Max Hastings, dans La division Das Reich et la Résistance, rapporte, page 165, une idée qui semble s’être développée, dans le cadre de la thèse de « l’insurrection nationale », chez certains F.T.P. et plus encore à la direction du parti communiste français au printemps 1944 :
[Il faut] libérer la France du Centre et même occuper Tulle, Brive et Limoges avant le débarquement, faute de quoi le communisme serait submergé en Corrèze par la marée de l’histoire.
Alors que, dans le département de la Haute-Vienne, Georges Guingouin, le fameux chef des F.T.P., refuse judicieusement d'essayer de s’emparer de Limoges, dans le département voisin de la Corrèze, Jacques Chapou, également chef des F.T.P. et ancien instituteur, qui vient d’occuper le bourg de Carjarc, décide de se lancer à l’assaut de Tulle, le chef-lieu, une ville de près de vingt mille habitants à vingt-cinq kilomètres de Brive, de la voie ferrée Bordeaux-Clermont-Ferrand et de la route nationale Toulouse-Paris…
Le 7 juin 1944, Chapou et ses hommes, assez nombreux (de quelques centaines à plus de deux mille selon les témoignages) et bien armés, investissent la ville où se trouvent une brigade de gendarmerie prévôtale allemande (Feldgendarmerie-Trupp 1115), deux compagnies d’une centaine d’hommes d’un régiment de sécurité de la Wehrmacht (8e et 13e du Sicherungs-Rgt. 95) et quelque six cents gardes mobiles, G.M.R. et miliciens français. Ces derniers n’ont aucune envie de se battre et, pour la plupart, grâce à l’entremise du préfet, obtiennent leur départ pour Limoges. Quant aux Allemands, ils se retranchent dans l’Ecole normale (8e compagnie) et dans un immeuble voisin (13e compagnie).
Le 8 juin au matin, les F.T.P. s’attaquent à l’Ecole normale et, en fin d’après-midi, réussissent à incendier les bâtiments, obligeant ainsi les défenseurs à tenter une sortie : fauchés par le tir des armes automatiques, beaucoup sont tués ou blessés. Le préfet, Pierre Trouillé, qui est sur place, empêche les partisans de fusiller ces derniers et les fait transporter à l’hôpital. Cependant, selon des témoins oculaires, des prisonniers sont fusillés, des cadavres allemands sont profanés. Des soldats vivants et blessés ont-ils subi des mauvais traitements ? L’affaire n’a jamais été éclaircie, mais on a retrouvé des corps portant des traces de sévices…
A 20 heures, Chapou se présente au préfet et lui déclare : Rassurez-vous, monsieur le Préfet, vous ne verrez plus un Boche en Corrèze. La France est en pleine révolte. Brive, Toulouse, Tarbes, Lyon, Périgueux sont pris par les F.F.I. C’est la débandade et, s’il prenait fantaisie aux Fritz de venir nous voir, ils seraient reçus de belle façon.
A 21 heures, le bataillon de reconnaissance de la Panzer-Division Das Reich entre dans Tulle. Les F.T.P. se replient précipitamment dans la campagne (voir message suivant)...
Sources : Pierre Trouillé, Journal d'un préfet pendant l'Occupation ; François-Georges Dreyfus, Histoire de la Résistance.