Post Numéro: 1 de orpo57 13 Juin 2021, 23:25
LEXIQUE DES FRANÇAIS ANNEXES A L’USAGE DES FRANÇAIS DE L’INTERIEUR
NB : le destin des alsaciens et des mosellans se confond souvent avec parfois des particularismes régionaux liés à leur administration propre au sein du Reich.
Les évacués
En septembre 1939 A la déclaration de la guerre, les 200 000 mosellans (sur 700 000) de la zone frontière autour de la Ligne Maginot ont été évacués par les autorités françaises vers des départements d’accueil (Charente et Haute Loire) mais également dans le Nord (mineurs), Haute Loire (sidérurgistes). Ils ont subi cet exil intérieur comme un déracinement social, culturel, professionnel.
Les expulsés
En trois vagues juillet 40, aout – septembre 40, novembre 40 les nazis ont expulsé 90 000 mosellans au-delà de la ligne de démarcation dans une dizaine de départements du Sud-ouest. Arrivés à Lyon, ils prennent le statut de réfugiés. Ces mosellans étaient « indésirables » car non germanisables : francophones, patriotes français, fonctionnaires français, syndicalistes, juifs, membres de congrégations religieuses, membres de parti de gauche, étrangers originaires de pays non européens, toute personne dont les deux parents ne sont pas nés en Moselle…
La libération des soldats alsaciens et mosellans
En juillet 1940 Sur ordre de Hitler les soldats français originaires d’alsace et de Moselle sont libérés des camps de prisonniers allemands. Ils doivent retourner chez eux… en territoire annexé.
Les rapatriés
80 % des évacués de septembre 39 reviennent chez eux en Moselle pour retrouver leur maison, leur travail, leur terre, leurs racines. Ils sont incités à revenir dans leur foyer (Heimkehr) et accueillis à bras ouverts. Les anciens avaient en souvenir l’annexion impériale (1871 – 1918) qui avait été marquée jusqu’en 1914 par une coexistence entre les autochtones et les allemands du Reich. Rien à voir avec la dictature national-socialiste.
Conséquence : les évacués non rentrés et les expulsés ont eu leur patrimoine (avoirs bancaires, meubles, maisons et appartements, entreprises et commerces…) confisqué par le IIIe Reich comme « biens appartenant à des ennemis du Reich ». Les biens des associations dissoutes et des congrégations religieuses (sauf l’église réformée) ont confisquées.
Les optants
En avril 1941, 7 000 mosellans ont été autorisés à quitter le territoire de la « Zivilverwaltung Lothringen » pour la France.
Les mosellans dénaturalisés
Les mosellans vivant en Moselle annexée ont été dénaturalisés. Ils ont perdu leur nationalité française pour le statut de « Volksdeutsche Lothringer » c'est-à-dire « lorrains membres de la commauté allemande ». Ils ont les droits sociaux des allemands mais pas la nationalité allemande.
Les mosellans deviennent allemands d’office.
Aout 1942, Décret de Hitler, les mosellans (ainsi que les alsaciens et les luxembourgeois) se voient octroyés d’office la nationalité allemande « révocable pendant dix ans ».
Les incorporés de force dans le service de travail du Reich
A partir de 1941, tous les mosellans (garçons et filles) âgés de 17 ans sont astreints comme les jeunes allemands au Service du Travail (obligatoire) du Reich (Reichsarbeitsdienst ou RAD) avec une période d’instruction dans des camps du RAD suivie d’une période de travail au service de la collectivité (usine, entreprise, travaux publics, agriculture, services sociaux)
Les incorporés de force dans l’armée allemande (malgrés-nous)
Aout 1942 introduction de la loi militaire allemande sur la conscription. Les jeunes mosellans (+ alsaciens) sont astreints à servir sous l’uniforme allemand. Cette incorporation de force se fait sous la menace de représailles contre la famille (Sippenhaft) en cas de désertion. Bilan : 30 000 mosellans enrolés de force 8 000 morts (100 000 alsaciens 32 000 morts).
Les résistants en Moselle annexée
En France, les résistants luttaient contre l’occupant allemand. En Moselle annexée les résistants mosellans étaient considérés comme des traitres à la patrie. Certains d’entre eux sont passés devant le Tribunal du Peuple (Volksgerichtshof) pour trahison et condamnés à mort et exécutés. D’autres ont été envoyés en camp de concentration ou dans des prisons allemandes.
Les Transplantés
En janvier 1943, des familles de mosellans sont transplantés de force principalement en Silésie et dans les Sudètes pour refus de la germanisation ou comportement anti allemand, représailles après le refus de l’incorporation ou la désertion d’un fils/fille du Service du Travail ou de l’armée. Ces 9 500 transplantés (Umsiedlers) mosellans vivent dans des camps réservés aux volksdeutsches rapatriés d’Europe de l’Est et gérés par le Bureau de liaison des communautés allemandes vivant à l’étranger (Volksdeutsche Mittelstelle). Ils travaillent dans des entreprises locales. Ils n’ont pas la liberté de circulation mais ne sont pas prisonniers. Ils ont reçu après la guerre le statut de Patriotes Résistants à l’Occupant (P.R.O.).
Les terrassiers dans la défense du Reich
En octobre 1944, les civils sont réquisitionnés comme « terrassiers » (schanzers) pour creuser des fossés antichars et renforcer les défenses de l’armée allemande dans les villes transformées en forteresses (Festung) pour ralentir l’avancée des troupes alliées.
Les mosellans dans la résistance en France
Parmi les mosellans évacués en 39 ou expulsés en 40, un certain nombre a rejoint les réseaux de résistance et les maquis pour combattre l’occupant allemand. Ils ont partagé le combat et la souffrance de leurs frères d’arme.
Les incorporés de force prisonniers de guerre russes
Des mosellans et des alsaciens ont été capturés par l’armée russe puis regroupés dans le camp principal de Tambow et ses satellites. Les plus faibles vont mourir de froid et de maladie.
Aout 1944 : 1500 « malgré-nous » sont libérés après un accord Staline/De Gaulle . Ils sont envoyés en Afrique du Nord et incorporés dans les Forces Françaises Libres. Avec la 1ère armée française de De Lattre. ils participeront aux combats de la libération notamment en Alsace.
Certains auront été soldat français en 1940, soldat allemand en 1942 puis à nouveau soldat français en 1944.
L’heure du jugement
3 250 mosellans seront jugés entre 1944 et 1947. En termes d’incrimination, il n’y a pas de collaboration avec l’ennemi comme dans le reste de la France mais collaboration ou propagande avec le NSDAP collaboration avec l’Etat Nazi, Lutte contre les idées françaises, dénonciations.
A l’heure de la réconciliation.
Après la guerre, les familles ont été à nouveau réunies avec ceux qui sont partis et ceux qui sont restés, ceux qui ont déserté et ceux qui sont partis au front, ceux qui collaboré avec les nazis, ceux qui ont subi et ceux qui ont résisté. Il a fallu penser à l’avenir, face à l’incompréhension, le silence pesant mais pas l’oubli. Il fallait retisser les liens, continuer à vivre.
Loic a parfaitement décrit le vécu des familles au quotidien.
Les souvenirs ont été longtemps enfouis puis la parole s’est libérée petit à petit et les témoignages ont permis de découvrir (et d’essayer de comprendre) des destins meurtris, des parcours heurtés.
En conclusion, il convient de rappeler qu’en Alsace et en Moselle, sur les monuments aux morts on trouve fréquemment la mention « A nos morts ». En effet, entre 1871 et 1945 tous les enfants d’Alsace et de Moselle ne sont pas morts sous le même uniforme mais la mémoire de tous est honorée.
Georges
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