Opération "Korporal" : pas contre les Glières !

La plupart des auteurs (en autres colonel suisse Christian Wyler, historien savoyard Michel Germain...) qui parlent de la "bataille des Glières" (mars 1944) la désignent, du côté allemand, comme l'opération "Korporal" ("Caporal") et j'ai moi-même fini par reprendre cette appellation sur ma page http://alain.cerri.free.fr/index14.html.

Pourtant, d'après des documents probants, l'appellation "Korporal" n'a jamais désigné l'opération contre les Glières, qui ne portait pas de nom spécifique, mais l'opération menée par la même 157e division de réserve allemande contre les maquis de l'Ain de Romans-Petit du 5 au 13 février 1944, c'est-à-dire juste avant celle contre les Glières.

En fait, pour l'historien allemand Ahlrich Meyer, il s'agissait, dans l'esprit de ces auteurs, de minimiser l'importance des actions de la 157.Reserve-Division de la Wehrmacht contre les maquis de l'Ain, lesquelles ont immédiatement précédé et suivi celle contre les Glières en février (opération "Korporal" = "Caporal" du 5 au 13 février 1944) et en avril (opération "Frühling" = "Printemps" du 7 au 18 avril 1944), alors "qu'elles ont un rapport temporel et stratégique étroit avec les combats en Haute-Savoie" (cf. aussi Histoire de la Résistance armée dans l'Ain de Patrick Veyret aux éditions La Taillanderie, 1999, pages 51 à 59).


Sources :

- ordre du commandant en chef à l'Ouest du 3 février 1944 cité par Nestler in Die faschistische Okkupationspolitik in Frankreich (1990) et par Ahlrich Meyer in Die deutsche Besatzung in Frankreich 1940-1944. Widerstandsbekämpfung und Judenverfolgung (2000) ;

- surtout le document AN, AJ 40/983, dr. 6 du 17 février 1944 : Bericht über die Tätigkeit der eingesetzten Wehrmachtteile bei der Aktion 'Korporal' gegen Terroristen wom 5.-13.2.1944.

Un peu tardivement, c'est moi qui te remercie pour tes compliments.

En fait, l'opération allemande contre les Glières portait bien un nom : il s'agissait tout simplement de l'opération Hoch-Savoyen ("Haute-Savoie").

Sources : entre autres, Peter Lieb, maître de conférences à l’université de Birmingham, qui écrit, dans un article intitulé "Wehrmacht, Waffen-SS et Sipo-SD : la répression allemande en France 1943-1944", à propos de cette fameuse division allemande qui attaqua les maquis de l'Ain, des Glières, du Vercors et autres maquis alpins :
L’expérience vécue de la guerre contre les partisans a également joué un rôle considérable dans la radicalisation des unités de la Wehrmacht, même lorsqu’elles étaient initialement dans une disposition d’esprit tout à fait opposée, comme le montre le cas de la 157e division de réserve. Cette division d’instruction, stationnée dans le Jura et dans les Alpes, a été la seule à être employée contre la Résistance pendant presque une année. [...] le commandant de la division, le général Pflaum, s’est plaint des mesures brutales appliquées par la Sipo-SD (la police de sécurité allemande) lors de la grande opération anti-partisans, dénommée Frühling, dans le Jura en avril 1944. Selon lui, ses soldats auraient trouvé ces méthodes antipathiques, car elles auraient frappé trop souvent des innocents. Quelques mois plus tard, cette division participait à l’opération dans le Vercors – une opération accompagnée d’innombrables représailles sanglantes. Son cas reste cependant singulier : la 157e division de réserve n’a pas participé aux plus grands massacres commis en France. De plus, cette division était plus ou moins contrôlée par la Sipo-SD pendant ses actions contre les maquis. Son comportement a été meilleur que la réputation qui est la sienne aujourd’hui.

Voici ce que dit exactement le général Karl Pflaum, commandant la 157.Res.Div., à ce sujet dans un message à son supérieur :

[...] il faut rappeler que la participation de la Milice française que j'ai proposée pour les barrages dans le Vercors m'a été refusée par le SD (NDLR : service de sécurité nazi qui supervise les opérations contre les maquis) sous le prétexte qu'elle ne fusille pas suffisamment de personnes et ne détruit pas assez de maisons.

Concernant ce dernier point, [...] il ne fait pas de doute que les mesures très dures prises par le SD sont tout à fait appropriées à la pacification d'une région. [...] En revanche, nos soldats trouvent ces mesures absolument antipathiques du fait que, souvent, des innocents en souffrent. Pour cette raison, de temps en temps, des frictions ont lieu entre les chefs des commandos et le SD. C'est pourquoi la troupe a accueilli avec satisfaction les ordres du commandement militaire en France contenus dans la directive n° 802/44 du 21 avril relative à la conduite à tenir envers les terroristes. Il est certain que si ces ordres n'avaient pas été donnés, la division aurait fait des propositions en la matière. Désormais, on a éliminé tous les doutes sur le comportement de la troupe. Mes subordonnés vont agir selon la nécessité : ils vont éviter toute injustice et toute dureté inacceptables en se basant sur les ordres donnés par le commandement militaire en France (NDLR : sous-entendu "et non par le SD !").