Citation intéressante, encore que le succès de la planification résulte, à mon sens, d'une tendance bien plus globale que l'expérience "fasciste" (j'emploie le mot dans un usage volontairement généraliste, ici).
Depuis la Grande Dépression en effet, les conceptions libérales de l'économie - "laissez faire, laissez aller" - ont subi un relatif discrédit. L'accent, au contraire, est mis sur le rôle de l'Etat, qui accroît son interventionnisme : à titre d'exemple, Roosevelt a mené une telle politique (de manière empirique), et il n'était pas pour autant adepte de Hitler et Mussolini.
La guerre a renforcé cet interventionnisme, en accroissant la planification. Là encore, rien de "fasciste" là-dedans : la conjoncture l'exigeait.
Enfin, il faut tenir compte du mythe de la réussite économique soviétique de l'époque. Les plans quinquennaux staliniens ont acquis, à l'extérieur de l'U.R.S.S., une réputation grandiloquente d'autant plus admirée que la Russie était initialement assimilée à une terre miséreuse (alors que la modernisation a débuté avec le tsarisme). Ce "boom industriel" en séduira beaucoup, à l'Ouest, qui ne sauront y voir ou admettre l'ampleur des sacrifices (Terreur, déportations, conditions de travail et de vie affligeantes, gâchis de production liés à l'incompétence bureaucratique). La réputation d'invincibilité de l'Armée rouge était également liée au prestige de son armement lourd, en chars et en canons - le T-34 est devenu mythique.
Bref, la planification est, en 1945, très à la mode, aussi bien à l'Ouest qu'à l'Est, et pour des motifs variés. Rien d'étonnant à ce que les régimes d'extrême-droite aient repris le concept : Hitler a redressé l'économie allemande de manière provisoire, en vue d'une guerre de conquête qui lui aurait assuré des débouchés (et le remboursement de la très inquiétante dette publique découlant de la remilitarisation), Vichy devait satisfaire les exigences de l'occupant... Rien de commun avec les Etats-Unis, qui luttaient contre la crise, ou l'U.R.S.S., qui avait fait le choix de l'industrie lourde et du socialisme pur et dur.