Tom a écrit:Voici en complément ce qu’écrit, entre autres à ce sujet, l’historien allemand Eberhard Jäckel dans La France dans l’Europe de Hitler (Fayard, 1968 – traduction de Frankreich in Hitlers Europa, Deutsche Verlags-Anstalg Gmb H Stuttgart, 1966), page 328 et suiv. (sans les notes en bas de page, à disposition) :
Bouquin injustement négligé à l'époque, malgré les travaux novateurs d'Henri Michel et en attendant la parution, en 1973, de
La France de Vichy de Robert Paxton...
Je reprends quelques précisions apportées ici (merci pour la longue citation).
On touchait là du doigt les conséquences fâcheuses de l’indépendance dont jouissaient les gauleiters et qui faisait que la politique allemande avait été fort différente en Alsace et en Lorraine. […]
A dire vrai, les
Gauleiter n'étaient indépendants que dans la limite fixée par l
Führer. Hitler a laissé Wagner et Bürckel mener deux politiques d'intégration différentes, pour procéder à une annexion par étapes, tout en pouvant par la suite prétendre aux Français que si difficultés il y avait, elles étaient liées à l'attitude du Parti nazi.
Wagner avait beau réclamer une épuration supplémentaire de la population alsacienne, il n'en militait pas moins avec force pour l'incorporation militaire de la jeunesse locale. Le 13 février 1942, au cours d'une réunion avec le
Führer et Martin Bormann, Wagner put obtenir l'introduction de la conscription, les listes d'incorporation étant dressées au printemps.
Toutefois, la controverse de la citoyenneté allemande avait abouti à ce que le recrutement se limitât aux Alsaciens
"dont les sentiments et l'ethnie allemands étaient incontestables et qui n'avaient jamais servi auparavant dans l'armée française".
Je ne pense pas, toutefois, que ladite controverse ait joué un rôle dans le processus décisionnel de Hitler. Ce dernier n'ignorait pas les difficultés juridiques existant parmi les
Volksdeutsche, ces Allemands résidant à l'étranger. Et Wagner avait eu deux ans pour purifier l'Alsace... A mon sens, la question tient davantage du prétexte pour Hitler. Car c'est lui qui donne le rythme de la germanisation, en fonction des impératifs de sa politique française d'une part, de la guerre à l'Est d'autre part.
A la date du 15 février 1941, Wagner avait expulsé de chez eux 23 790 Alsaciens et Bürckel au moins 100 000 Lorrains [92 212 selon le SD], ce qui représentait pour l’Alsace à peine 2% de la population d’avant-guerre et pour la Lorraine plus de 15%. […] l’ « épuration raciale » de l’Alsace restait encore à faire et l’introduction du service militaire obligatoire s’en trouvait gênée.
Les expulsions intéressaient également leurs
Gaue respectifs, et incluaient la totalité des ressortissants juifs locaux. Elles se déroulaient dans des conditions effroyables. Les Juifs expulsés en 1940 avaient été transférés dans le camp français de Gurs, de sinistre mémoire...