Laurent Pépé a écrit:je continue mon questionnement :
Et si l'inexplicable refus de Weygand de prendre la tête de la dissidence en AFN, comme l'y pressaient les Etats-Unis, n'était pas tout simplement son allergie pour la République et ses parlementaires. En effet, les Alliés anglo-saxons apportaient dans leurs bagages, la promesse d'une restauration de la démocratie, d'élections libres et donc le retour du parlementarisme.... tout ce que Weygand exécrait.
Examinons son état d'esprit en l'illustrant par quelques anecdotes d'après-guerre.
Weygand entretient de relations épistolaires amicales avec tout ce que l'Europe compte encore de dictateurs. Salazar par exemple ! Le souhait le plus cher de Weygand, confie le colonel Gasser, était de poser sur son bureau le portrait de Salazar. Par pudeur, Weygand n'ose en faire la demande à son ami Salazar. C'est Gasser, son ancien directeur de cabinet militaire et fidèle compagnon, qui s'en charge. Gasser en fait part au colonel Remy. Remy (Gilbert Renault, ancien agent secret de la France Libre), pour des raisons professionnelles, partage son temps entre la France et le Portugal. Lors d'une réception au palais présidentiel, Remy confie le voeu de Weygand à un membre du cabinet de Salazar. Dès le lendemain, une estafette remettait à Remy un" magnifique" portrait de Salazar. Une lettre était jointe à l'envoi :
Dites bien s'il vous plaît à Monsieur le général Weygand que, si vous ne m'aviez pas demandé de sa part ma photographie, je n'aurais jamais osé la lui adresser.
Ah ! La pudeur des divas ! Et le portrait de Salazar trouva sa place sur le bureau de Weygand entre celui de Turenne et le moulage de la main droite de Foch.
Une dernière anecdote ! Peu avant le décès de Weygand, ce dernier confie à Remy une lettre à remettre à Salazar ! Weygand la lit à haute voix ! Remy trouve la lettre tellement "admirable"...
cette modestie, cette humilité... (sic) qu'il en prend photocopie pour la postérité.
A mon tour de la scanner [*] :
Le colonel Rémy me fait savoir qu'il à l'honneur et l'enviable privilège d'être bientôt reçu par vous. Il veut bien se charger de vous remettre cette lettre.
Elle est en avance de quelques semaines sur la fin d'une année bien peu satisfaisante.
Il semble que plus les hommes sont réunis par la facilité des communications, moins ils s'entendent. De bonne ou de mauvaise foi on bêle la Paix en jouant avec le feu.
Le monde est désaxé.
Seul le Portugal va droit son chemin, ne perdant rien de ce qu'il possède, au-dedans et au-dehors; en Asie ou en Afrique. C'est à vous, Monsieur le Président, qu'il le doit, à vous qui savez unir la plus indomptable fermeté à l'amour de ceux que vous gouvernez.
C'est en vous adressant mes voeux fervents d'un joyeux et saint Noël et d'une aussi heureuse année 65 pour le Portugal que je termine cette lettre qui dit imparfaitement ce que (je) sens, en vous demandant d'agréer le très respectueux hommage d'un vieux soldat.
Cordialement,
Francis.
[*] Source : Remy,
Dans l'ombre du maréchal, Presses Pocket, 1971.