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La Cagoule une menace pour la République ?

Pétain, Laval, le régime de Vichy et tous ceux qui furent acteurs de cette période sombre de notre histoire. La collaboration, les collaborateurs, la vie quotidienne sous la botte de l'occupant, les privations, le marché noir...
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La Cagoule une menace pour la République ?

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de tietie007  Nouveau message 06 Mar 2007, 11:00

Source : Enquête sur une organisation secrète : la cagoule, Les collections de l'histoire, n°33, octobre-décembre 2006, article de Frédéric Freigneaux (professeur d'Histoire au Lycée de Fronton, Haute-Garonne, auteur d'un Mémoire de Maîtrise sur la Cagoule, Université de Toulouse-Le Mirail, 1991.),pp 46-49.

Cet article a été intégralement publié dans L'Histoire n°159 : "La Cagoule: enquête sur une conspiration d'extrême-droite",pp.6-17.

J'ai pris la liberté de découper l'article en chapitre, pour faciliter la lecture.

L'organisation secrète dela Cagoule conserve une part de mystère. On l'a longtemps désignée par le terme de CSAR (Comité secret d'action révolutionnaire). Or devant le juge d'instruction qui démantela le réseau en 1937, Eugène Deloncle, fondateur du mouvement, et ses principaux lieutenants ont toujours récusé cette appellation, affirmant avoir baptisé leur groupe Osarn (Organisme spécial d'action régulatrice nationale.).

1) Les origines de l'organisation.

La création de la Cagoule ne saurait s'expliquer en dehors de son contexte politique. En 1936 et pour la première fois, les socialistes gouvernent la France, alliés au Parti Comuniste. Pour beaucoup de français, le Front populaire signifiait la ruine économique, le désordre, la dictature révolutionnaire, la guerre civile. La vague de grèves sans précédent de l'été 36 et de le début de la guerre civile espagnole semblent confirmer ces craintes.
C'est dans ces circonstances troubles que se développe un groupuscule intitulé le Parti national révolutionnaire (PNR). Né en décembre 1935 d'un scission de l'Action française, il se propose, selon sa déclaration à la préfecture, "d'organiser une action sociale pour le redressement économique et national du pays et de lutter contre les influences intérieures ou extérieures ou tout groupement qui s'opposerait à la réalisation de ce programme".
En fait cette déclaration vise implicitement le Parti Communiste français et l'URSS.
En juin 1936, au moment où le Front Populaire arrive au pouvoir, Eugène Deloncle et Jean Filliol, convaincus des faiblesses de leur mouvement, décident de dissoudre le PNR pour créer un modèle d'organisation secrète destinée à renverser la république.
L'Osarn est une véritable nébuleuse. On y trouve des groupuscules, nombreux en 1936, qui n'ont souvent en commun que leur anticommunisme : le comité de rassemblement antisoviétique à Paris, l'Union des enfants d'Auvergne, à Clermont, ou les Chevaliers du glaive, à Nice ... Ces organisations numériquement faibles (souvent moins de 1 000 adhérents), offrent à l'association terroriste une assise en province, en des lieux stratégiques comme Nice et Toulouse pour le trafic d'armes avec l'Italie et l'Espagne.
L'Osarn s'appuie sur l'Union des comités d'action défensive (Ucad), anticommuniste, dirigée par le général Edmond Duseigneur, ancien chef de cabinet du ministre de l'Air, Laurent-Eynac. Forte de 2 800 à 5 000 membres, pour la plupart également à l'Osarn, l'Ucad, n'a été créée que pour masquer l'activité de l'organisatin clandestine.

2) L'organisation de la Cagoule.

Le mouvement est conçu par son chef, Eugène Deloncle, calque sa structure sur celle de l'armée. A la base, la cellule : un groupe de combat de 7 à 12 hommes pourvus d'un fusil mitrailleur Schmeisser, un fusil semi-automatique Bereta, un fusil de guerre, deux fusils de chasse, des armes légères et des grenades.
Trois cellules forment une unité, 3 unités, un Bataillon, 3 bataillons, un Régiment, deux régiments, une Brigade, 3 brigades, une Division.
Au total, l'Osarn aurait pu compter sur deux divisions complètes, soit environ 3 000 hommes bien entraînés.

Même modèle militaire au niveau de l'état-major, du service de renseignements, dirigé par le docteur Félix Martin, de l'entraînement des nouvelles recrues et du plan d'insurrection, et enfin de l'intendance.
La Cagoule dispose enfin d'un comité directeur, véritable gouvernement civil chargé des décisions politiques importantes : recherche d'alliances à l'étranger, achats d'armes, financement ...On y retrouve les cinq véritables responsables de l'Osarn : Eugène Deloncle et son frère Henri, Jacques Corrèze, Jean Filliol et Gabriel Jeantet.

Le secret, cultivé avec un soin pathologique, est essentiel à la survie de l'organisme. Chaque nouveau cagoulard prête serment de fidélité, d'obéissance et de secret absolu. Une fois enrôlé, le militant prend un pseudonyme. Le cloisonemment est aussi la règle, ce qui explique la relative longévité de l'organisation.

La Cagoule a besoin d'armes modernes. Elle volera une seule fois, le 18 mars 1937, 4 mitrailleuses et 3 fusils mitrailleurs à la caserne Thérémin d'Hame de Laon. Ils restent les achats auprès d'un trafiquant belge, puis, les besoins augmentant, auprès de manufacture d'armes dépendant de gouvernements étrangers. L'organisation passe alors par l'intermédiaire du gouvernement espagnol de Franco pour acheter des fusils-mitrailleurs Schmeisser à l'Allemagne. Elle obtient aussi des fusils semi-automatiques Beretta du gouvernement de Mussolini.

3) Les actions de la Cagoule.

L'organisation s'est illustrée dans trois types d'actions :
- les services rendus à des pays étrangers, notamment à l'allié italien. La Cagoule réalise pour lui plusieurs opérations de sabotage en liaison avec la guerre d'Espagne dans laquelle l'Italie est engagée. La plupart du temps ça se concrétise par un soutien logistique aux services de renseignements italiens. En revanche, l'organisation terroriste est entièrement responsable de l'assassinat de Carlo et Nello Rosselli, deux intellectuels antifascistes italiens. Mussolini leur fournira en échange des fusils semi-automatiques.
- l'élimination des traîtres et des parjures. Ainsi de celle de Maurice Juif et de Léon Jean-Baptiste. Ils achetaient des armes pour l'organisation et majoraient lex prix réclamés aux fournisseurs, en profitant pour mener grand train. Maurice Juif est tué de deux balles de revolver à Césio, en Italie, le 8 février en 1937. Quant à Léon Jean-Baptiste, il aurait été exécuté en octobre 1936.
- la politique de la terreur. Le 24 janvier 1937, Dimitri Navachine, directeur de la Banque commerciale pour l'Europe du Nord, est assassiné à coups de baïonnette par Jean Filliol. Cette mort a une valeur de symbole: Navachine était soviétique, communiste, franc-maçon et très lié au Front Populaire.
Son deuxième "coup d'éclat", connu sous le nom d'attentats de l'Etoile, a lieu le 11 septembre 1937, à Paris. Deux bombes explosent, l'une aux bureaux de la Confédération générale du patronat français, l'autre au siège du groupe des Industries métallurgiques et mécaniques. Elles tuent deux gardiens de la paix. L'Osarn atteint son objectif : les communistes sont accusés.

4) Le Coup d'Etat manqué et l'arrestation des dirigeants cagoulards.

Au début du mois de Novembre 1937, plusieurs cagoulards important entrent en relation avec leurs "contacts" dans l'armée. Deloncle et Edmond Duseigneur annoncent aux généraux Georges, Duffieux et Jeannel qu'un putsch communiste est prévu pour la nuit du 15 au 16 novembre. Il s'agit bien sûr d'une énorme tentative d'intoxication destinée à faire basculer l'armée dans le camp des conjurés, le but étant de prendre le pouvoir (ce que l'Osarn ne pouvait faire seule), du moins de provoquer un début de pronunciamiento.
Dans la nuit fatidique, tous les cagoulards sont mobilisés. Au dernier moment, Deloncle ne donne aucun ordre à sa troupe car il est certain que l'armée ne bougera pas. La conspiration est découverte et les principaux cagoulards sont en fuite ou arrêtés.
Les liens entre la Cagoule et certains officiers de l'armée avaient pourtant été assez étroits, notamment avec les membres du réseau Corvignolles, fondé en 1936 par le commandant Loustau-Lacau, détaché de l'état-major du maréchal Pétain. Persuadé que l'armée courait à sa perte à cause des conceptions militaires dépassées, et du sabotage des communistes. La Cagoule est entrée en contact avec le réseau Corvignolles en décembre 1936. Loustau-Lacau est hostile à un coup d'état et refuse, à plusieurs reprises d'entraîner son mouvement dans l'aventure, mais il ne peut empêcher plusieurs membres de son organisation de rejoindre l'Osarn.
En tout cas, plusieurs officiers supérieurs ont été en relation avec l'Osarn. Sans appartenir à cette organisation, le maréchal Franchet d'Esperey, dont l'aversion pour le régime est connue, utilise son influence pour convaincre les officiers de soutenir Deloncle et les industriels de le financer (Des sociétés comme Michelin, Renault ou le Comptoir sidérugique françaisont largement contribué au financement de l'Osarn.). De même, le général de division Lavigne-Delville, qui avait connu Deloncle durant la 1ere guerre mondiale, précisera lors de son interrogatoire :
"Je maintiens qu'en ma compagnie, il [Deloncle] a vu les autorités militaires que j'avais tout lieu de croire mandatées implicitement ou explicitement par leurs chefs qui eux étaient des autorités militaires.(...) Au cours de ces conversations, j'ai trouvé entre les officiers et Deloncle une confiance réciproque."
Malgré les nombreux contacts entre la Cagoule et l'armée, cette dernière restera toujours dans une posture prudente, ne voulant pas jeter le pays dans une guerre civile. D'ailleurs cette relative neutralité des militaires sera la grande faiblesse de la Cagoule. La relative pauvreté de ses effectifs, entre 2 000 et 10 000 membres, son hétérogénéité jouent contre elle.


5) Les faiblesses de l'organisation.

Fondée par des anciens de l'Action française, elle recrute dans les différentes mouvances de l'extrême-droite. Ses membres viennent pour la plupart du mouvement d'anciens combattants des Croix-de-Feu (devenues en 1936 le Parti Social Français du Colonel de la Rocque), ou, dans une moindre mesure, des Jeunesses Patriotes, du PPF, de la Solidarité française voire du Parti franciste. Comment élaborer une doctrine commune dans ces conditions ?

Des désaccords se font jour au sein du Comité directeur. Certains, dont Filliol, partisans d'un coup de force immédiat, l'accuse de reculer sans cesse l'heure de la confrontation; les modérés en revanche, convaincus que la tentative communiste est proche, préfèrent attendre et laisser l'initiative de la guerre civile aux "Rouges".
Mais le plus difficile est de maintenir une telle organisation dans la clandestinité complète. Très vite, la police infiltre ses agents au coeur de la Cagoule. Le 23 novembre 1937, le minsitre de l'Intérieur, Max Dormoy, annonce la découverte d'une vaste conspiration, les chefs cagoulards sont arrêtés. devant le déni des chefs cagoulards et l'absence de preuves formelles, le juge d'instruction Béteille, chargé du dossier, sont libérés et mobilisés lors de la déclaration de guerre. Deloncle est mis en liberté provisoire le 5 septembre 1939, Gabriel Jeantet le 24 janvier 1940.

6) Les cagoulards après la défaite.

Peu sont ceux qui vont choisir la Résistance. Certains collaborent avec l'occupant et adhèrent au Mouvement Social Révolutionnaire (MSR) fondé par Deloncle qui participera à la création, dès juillet 1941, avec Jacques Doriot et Marcel Déat, de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF). Le 7 janvier 1944, Deloncle sera abattu à son domicile par la Gestapo, victime du combat que se livraient, en Allemagne, partisans et adversaires d'Hitler, après les premiers revers militaires.

7) L'épuration.

Le procès des cagoulards encore en vie s'ouvre après la Libération, en 1948. Les peines vont de la condamnation à perpétuité (pour Jakubiecz) à dix ans d'emprisonnement (pour Corrèze). Ceux qui avaient fui à l'étranger sont condamnés par contumace et la peine de mort est requise contre Filliol et Locuty.
L'histoire de la Cagoule connaîtra enfin un ultime rebondissement, en 1991, avec l'affaire "l'Oréal", qui prouvera que d'anciens collaborateurs ont réussi à survivre et à prospérer grâce à des réseaux de complicité dans la multinationale.

La Cagoule a-t-elle représenté un réel danger pour la république ?
Cette menace traitée d'"opéra-comique" par Maurice Pujo dans L'Action française, le 29 juillet 1936, a été, en tout cas, prise au sérieux par la gauche, comme en témoigne Léon Blum, le 9 novembre 1936, dans le Populaire :
"Je crois vraiment que pendant la période où j'étais le chef du gouvernement, la menace de putsch fasciste, dont la Cagoule aurait été l'élément le plus actif, était réelle."


 

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Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de Francis Deleu  Nouveau message 06 Mar 2007, 13:18

Bonjour,

Petites remarques !

Fautes de frappe probablement car vous écrivez Max Dormoy plutôt que Marx Dormoy et Loustau-Lacau plutôt que Loustaunau-Lacau.

Rassurez-vous ! Nombre d'historiens s'emmêlent les touches du clavier en orthographiant les noms propres.
A propos de l'orthographe de Loustaunau-Lacau, quelques considérations ici : http://www.livresdeguerre.net/forum/con ... ndex=25774

Cordialement,
Francis Deleu.


 

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la cagoule

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de lebel  Nouveau message 06 Mar 2007, 17:30

bonsoir
Dans l'entourage de De Gaulle à Londres , on a parlé de Passy et M.Duclos ;
Quid de ces rumeurs ? Y avait il d'autres cagoulards

Anecdote : Le Canard Enchainé de l'epoque rapporte que le mot de passe des conjurés etait : "Faut c'qu'y faut " :)


 

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