D’avril à juillet 1943, les Avallonnais voient passer dans les rues d’imposants convois transportant des péniches de débarquement et des dragueurs de mines allemands qui rejoignent la côte méditerranéenne.
Le récit anecdotique appartient pleinement à l'Histoire. Il contribue souvent à éclairer les batailles illustres, les périodes de conquêtes ou les chambardements sociaux et politiques. Le passage d'imposants bateaux de guerre de la marine allemande sur les routes avallonnaises, au printemps 1943, est de ces « petits faits » qui viennent parfaire la connaissance de notre passé.
Dans l'impossibilité de faire passer ses péniches de débarquement et ses dragueurs de mines par le détroit de Gibraltar, tenus par les Alliés, La Kriegsmarine décide de rejoindre la côte méditerranéenne par la voie terrestre. Partis du Havre, les navires sans signes militaires distinctifs remontent la Seine, puis l'Yonne jusqu'au port d'Auxerre. Là, ils sont tirés de l'eau et chargés sur d'énormes remorques. « Il fallait deux remorques avec six essieux chacune pour transporter une péniche de débarquement, les fameux MFP, explique Claude Delasselle, agrégé d'histoire et président de l'ARORY. Le tout était tracté par trois tracteurs à l'avant et quatre à l'arrière. Les convois mesuraient 90 mètres de long. »
D'avril à juillet 1943, les Avallonnais vont voir passer en centre-ville 58 bateaux. Pour contourner le tunnel de Saint-Moré, les convois rejoignaient la RN6 à Avallon après avoir traversé Saint-Bris-le-Vineux, Nitry, Joux-la-Ville et Lucy-le-Bois. Dans le mois précédant le transport des navires de guerre jusqu'à Chalon-sur-Saône, près de 5.000 personnes ont été réquisitionnées afin de détruire sur le parcours tout ce qui pouvait entraver le passage des imposants convois : arbres, poteaux, signalisation et maisons. « Début avril 1943, les maires des villages traversés sont prévenus par la préfecture des destructions programmées. Les habitants disposent de deux jours pour quitter les lieux. »
À Avallon, deux pompes à essence du garage situé rue de Paris sont ainsi démolies à coups de pioche. Mais l'événement qui marque le plus les esprits est la destruction à l'explosif de la façade de l'hôtel L'Escargot, rue de Lyon (aujourd'hui, le parking de la salle des ventes), lors du passage du premier convoi. « L'organisation Todt, en charge des travaux préparatoires, n'avait pas pris en compte cet obstacle, relève Claude Delasselle. Le convoi a été stoppé pendant trois heures place Vauban et rue de Lyon, le temps que les déblais soient enlevés par la main-d'œuvre réquisitionnée sur place. »
À chaque passage, la foule se presse sur le bord de la route ou place Vauban pour observer ces scènes insolites. « Ils étaient autorisés à regarder, mais pas à prendre de photos. Pourtant, ces dernières ne manquent pas. »
Les MFP (péniches de débarquement à Auxerre et à Avallon
Les Raumboote, dragueurs de mines côtiers dans les rues d'Avallon