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Nouveau messagePosté: 12 Sep 2007, 09:43
de Laurent Pépé
"Je défendrai l'Afrique contre tout ennemi"

C'est clair. Et si les Allemands arrivent en "amis" au compte-gouutes, avec l'accord du Maréchal ?

Nouveau messagePosté: 12 Sep 2007, 10:04
de Laurent Pépé
je continue mon questionnement :

"C'est clair. Et si les Allemands arrivent en "amis" au compte-gouutes, avec l'accord du Maréchal ?"


Et si ces allemands mettent le pied en AFN, contre la libération de 200 000 prisonniers, la reformation de quelques escadriles de D520 en AOF, etc....et le tout enrobé d'une bonne vieille couche de "ruse nazie"© et de propagande maréchaliste ?

Nouveau messagePosté: 12 Sep 2007, 10:48
de François Delpla
Entièrement d'accord !

Et c'est bien pour cela que la passivité de Weygand en novembre 41 est suspecte. L'idée est que, devant la prévisible offensive d'Auchinlek (qui va se déclencher le 18, la retraite de Weygand étant annoncée le même jour), Rommel, laissé à découvert par la concentration des moyens allemands sur Barbarossa, pourrait être acculé le long de la frontière tunisienne... ce qui offrirait à Pétain et Darlan un rôle de sauveurs qu'ils voudraient monnayer au prix fort. Dans l'hypothèse où nous nous plaçons, Weygand se laisserait pousser vers la sortie par une abnégation en quelque sorte patriotique : je ne veux pas être l'homme qui ouvre, contre tous ses serments, le Maghreb aux Allemands, mais je ne saurais obliger la France à gâcher la chance d'adoucir ainsi le traité de paix. Au demeurant, l'Afrikakorps, même étrillé par les Anglais, ne ferait qu'une bouchée des maigres forces que l'armistice (et antérieurement, ma politique de juin 40 consistant à vider les colonies vers la métropole pour rendre inévitable ledit armistice !) m'a laissées en Tunisie.

Nous la retrouvons bien là, la ruse nazie : mettre les gens dans des situations impossibles où ils n'ont que de mauvaises solutions, la moins pire à leurs yeux étant celle qui favorise le mieux les desseins hitlériens.

En l'occurence, le statu quo en AFN, avec une porte de sortie pour Rommel si cela s'avère indispensable, et au passage l'élimination de la personnalité symbolique et charismatique de Weygand.

Nouveau messagePosté: 12 Sep 2007, 13:49
de Francis Deleu
Laurent Pépé a écrit:je continue mon questionnement :


Et si l'inexplicable refus de Weygand de prendre la tête de la dissidence en AFN, comme l'y pressaient les Etats-Unis, n'était pas tout simplement son allergie pour la République et ses parlementaires. En effet, les Alliés anglo-saxons apportaient dans leurs bagages, la promesse d'une restauration de la démocratie, d'élections libres et donc le retour du parlementarisme.... tout ce que Weygand exécrait.

Examinons son état d'esprit en l'illustrant par quelques anecdotes d'après-guerre.
Weygand entretient de relations épistolaires amicales avec tout ce que l'Europe compte encore de dictateurs. Salazar par exemple ! Le souhait le plus cher de Weygand, confie le colonel Gasser, était de poser sur son bureau le portrait de Salazar. Par pudeur, Weygand n'ose en faire la demande à son ami Salazar. C'est Gasser, son ancien directeur de cabinet militaire et fidèle compagnon, qui s'en charge. Gasser en fait part au colonel Remy. Remy (Gilbert Renault, ancien agent secret de la France Libre), pour des raisons professionnelles, partage son temps entre la France et le Portugal. Lors d'une réception au palais présidentiel, Remy confie le voeu de Weygand à un membre du cabinet de Salazar. Dès le lendemain, une estafette remettait à Remy un" magnifique" portrait de Salazar. Une lettre était jointe à l'envoi :
Dites bien s'il vous plaît à Monsieur le général Weygand que, si vous ne m'aviez pas demandé de sa part ma photographie, je n'aurais jamais osé la lui adresser.

Ah ! La pudeur des divas ! Et le portrait de Salazar trouva sa place sur le bureau de Weygand entre celui de Turenne et le moulage de la main droite de Foch.

Une dernière anecdote ! Peu avant le décès de Weygand, ce dernier confie à Remy une lettre à remettre à Salazar ! Weygand la lit à haute voix ! Remy trouve la lettre tellement "admirable"... cette modestie, cette humilité... (sic) qu'il en prend photocopie pour la postérité.
A mon tour de la scanner [*] :
Le colonel Rémy me fait savoir qu'il à l'honneur et l'enviable privilège d'être bientôt reçu par vous. Il veut bien se charger de vous remettre cette lettre.
Elle est en avance de quelques semaines sur la fin d'une année bien peu satisfaisante.
Il semble que plus les hommes sont réunis par la facilité des communications, moins ils s'entendent. De bonne ou de mauvaise foi on bêle la Paix en jouant avec le feu.
Le monde est désaxé.
Seul le Portugal va droit son chemin, ne perdant rien de ce qu'il possède, au-dedans et au-dehors; en Asie ou en Afrique. C'est à vous, Monsieur le Président, qu'il le doit, à vous qui savez unir la plus indomptable fermeté à l'amour de ceux que vous gouvernez.
C'est en vous adressant mes voeux fervents d'un joyeux et saint Noël et d'une aussi heureuse an­née 65 pour le Portugal que je termine cette lettre qui dit imparfaitement ce que (je) sens, en vous demandant d'agréer le très respectueux hommage d'un vieux soldat.


Cordialement,
Francis.

[*] Source : Remy, Dans l'ombre du maréchal, Presses Pocket, 1971.