thucydide a écrit:Pour rebondir à un message de Loïc dans le sujet "Oradour sur Glane"
J'ai une question concernant les "Welle" est que les alsaciens ont été sur ou sous en roller par rapport au reste de l'allemagne?
Loïc Charpentier a écrit:il convient de ne jamais oublier que 131 000 alsaciens-mosellans avaient du servir dans la Wehrmacht- sans compter les jeunes femmes! -, soit, au minimum, 10% de la population, alors, existante! Qu'ils n'y pouvaient mais et que leur premier souci étaient de s'en sortir, le plus possible, indemnes. Amen!
Bonjour,
La conscription, correspondant aux appels de classe (
Welle, vague) avait, de mémoire, débutée en Alsace-Moselle, au second semestre 1942 - mais Orpo 57 dispose, probablement, d'infos plus précises sur ce sujet-.
Perso, je me réfère à feu mon beau-père, né en novembre 1922, qui avait été appelé en 1942, mais avait essayé de retarder son enrôlement - sans succès
-, en prétextant une vieille blessure de football à un genou. J'ai un autre exemple en tête, un de mes anciens directeurs d'agence, qui servait dans la
Luftwaffe, en Corse, avait discrètement réussi à déserter en septembre-octobre 1943, pendant la libération de l'île, pour rejoindre le maquis - çà n'avait pas été de la tarte pour prouver, avec son accent très prononcé (!), aux locaux qu'il était, lui-même, français!
- , puis s'était retrouvé versé dans la 1ère Armée française jusqu'à la fin du conflit!
Le recrutement en Alsace-Moselle avait été interrompu, au plus tard, en octobre-novembre 1940, suite à la progression alliée et la libération des territoires annexés. Il y avait bien eu, certes, quelques "zones d'ombre", comme la Poche de Colmar, qui avait perduré jusqu'en février 45, l'Alsace du Nord, reprise en janvier 1945, dans le cadre de l'Opération Nordwind, puis définitivement évacuée à la mi-mars 1945 et le "secteur" Sarreguemines-Bitche - Eguelshardt (voir Orpo 57, one more time
), mais, au pire, se sont des situations très mineures, où, à mon avis, durant ces quelques mois, l'administration militaire allemande n'était plus en mesure de recruter.
Sinon, les règles de la conscription "obligatoire" étaient identiques à celles qui existaient en Allemagne, y compris la baisse de l'âge des appelés, à dater de fin 1943 (
21.-22. Wellen) ; je manque d'infos précises sur le sujet, mais par recoupement, je sais, par exemple, qu'un ami, né fin 1926, avait été appelé fin 1943 (
22. Welle), donc à moins de 18 ans.
Dans les faits, il n'y avait pas eu de sous- ou sur-enrôlement, çà marchait par classe d'âge, point-barre. A noter que ce recrutement fonctionnait également pour les jeunes filles, car je connais, également, une jeune femme (à l'époque !) qui s'était retrouvée incorporée, à +/- 18 balais dans la
Kriegsmarine, comme auxiliaire féminine de la
Flak, du côté de Hamburg/Kiel.
Fin 1943-début 1944, il y avait eu, aussi, un phénomène un peu particulier, la nécessité de recompléter les divisions "historiques" de la
Waffen-SS, qui bénéficiaient, alors, des appels de classe de la
Heer, à ma connaissance, çà concernait la
LSSAH, la
Das Reich et la
Totenkopf, qui avait débouché sur le versement automatique de nombreuses nouvelles recrues alsaciennes, mosellanes, belges "germanophones" ou luxembourgeoises dans ces unités.
De manière générale, tous ces appelés sont, toujours, restés très discrets, après-guerre, sur leur passé militaire au sein de la
Wehrmacht. C'est, certes, un comportement courant chez les Anciens Combattants, mais, en plus, localement, la complexité de la situation a été très largement incomprise par les "Français de l'Intérieur" - entre nous, çà n'a guère changé, sauf que les classes concernées sont, désormais, bien souvent, en train de bouffer les pissenlits par la racine!
-.
Par contre, de tous les témoignages "intimes" que j'avais réussi récolter entre 1958 et 2010, à la louche, il ressort une unanimité, y compris chez la gente féminine qui avait servi, au sein des unités, il existait une fraternité de corps très importante, qui ne se préoccupait pas des origines locales de la recrue.
Çà n'empêchait pas pour autant certains cadres, de se méfier de ces recrues "exotiques". Un ancien de la Totenkopf avait bien résumé la situation des Alsaciens... "
jamais devant, jamais derrière, toujours au milieu!" et, de toute manière, sur le Front Est, il était inutile de tenter de déserter en essayant de rejoindre les lignes russes, car on était sûr de s'y faire dégommer par une rafale, avant, même, d'avoir pu expliquer son cas particulier ... surtout en arborant les distinctives de la
Waffen-SS. La moins "mauvaise" solution se résumait à se faire capturer en gros groupes de "pinpins", pour finir, après les interrogatoires menés par des commissaires politiques pas trop obtus, aller croupir dans le camp de Tambov... jusqu'en 1947!
Le régiment d'artillerie ou ce qu'il en restait, où servait feu mon beau-père, avait, après avoir retraité depuis Vienne, effectué sa reddition le 8 mai 1945 à Berchtesgaden, aux troupes US. En se "dépoilant" comme il est de règle pour un prisonnier de guerre, il avait réussi à faire comprendre - juste pour mémoire, d'origine rurale, il ne parlait pas un mot d'anglais, s'est, toujours, très mal exprimé en français, mais parlait, à la perfection, l'allemand! - à ses gardiens, qu'il détenait des documents d'identités d'origine française, dissimulés dans une fausse poche, bidouillé par ses soins dans ses futes - cà faisait, en gros, trois ans, qu'il s'échinait à les planquer! -. Quand il avait réussi à les extirper et présenter, son
Batterieführer, un
Oberleutnant, lui-aussi fait prisonnier, avait lâché, laconiquement,en allemand "
Silber, si je l'avais su, tu étais bon pour le peloton et 12 balles dans la peau!"! Je rappelle juste qu'on était le 8 mai, que l'armée allemande était en train de capituler et que çà donne une bonne idée de l'ambiance régnante! Finalement, "Beau-Papa", après avoir été cuisiné pendant 48 heures, par les Américains et les officiers français détachés, avait été expédié dans un train, direction Barr (Bas-Rhin), où il avait débarqué, anonymement, au petit matin, quelques jours plus tard, puis avait repris sa place dans la scierie qui l'employait précédemment, sans autre formalité!
On retrouve une situation identique sur le Front Ouest, où, autre exemple, un ami, versé d'office dans la
DR, fait prisonnier, à 18 balais, en juillet 1944, en Normandie, français "alsacien pur souche", restera prisonnier de guerre, aux States, avant d'être expédié, en 1946 - afin de faire de la place professionnellement aux démobilisés américains ! -, avec un lot de prisonniers allemands et autres, vers le port du Havre, où il avait été pris en charge par la Prévôté, rapatrié sur une caserne dévolue à cet usage, puis, un peu plus tard, discrêtement, "exfiltré" dans un train de nuit vers Strasbourg, car il y avait, alors, des "piquets" du PCF, qui campaient, entre autres, aux abords du port du Havre, surveillaient les retours de prisonniers de guerre et entendaient, ainsi, "faire la fête" aux supposés "collabos"!
La loi d'amnistie générale des "Malgré-Nous" votée en catastrophe, en février 1953, après le verdict du Procès de Bordeaux, quelques semaines plus tôt, avait, certes, calmé le jeu, mais elle n'aura pas pour autant résolu le problème du "particularisme" des régions françaises annexées.