Controverse : l'agent secret Edmée Delétraz !
Posté: 20 Aoû 2007, 15:19
Par courrier privé, un individu porte contre moi les accusations suivantes au sujet de certains propos que j’aurais tenus sur ce forum à l’égard de l’agent « multiple » Edmée Delétraz lors d’un débat ancien sur « l’affaire de Caluire ».
Dans son premier message dans la boîte du forum, il commence par citer mes propos (que je ne suis pas allé vérifier) :
[…] et de celle de l'agent "multiple" Edmée Delétraz, maîtresse de Moog, qui a, entre autres, laissé arrêter Berty Albrecht et qui, au sujet de Caluire, ne dit certainement pas toute la vérité et ment sur plusieurs points.
Pour ensuite déclarer (c'est moi qui surligne) :
Dans un autre message dans ma boîte personnelle, il écrit (c'est moi qui surligne) :
Dans un troisième message dans la boîte du forum, il poursuit :
Sans vouloir de nouveau entrer dans le détail de la sombre affaire de Caluire, je voudrais brièvement et publiquement clarifier certains points (j'ai d'ailleurs invité mon accusateur à ouvrir un débat sur le forum).
Je n'ai pas eu l'honneur de "participer à la guerre" comme mon père, je n'ai pas la prétention d'en savoir plus que les autres (et surtout plus que les historiens patentés, n'étant pas spécialiste de la question), je n'ai pas connu Mme Delétraz envers laquelle je n'ai aucune animosité particulière, je ne me souviens plus de ce que j'ai écrit exactement au sujet de cette dame lors d'un débat public ancien...
Tout ce que j'ai pu en dire provient de livres sur la Résistance et notamment de ceux de Jacques Baynac : Les secrets de l'affaire Jean Moulin, Seuil, 1998, en particulier le chapitre sur Edmée Delétraz, pages 378 - 394, et Présumé Jean Moulin, juin 1940 - juin 1943 - Esquisse d'une nouvelle histoire de la Résistance, Grasset, 2006.
Pourquoi ai-je fait - peut-être à tort, j'en conviens - confiance à ces ouvrages au sujet du rôle de Mme Delétraz ? Parce qu'ils sont circonstanciés et que leurs assertions sont étayées de nombreuses références en bas de page qui semblent très pertinentes, ce dont peut se contenter le lecteur qui n'entend pas entreprendre des recherches personnelles sur le sujet.
L'historien Antoine Prost écrit : La référence, indice visible de scientificité, signifie : "Ce que je dis, je ne l'ai pas inventé ; allez-voir vous-même, vous parviendrez aux mêmes conclusions." (Douze leçons sur l'histoire, p. 268).
Sans revenir sur la question de savoir si Edmée Delétraz était agent double, triple ou quadruple, largement démontrée avec sources à l'appui par Baynac et d'autres, quelques exemples sur les affirmations en cause :
1) Edmée Delétraz, maîtresse de Moog :
- Cf. Jacques Baynac, Les Secrets de l’affaire Jean Moulin (1998), page 217 : En 1950, lors du second procès Hardy, […] Maître Maurice Garçon assura qu’Edmée Delétraz était la maîtresse du beau Moog.
Note en bas de page : Archives nationales, 334 AP 50, audience du 29 avril 1950, témoignage Delétraz, p. 30-31.
- Cf. Jacques Baynac, Présumé Jean Moulin... (2006), page 637-38 : Delétraz, qui n’a guère tardé à succomber aux charmes de [Moog], prêtera la main à d’autres arrestations.
Note en bas de page : « Révélation faite publiquement au second procès Hardy et confirmée par des témoins figurant au dossier de l’instruction de cette affaire : voir AN, 68, MI 16… »
2) Edmée Delétraz et la capture de Berty Albrecht :
- Cf. Jacques Baynac, Les Secrets de l’affaire Jean Moulin (1998), page 22 : [Edmée Delétraz] travaillait aussi avec les Allemands, dont le plus redoutable agent, Robert Moog [...] était son amant. Elle l'avait aidé à arrêter des résistants, notamment Berty Albrecht. ; p. 217-18 : Délétraz a également servi à arrêter Berty Albrecht.
Note en bas de page : AN, 68 MI 5, janvier 1948 ; interrogatoire de Kramer par le commissaire Guyader le 26 janvier 1948.
- Cf. Jacques Baynac, Présumé Jean Moulin... (2006), page 726-28 : Sitôt Multon arrivé à Lyon, Barbie l'associe à l'inévitable Moog et à sa nouvelle conquête, Edmée Delétraz, avec mission de piéger au plus tôt Berty Albrecht. [...] Interrogé le 9 février 1945, Multon [...] a donné le récit le plus véridique que l'on ait du guet-apens tendu à Berty Albrecht [voir la déposition circonstanciée de Multon qui implique Edmée Delétraz].
La propriétaire de l'hôtel, Mme Perrin, a confirmé la double intervention de Delétraz dans l'affaire (dépôt de la lettre, puis rendez-vous fatal). [...]
Mireille Albrecht a pu retrouver un précieux témoin oculaire de l'arrestation de sa mère. Particulièrement digne de foi, Jean Tramoni lève tout doute sur le rôle de Delétraz [voir son témoignage]. [...]
[...] Delétraz ajoutera plus tard un répertoire étendu de mensonges. Ses dépositions, auditions et interviews sur cette affaire sont toutes destinées à lui éviter des ennuis. Minimisant sa participation, se présentant en victime contrainte, niant le caractère conscient et délibéré de sa double intervention à Mâcon, [Edmée Delétraz] ne reculera devant rien - elle, qui, en deux occasions au moins, aurait pu alerter Berty Albrecht - même pas à salir la mémoire de sa victime [voir sa déposition du 21 juillet 1948 près le tribunal militaire de Paris].
Etc., etc.
N.B. Je passe volontairement sous silence tout ce qui a trait au rôle trouble d'Edmée Delétraz dans l'affaire de Caluire.
Seule opinion vraiment personnelle : il est vrai que je ne suis pas enclin à faire confiance à des agents "multiples" qui se retrouvent forcément toujours du côté du vainqueur à l'issue de la guerre...
Dans son premier message dans la boîte du forum, il commence par citer mes propos (que je ne suis pas allé vérifier) :
[…] et de celle de l'agent "multiple" Edmée Delétraz, maîtresse de Moog, qui a, entre autres, laissé arrêter Berty Albrecht et qui, au sujet de Caluire, ne dit certainement pas toute la vérité et ment sur plusieurs points.
Pour ensuite déclarer (c'est moi qui surligne) :
Je vous trouve plutôt gonflé de faire de telles affirmations.
Il se trouve que j'ai connu Madame DELETRAZ.
Maitresse de Moog : vous teniez la chandelle?
L'agent multiple l'était sur ordre de son chef traitant ET de LONDRES
(Les Anglais, pas seulement les Gaullistes),
à qui elle rendait compte via l'ambassade en Suisse.
Elle devait être fusillée par les allemands, sous le pont de la Caille.
Elle ne le fut pas et se demanda pourquoi jusqu'à son dernier souffle.
Berthy Albrecht fut un dégat "collatéral" malheureux, dont LONDRES était PARFAITEMENT CONSCIENT.
Dans un autre message dans ma boîte personnelle, il écrit (c'est moi qui surligne) :
J'ai bien lu votre post, sur le forum 2nde guerre mondiale,
où vous mettez gravement en cause madame Edmée Delétraz,
que j'ai connue, et qui fut la mère d'un de mes bons amis, colonel de réserve. Je ne lui en parlerai pas, pour éviter tout conflit.
Mais je vous trouve pour le moins téméraire,
et vos assertions monstrueuses et calomnieuses à son égard.
Ne croyez vous pas que cette dame aurait été fusillée,
si elle avait commis ce que vous lui reprochez?
Or, elle est mort de sa belle mort, des dizaines d'années plus tard.
Je vous envoie en joint l'obituary du général Devigny, qui vous en apprendra au sujet de cette dame.
A l'avenir, mieux vaut ne pas affirmer ce que vous n'avez pas vérifié.
L'origine de l'article parle d'elle même, et les fonctions de ce général célèbre suffisent à rétablir l'honneur de madame Delétraz , son nom d'épouse et de mère!
J'ai cru comprendre que vous maitrisiez suffisamment la langue anglaise
et n'ai donc pas traduit ce texte en Français.
Dans un troisième message dans la boîte du forum, il poursuit :
Agent double, ou triple, ben voyons!!!
MAIS QUE DIABLE SAVEZ-VOUS DES CIRCONSTANCES ?
Il en va de l'honneur d'une femme qui s'est battue bravement,
a fait la guerre, au péril de sa vie et a reçu des décorations pour ça.
Je vous trouve un peu facilement affirmatif, d'autant que vous n'avez RIEN vérifié, mais continuez à vous référer à des sources bien peu fiables.
D'autres que vous qui ont participé, Ô combien, à cette guerre,
ont affirmé le contraire, ainsi que je vous en ai apporté la preuve
avec l'obituary du général Devigny, que je vous ai envoyé par email séparé. Auriez-vous la prétention d'en savoir plus que lui?
Sans vouloir de nouveau entrer dans le détail de la sombre affaire de Caluire, je voudrais brièvement et publiquement clarifier certains points (j'ai d'ailleurs invité mon accusateur à ouvrir un débat sur le forum).
Je n'ai pas eu l'honneur de "participer à la guerre" comme mon père, je n'ai pas la prétention d'en savoir plus que les autres (et surtout plus que les historiens patentés, n'étant pas spécialiste de la question), je n'ai pas connu Mme Delétraz envers laquelle je n'ai aucune animosité particulière, je ne me souviens plus de ce que j'ai écrit exactement au sujet de cette dame lors d'un débat public ancien...
Tout ce que j'ai pu en dire provient de livres sur la Résistance et notamment de ceux de Jacques Baynac : Les secrets de l'affaire Jean Moulin, Seuil, 1998, en particulier le chapitre sur Edmée Delétraz, pages 378 - 394, et Présumé Jean Moulin, juin 1940 - juin 1943 - Esquisse d'une nouvelle histoire de la Résistance, Grasset, 2006.
Pourquoi ai-je fait - peut-être à tort, j'en conviens - confiance à ces ouvrages au sujet du rôle de Mme Delétraz ? Parce qu'ils sont circonstanciés et que leurs assertions sont étayées de nombreuses références en bas de page qui semblent très pertinentes, ce dont peut se contenter le lecteur qui n'entend pas entreprendre des recherches personnelles sur le sujet.
L'historien Antoine Prost écrit : La référence, indice visible de scientificité, signifie : "Ce que je dis, je ne l'ai pas inventé ; allez-voir vous-même, vous parviendrez aux mêmes conclusions." (Douze leçons sur l'histoire, p. 268).
Sans revenir sur la question de savoir si Edmée Delétraz était agent double, triple ou quadruple, largement démontrée avec sources à l'appui par Baynac et d'autres, quelques exemples sur les affirmations en cause :
1) Edmée Delétraz, maîtresse de Moog :
- Cf. Jacques Baynac, Les Secrets de l’affaire Jean Moulin (1998), page 217 : En 1950, lors du second procès Hardy, […] Maître Maurice Garçon assura qu’Edmée Delétraz était la maîtresse du beau Moog.
Note en bas de page : Archives nationales, 334 AP 50, audience du 29 avril 1950, témoignage Delétraz, p. 30-31.
- Cf. Jacques Baynac, Présumé Jean Moulin... (2006), page 637-38 : Delétraz, qui n’a guère tardé à succomber aux charmes de [Moog], prêtera la main à d’autres arrestations.
Note en bas de page : « Révélation faite publiquement au second procès Hardy et confirmée par des témoins figurant au dossier de l’instruction de cette affaire : voir AN, 68, MI 16… »
2) Edmée Delétraz et la capture de Berty Albrecht :
- Cf. Jacques Baynac, Les Secrets de l’affaire Jean Moulin (1998), page 22 : [Edmée Delétraz] travaillait aussi avec les Allemands, dont le plus redoutable agent, Robert Moog [...] était son amant. Elle l'avait aidé à arrêter des résistants, notamment Berty Albrecht. ; p. 217-18 : Délétraz a également servi à arrêter Berty Albrecht.
Note en bas de page : AN, 68 MI 5, janvier 1948 ; interrogatoire de Kramer par le commissaire Guyader le 26 janvier 1948.
- Cf. Jacques Baynac, Présumé Jean Moulin... (2006), page 726-28 : Sitôt Multon arrivé à Lyon, Barbie l'associe à l'inévitable Moog et à sa nouvelle conquête, Edmée Delétraz, avec mission de piéger au plus tôt Berty Albrecht. [...] Interrogé le 9 février 1945, Multon [...] a donné le récit le plus véridique que l'on ait du guet-apens tendu à Berty Albrecht [voir la déposition circonstanciée de Multon qui implique Edmée Delétraz].
La propriétaire de l'hôtel, Mme Perrin, a confirmé la double intervention de Delétraz dans l'affaire (dépôt de la lettre, puis rendez-vous fatal). [...]
Mireille Albrecht a pu retrouver un précieux témoin oculaire de l'arrestation de sa mère. Particulièrement digne de foi, Jean Tramoni lève tout doute sur le rôle de Delétraz [voir son témoignage]. [...]
[...] Delétraz ajoutera plus tard un répertoire étendu de mensonges. Ses dépositions, auditions et interviews sur cette affaire sont toutes destinées à lui éviter des ennuis. Minimisant sa participation, se présentant en victime contrainte, niant le caractère conscient et délibéré de sa double intervention à Mâcon, [Edmée Delétraz] ne reculera devant rien - elle, qui, en deux occasions au moins, aurait pu alerter Berty Albrecht - même pas à salir la mémoire de sa victime [voir sa déposition du 21 juillet 1948 près le tribunal militaire de Paris].
Etc., etc.
N.B. Je passe volontairement sous silence tout ce qui a trait au rôle trouble d'Edmée Delétraz dans l'affaire de Caluire.
Seule opinion vraiment personnelle : il est vrai que je ne suis pas enclin à faire confiance à des agents "multiples" qui se retrouvent forcément toujours du côté du vainqueur à l'issue de la guerre...