Bonjour,
Concernant les alsaciens & mosellans, le Secrétariat (français) aux Prisonniers de guerre avait publié en 1945 ou 1946, une reliure qui regroupait l'ensemble des hommes incorporés - dans ce cas spécifique, je ne ne me souviens plus si les engagés volontaires (denrée rare) y figuraient, mais de toute façon, cette spécificité - volontariat ou incorporation d'office - n' y était pas mentionnée - dont on était sans nouvelle, sur le Front Est. J'ai eu, moi-même, en mains, ce document, mais il y a près d'une quarantaine d'années de ça, donc mes souvenirs sont, aujourd'hui, assez flous. Sur chaque page figurait les identités des disparus, souvent accompagnées de leurs photo, leur date d'incorporation et leur dernière affection identifiée - généralement établie à partir des adresses postales réglementaires de leurs courriers et du contenue de leurs courriers, des légendes de photos prisent lors des permissions de détente, etc. ... éléments communiqués par leur famille -. Ce gros bouquin, format italien (plus large que haut) était accompagné d'une page d'en-tête, rédigée et signée par le secrétaire d'état en charge... à l'époque, il s'agissait de François Mitterrand, dont le nom pourrait évoqué quelques souvenirs chez les plus anciens d'entre nous!
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En principe, toutes les familles en recherche d'un disparu (et qui en avaient fait la demande) avait été destinataire d'un exemplaire. Dans la famille de ma première épouse, çà concernait un cousin germain, qui, à ma souvenance, détenu à Tampov, n'était rentré qu'en 1947 - il avait été élu maire de Saint-Pierre (67) - petite commune entre Barr & Epfig - fin des années 70-début des années 80.
Dans cette liste, figuraient aussi bien les disparus "définitifs" que ceux capturés par l'Armée Rouge dont on était sans nouvelle. Les russes n'étant pas signataires des accords internationaux de la Croix-Rouge, n'avaient aucune obligation pour la déclaration de leurs prisonniers - contrairement aux allemands, pour ce qui concernait les prisonniers alliés (hors russes). Hormis le petit "lâcher de pigeons", en 1945, organisé par les Soviétiques, pour donner l'impression qu'ils jouaient le jeu, le retour des Alsaciens-Lorrains (vivants) prisonniers s'était prolongé entre 1947 (cette datation mérite d'être vérifier!) et.... 1955! Parmi les plus tardifs, années 50, certains hommes sans attache familiale étaient, même, restés en URSS!
Les libérations n'avaient pas été rapides. Un vieil ami , maintenant, décédé, appartenant à la classe 1926 et incorporé d'office dans la DR, fin 1943 ou début 1944, où il servait en tant que conducteur de SPW, avait été capturé par les Alliés, en Normandie, alors qu'ils étaient , dans une cave de ferme normande, en train de jouer aux cartes, pour se planquer du pilonnage d'artillerie allié... sauf que l'un d'entre eux, pris d'une envie pressante, s'était retrouvé la zibounette à la main, face à l'infanterie alliée! Expédié aux Etats-Unis, où il avait joué l'ouvrier agricole au Texas et pris 20 kg, au passage - mais c'était une armoire à glace! -, il avait été expédié d'autorité vers la France - alors qu'il envisageait, très sérieusement, de s'installer aux States - en... 1946, car il fallait, alors, faire de la place aux démobilisés américains. Un de ses plus grand souvenirs (de prisonnier) avait été de découvrir, à bord du cargo qui l'acheminait vers son premier camp de prisonniers, de découvrir l'illumination, en pleine nuit, du port et de la ville où on allait le débarquer. Cà faisait 4 ans qu'il vivait au rythme de la défense passive et du noir "complet" la nuit!
Au passage, lui et ses camarades "survivants", en Normandie, s'étaient vu décerner, sur la ligne de front, une EK 2, lors d'une "cérémonie", qui avait du durer 5 minutes (à l'excès) entre deux livraisons de gros calibres alliés. Dans ses souvenirs, le coin était tellement intenable, que l'officier chargé de leur conférer la décoration avait sauté de la Kubelwagen, serré les mains, vite fait, leur refilant, tout aussi vite, la médaille et le diplôme y afférant- que mon ami s'était contenté, comme ses copains, de glisser dans sa poche - puis avait, aussi sec, réembarqué dans sa bagnole pour dégager, à toute vitesse, de la zone dangereuse! Quarante ans après, il ne souvenait même plus où il avait pu égarer cette "foutue" médaille! Si ça se trouve, elle avait fini comme trophée dans la poche d'un des gars qui les avaient "capturés".
Charles (c'était son prénom) n'avait strictement rien à secouer du statut de "Malgré-nous". Pour lui, comme pour beaucoup d'autres que j'ai connus, c'était juste le résultat (ou la conséquence) d'une époque très compliquée. De son côté,après guerre, la RFA avait assumé ses "responsabilités", rubis sur ongle, en versant, à l'état français, les indemnisations pour leurs années de service dans la Wehrmacht - mon beau-père y avait également eu droit -. Seul, le décret de 1954 avait, à leurs yeux, une réelle importance, le reste n'était qu'un aimable pipeau historico-médiatique. Sinon, ils savaient très bien, mais ils s'en foutaient largement (!), qu'aux yeux des "
Häse" (lièvres), surnom des français de l'Intérieur, après la déroute de l'été 1870, ils restaient classés comme des "Boches".
Les décennies passant, je suis étonné par l'importance que peut, semble-t-il, revêtir, de nos jours, ce "statut" de Malgré-Nous, comme si il fallait, désormais, distinguer les "bons" des "mauvais" alsaciens-lorrains, alors même que les témoins et acteurs de la sombre réalité de cette période se comptent, désormais, presque, sur les doigts de la main! Serait-ce le résultat des travaux des "historiens" de salon, qui, depuis leur chaise ou leur fauteuil et sans aucune expérience de la complexité d'un conflit de l'importance de Seconde Guerre Mondiale, se permettent d'émettre des jugements péremptoires et manichéens ?