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Medjez-el-Bab : retour des Français dans la lutte

Nouveau messagePosté: 15 Juin 2005, 13:57
de Kelilean
Le début des hostilités en Tunisie

A la mi-novembre 1942, les Britanniques et les Américains sont d'accord pour croire qu'une poussée accélérée de la 1st US Army venue d'Algérie permettra la prise de Bizerte et de Tunis. Le plan d'Einsenhower prévoyait le débarquement de troupes anglaises à Bône, près de la frontière algéro-tunisienne, pour prendre le plus vite possible la capitale de la Tunisie. L'opération a lieu le 12 novembre d'une manière prudente, par peur de la réaction des troupes françaises. Mais la 78th est accueillie tout à fait amicalement.
L'entrée en Tunisie est réalisée dans les jours suivants et le 15 le petit port de Tabarka est capturé. Bizerte n'est plus qu'à une centaine de km à l'est. Dans le même on lance des opérations aéroportées : des paras américains du 509th P.I.R. sous les ordres du colonel Edson D. Raff sautent sur le sud de l'Algérie et entrent en Tunisie. Ils prennent Gafsa en passant par Tebessa et Kasserine, le 17 novembre, contrôlant ainsi les montagnes surplombant Gabès, là-même où Rommel veut établir son front de défense. Le 16, un bataillon de paras britanniques a été largué à Souk-el-Arba, à 120km de Tunis. Ils y parviennent en même temps que les éléments de pointe de la 78th Division. L'offensive en Tunisie s'annonce donc sous de bons auspices à ce moment-là. Mais le commandement allié commet le lendemain une erreur cruciale : Anderson, le chef de la 1st British Army, ordonne à la 78th Division «d'avancer sur Tunis et de détruire les forces de l'Axe » après avoir terminé son regroupement. Or celui-ci va demander du temps, et chaque jour passé profite aux Allemands.
Le 16, le général Nehring n'a que 3000 hommes sous la main, une moitié à Tunis, l'autre à Bizerte. Dans cette dernière, ce sont deux bataillons du 5. Fallschirmjäger-Regiment et à Tunis d'un bataillon de sapeurs-parachutistes et un autre d'infanterie. Les Italiens ont quant à eux débarqué deux bataillons de Semovente à Bizerte.
Si la 78th attaque immédiatement, elle prendra de vitesse les Allemands, d'autant plus qu'elle est suivie de près par la Blade Force : elle se compose du 17/21st Lancers, doté de Valentine et de Crusader III en nombre égal (deux pelotons de chaque par escadron). Ce sont les premiers éléments de la 6th Armoured Division, qui se rassemble en Algérie.

Le bluff allemand de Medjez-el-Bab

Cet affrontement qui a lieu le 19 novembre 1942 car il marque d'un côté le premier contact entre Alliés et Allemands en Tunisie et d'autre part l'engagement de l'armée française contre l'Allemagne nazie.
Medjez-el-Bab est un noeud routier d'importance et le général Barré a prévu de le défendre avec des troupes de cavalerie : 1er escadron du 8ème régiment de la garde (renforcé de trois canons AC de 47mm), 2ème bataillon du 4ème régiment de chasseurs d'Afrique (II/4ème R.C.A.), quelques unités de la 3ème compagnie du 43ème R.I.C. . Dans la nuit du 18 au 19, quelques éléments alliés viennent compléter le dispositif français : 175th Field Artillery Battalion (12 pièces de 25 pounder américaines), DCA (mitrailleuses de 12,7mm) et canons AC de 37mm, des paras britanniques (du 1st Battalion) et quelques voitures blindées.
Liddel Hart évoque pour sa part la présence de tout le 1st Battalion de paras de Sa Majesté. Les Français disposent en arrière de 4 sections d'artillerie du 62ème R.A.A, en réserve d'un escadron de chars D1, la 10ème compagnie du 43 R.I.C. et le 2/8ème de la garde. Ces effectifs sont donc conséquents.
Du côté allemand, il en va tout autrement mais le Hauptmann W. Knoche du 5. Fallschirmjäger-Regiment est bien décidé à faire croire aux alliés qu'il a la supériorité numérique : 10. Kompanie moins un groupe, une moitié de la 12. Kompanie (de soutien), une moitié de la 14. Kompanie de l'Infanterie-Regiment 104 (avec 4 Pak de 50mm), deux sections de Flak avec 4 canons de 88mm.
Avec des effectifs très en-deça de ceux des Alliés, Knocke a reçu l'ordre de prendre Medjez-el-Bab. Il essaie d'abord l'intimidation en envoyant un parlementaire qui ordonne aux Français de se rendre dans un quart d'heure. Il n'a à ce moment pas connaissance de la présence des Alliés... le général Barré essaye de gagner du temps, mais les Allemands ont identifié les troupes américaines et britanniques accompagnant les défenseurs.
A 10h45, la Luftwaffe attaque avec 12 Stukas et 4 Bf 109. Les pertes en hommes sont faibles mais beaucoup de véhicules sont détruits. La DCA américaine abat deux chasseurs allemands.
Peu après, l'artillerie allemande ouvre le feu et les parachutistes essayent de s'infiltrer, forçant les avant-postes français à se replier. Mais toutes les attaques contre les positions centrales échouent, certaines directement, d'autres après prise du terrain et contre-attaque. A 16h30, l'assaut allemand est brisé. La Luftwaffe fournit une dernière intervention et le calme revient. Les Français ont perdu 5 morts, 9 disparus, 26 blessés et deux prisonniers, les Américains comptent deux morts; les pertes allemandes sont inconnues.
Le succès défensif français est évident, mais n'est pas très utile car les troupes alliées peu aguerries ont totalement surestimé les forces ennemies devant elles. Liddel Hart résume ainsi leur réaction: »Les commandants alliés eurent le sentiment de ne pas pouvoir tenir, à moins de recevoir de nouveaux renforts, et les instructions du général Anderson empêchaient tout secours de ce genre tant que la concentration alliée en vue de l'avance sur Tunis n'était pas achevée ». Autrement, c'est le repli. Anderson donne l'ordre et les Alliés s'installent à 12km en arrière, sur une position dominante. Et Liddel Hart de conclure: « Cet épisode représente un exemple parfait de bluff réalisé par l'audace d'un petit détachement dix fois moins nombreux que les défenseurs. ».

Source : HS Militaria numéro 25.

Nouveau messagePosté: 15 Juin 2005, 14:33
de Kelilean
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Fantassins anglais en position défensive (dont un armé d'une Thompson)

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Général Anderson (à gauche) avec Bradley

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Un char Crusader

Nouveau messagePosté: 15 Juin 2005, 17:58
de Kelilean
Salut Larminat,

Merci tout d'abord ;)

Pour le titre c'était que c'était un peu vite dit (mais en même temps cela t'a fait réagir donc c'est bien aussi :) ).
J'aurais du préciser que je parlais des troupes d'Afrique du Nord (armée de Vichy passée du côté allié après les négociations de l'amiral Darlan et d'Einsenhower, puis d'autres chefs français après son assassinat).

Amicalement,

Keli ;)

Nouveau messagePosté: 15 Juin 2005, 18:00
de raca
un petit complément :

la derniere bataille des Somua Français à Pont du Fahs .
http://www.chars-francais.net/archives/recits/le_char_somua_s_35.htm

:wink:

Nouveau messagePosté: 15 Juin 2005, 18:23
de Igor
Encore une fois, merci pour ce sujet très instructif.
La campagne de Tunisie voit en effet le retour dans la guerre de l'Armée d'Afrique, rejoignant ainsi les FFL (même s'il n'y pas de réconciliation). Les forces françaises étaient:
- XIXe Corps d'armée (75 000 hommes), commandé par le général Koeltz
- Commandant Supérieur des Troupes de Tunisie (CSTT - 10 000 hommes), commandé par le général Barré
- 1ère DFL (environ 8 000 hommes), commandée par de Larminat
- colonne Leclerc (3 500 hommes)

Re: Medjez-el-Bab : retour des Français dans la lutte

Nouveau messagePosté: 15 Juin 2005, 18:27
de floop
Kelilean a écrit:Le début des hostilités en Tunisie

A la mi-novembre 1942, les Britanniques et les Américains sont d'accord pour croire qu'une poussée accélérée de la 1st US Army venue d'Algérie permettra la prise de Bizerte et de Tunis. Le plan d'Einsenhower prévoyait le débarquement de troupes anglaises à Bône, près de la frontière algéro-tunisienne, pour prendre le plus vite possible la capitale de la Tunisie. L'opération a lieu le 12 novembre d'une manière prudente, par peur de la réaction des troupes françaises. Mais la 78th est accueillie tout à fait amicalement.



Je me suis toujours demandé pourquoi les alliés n'avaient pas debarqués directement a Bizerte, cela aurait surement evité ces longs mois de combats en Tunisie qui ont ralenti la reprise totale du continent africain.

D'autre part mes sources (article du Col Adolphe Goutard) font etat d'un bombardement par 23 stukas a 10H35 (stukas qui seront detruit au sol par des blindés americains le 28.) au lieu des 12 que tu annonces?.
Les deux morts americains etaient les servants d'une piece antichar

Re: Medjez-el-Bab : retour des Français dans la lutte

Nouveau messagePosté: 15 Juin 2005, 18:53
de Igor
floop a écrit:Je me suis toujours demandé pourquoi les alliés n'avaient pas debarqués directement a Bizerte, cela aurait surement evité ces longs mois de combats en Tunisie qui ont ralenti la reprise totale du continent africain.


A mon avis les Anglo-Américains préféraient assurer leurs arrières. Il valait mieux pour eux tenir solidement le Maroc et l'Algérie, pour ensuite passer à l'offensive à l'est contre l'Axe. Même si ça rallongeait considérablement les communications et le ravitaillement.

Nouveau messagePosté: 15 Juin 2005, 19:24
de Kelilean
Je me suis toujours demandé pourquoi les alliés n'avaient pas debarqués directement a Bizerte, cela aurait surement evité ces longs mois de combats en Tunisie qui ont ralenti la reprise totale du continent africain.

D'autre part mes sources (article du Col Adolphe Goutard) font etat d'un bombardement par 23 stukas a 10H35 (stukas qui seront detruit au sol par des blindés americains le 28.) au lieu des 12 que tu annonces?.
Les deux morts americains etaient les servants d'une piece antichar


Merci pour les infos supplémentaires (quant aux chiffres, j'essaierai de regarder). Pour ta suggestion, il faut aussi prendre en compte à mon avis la Luftwaffe qui a été relativement active dans la campagne de Tunisie et qui aurait pu gêner les mouvements vers Bizerte, sans les interdire totalement (bases en Sicile). D'une manière générale, même étant surclassée en nombre, l'aviation allemande a été particulièrement agressive par la suite en Méditerranée en particulier lors des débarquements alliés (Sicile, Salerne et Anzio).

Amicalement,

Keli :wink:

Nouveau messagePosté: 10 Sep 2008, 21:12
de Bruno Roy-Henry
Cet épisode est assez marquant en ce qui concerne la nullité de certains généraux anglais. Anderson en est l'illustration parfaite... Cela n'est pas sans rappeler l'affaire des Dardanelles.

Il est dommage que le général Barré n'ait pas dit M. à nos alliés et chaussé les bottes de Bonaparte...

Ce genre de mécompte se reproduira, notamment à Anzio...

Nouveau messagePosté: 14 Sep 2008, 11:58
de Lee Enfield
Bruno Roy-Henry a écrit:Cet épisode est assez marquant en ce qui concerne la nullité de certains généraux anglais. Anderson en est l'illustration parfaite... Cela n'est pas sans rappeler l'affaire des Dardanelles.

Il est dommage que le général Barré n'ait pas dit M. à nos alliés et chaussé les bottes de Bonaparte...

Ce genre de mécompte se reproduira, notamment à Anzio...


Anzio ? Une erreur du a la nullité des généraux Britanique ? Quelque chose m'échappe là...

Le Enfield