et exécution de 124 habitants. Le caractère méthodique de l'action semble témoigner d'un ordre venu d'en haut, mais le responsable de l'opération, le Feldkommandant de Tours, reconnaîtra le lendemain à un Préfet de Vichy qu'il était à l'origine de l'ordre de représailles, et que ses hommes ont agi de manière excessive. Difficile de savoir si nous sommes en présence d'une opération préméditée pour contrebalancer la libération de Paris, ou d'un crime de guerre isolé, produit des circonstances et de la barbarie S.S.. Une étude s'efforce de faire le point.

D'autres crimes similaires ont failli se produire, particulièrement à Carhaix-Plouguer, dans le Finistère, début août 1944. 3.000 personnes devaient être fusillées, mais l'intervention providentielle d'un officier allemand permettra l'annulation de cette décision.

Le fait est très méconnu, et je n'en sais pas plus - dommage, car si le massacre avait bel et bien eu lieu, je ne serais sans doute pas né pour en causer. Il me semble qu'il s'agissait d'une initiative locale, et en bonne logique, la contradiction devrait être venue des autorités supérieures.

Cela dit, à la même époque - et notamment à Saint-Malo - Hitler a en certains cas donné carte blanche aux Osttruppen pour semer la terreur. De toute évidence, il cherche à contrôler le déchaînement de barbarie : les Allemands doivent bien moins s'y impliquer que les barbares venus de l'Est. Même si, en définitive, il s'est avéré que la majorité de ces soldats improprement appelés "Russes blancs" étaient de bons bougres à peine dangereux.

Re: comment ?

Nouveau messagePosté: 08 Sep 2007, 17:00
de Daniel Laurent
Nicolas Bernard a écrit:Même si, en définitive, il s'est avéré que la majorité de ces soldats improprement appelés "Russes blancs" étaient de bons bougres à peine dangereux.

Et certains ont meme rejoint la resistance !
J'ai 3 cas, un polonais et deux russes en Ille et Vilaine.
http://assoc.orange.fr/memoiredeguerre/