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Re: Le front africain peut-il être considéré comme secondair

Nouveau messagePosté: 23 Sep 2011, 15:14
de alberto
Bonjour,

Ayant suivi cet intéressant débat, je ne suis pas en mesure de juger si ce front africain a pu être qualifié de "secondaire", mais je peux rappeler que W. Churchill écrit dans ses mémoires quand il évoque les évènements d’Afrique :" Le fait de relater ces évènements aujourd'hui me donne froid dans le dos" !

Je pense que le "vieux lion" veut dire qu'il a eu chaud aux fesses, et que si ça c'était mal passé dans les déserts et sur les rivages de la Méditerranée la suite de la guerre aurait pu tourner autrement...

Je peux donc en conclure (et je suis là d'accord avec Benoit Rondeau) que si au départ cette bataille d’Afrique s’avérait secondaire, elle a fini par devenir décisive.

Bien à vous. :)

Re: Le front africain peut-il être considéré comme secondair

Nouveau messagePosté: 23 Sep 2011, 15:26
de François Delpla
Il me semble que mon grain de sel peut être utile, dans la mesure où je lis peu de chose sur une condition sine qua non de la victoire, à savoir la paix : qui peut contraindre qui à signer quoi, et quand ?

De ce point de vue, la stratégie hitlérienne est strictement invariable, ou plus exactement ne varie qu'un tout petit minimum sous la pression des circonstances : il s'agit d'amener les classes dirigeantes anglo-saxonnes à signer une paix antisoviétique, en faisant ostensiblement porter à l'est le gros de l'effort, tout en laissant à l'ouest et au sud ce qu'il faut pour que les Anglo-Saxons aient des raisons de se la poser, la question de la paix. C'est-à-dire du coût de la guerre.

Et dans ce coût, il y a le danger d'une soviétisation de l'Europe : pour qu'il soit préoccupant, il faut évidemment tenir les Anglo-Saxons éloignés de ladite Europe.

C'est à cet égard que le front africain me paraît décisif, tout comme le passage à l'étape suivante, l'opération Mincemeat qui permet de prendre pied en Sicile.

Re: Le front africain peut-il être considéré comme secondair

Nouveau messagePosté: 24 Sep 2011, 11:32
de Jumbo
L'importance de ce "front secondaire" après la victoire de Monty est aussi d'ordre psychologique. L'Allemand n'est plus invincible et c'est la première grande victoire des alliés. Est-ce que cela ne génère pas une spirale positive?

Re: Le front africain peut-il être considéré comme secondair

Nouveau messagePosté: 24 Sep 2011, 16:29
de JARDIN DAVID
Attention, il n'y a pas antinomie entre théâtre d'opération à un tournant de la guerre et front dit secondaire.

Re: Le front africain peut-il être considéré comme secondair

Nouveau messagePosté: 24 Sep 2011, 16:37
de lebel
En cette fin 42 , l'astre nazi decline irremediablement avec la déroute de la DAK et les victoires de Tunis et de Stalingrad qui s'annoncent
Comme disait Churchill ...................c'est la fin du commencement ! :D

Re: Le front africain peut-il être considéré comme secondair

Nouveau messagePosté: 26 Sep 2011, 16:26
de Loïc Charpentier
Mon "petit" Cédric, comme tu as ouvert ce post, je vais te donner ma version très primaire des "évènements".

Apparemment, le front "AFN" était le domaine réservé, DANS UN PREMIER TEMPS, de l'armée italienne. Cà ne veut pas dire, pour autant que, du côté de Berlin, personne ne s'y intéressait. Sauf qu'en 1940, avec la mise en place de Barbarossa, pour envahir l'URSS, les projections à "moyen terme" ne manquaient pas, comme celle qui prévoyait un grand encerclement du Moyen-orient - Pétrole, Pétrole! -, avec une Aile Nord, via l'Union Soviétique défaite - en août 1941, à l'OKW, certains galonnés des plus sérieux prédisaient la capitulation russe sous 5 à 6 semaines! - puis l'Iran, et une Aile Sud, par l'Egypte,...après une progression victorieuse de l'Armée italienne. Les Allemands se réservant l'opportunité de récupérer les couronnes de lauriers, dans les faubourgs du Caire...avant de poursuivre sur Bagdad.

Le moins que l'on puisse dire est que cette "superbe prospective" a vite tourné en "eau de boudin" avec l'arrivée de l'hiver 1940, le loupé de la Luftwaffe sur la G-B et les premières claques distribuées par l'armée britannique aux Italiens - ces même italiens, en tous cas, leur Duce, qui, avec l'attaque contre la Grèce, venaient de contraindre l'Armée allemande à devoir envisager une intervention dans les Balkans...Grrrrrr - alors qu'ils voulaient gérer le coin par la diplomatie et...surtout pas voir rappliquer les Brits en Grèce (Raté!). Sans compter, un "Caudillo" qui ne voulait pas laisser les troupes allemandes s'en prendre à Gibraltar. Les revers italiens en Afrique vont nécessiter une intervention allemande, dans l'urgence, début 1941, pour limiter la "casse"; quant au rêve de faire la jonction entre Bagdad et Téhéran, il va rester planter, en 1941, devant Moscou et sur les bords de la Mer Noire; en 1942, il ne dépassera que, brièvement, le débouché de la Volga dans la Caspienne et une quarantaine de kilomètres au nord de Grosny, dans le sud du Caucase, avant la calamiteuse "bataille de Stalingrad"!

Autrement dit, dès l'hiver 1941, la grande manœuvre moyen-orientale est passée dans la mauvaise colonne des "Pertes & Profits". D'autant plus que le Japon vient de déclarer la guerre aux Etats-Unis, qui répliquent, aussi sec, en la déclarant à l'Allemagne, ce qui leur laissent les mains encore plus libres pour "fourguer" du matériel aux Soviétiques et venir se joindre aux forces britanniques en AFN. Il y a des jours comme çà...où tout va de travers.

Le front "africain" est loin d'être secondaire, surtout par ses conséquences, en 1943, quand il transformera l'AFN en base arrière des Alliés, pour leurs débarquements en Europe du Sud, mais pour l'OKW et Dodolf, il reste loin derrière leurs "préoccupations" à l'Est et ce n'est pas "l'essai" de débarquement des britanniques, à Dieppe, à l'été 1942, qui va améliorer l'ambiance.

NOTA : Je n'ai pas inventé ce que je viens d'écrire, c'est juste un résumé maladroit des analyses américaines, dans l'immédiat après-guerre, à partir de documents allemands.

...Pas sur la tête! :D

Re: Le front africain peut-il être considéré comme secondair

Nouveau messagePosté: 26 Sep 2011, 17:01
de 13emeDBLE
Cher Ami,

Je te remercie de ce résumé qui éclairera le débat, avec ton style inimitable.

La question est cependant de savoir si cette option de réduire à un rang "secondaire" le théâtre méditerranéen, option combattue à Berlin par quelques esprits éclairés par les airs marins, mais tenue mordicus par Hitler et ses officiers "terrestres" n'a pas participé à accélèrer la défaite.

Au passage, il faut reconnaître que ce dénigrement des combats pour les champs d'oliviers et les dunes désertiques (dénigrement que l'on retrouve de nos jours dans d'autres domaines, dits "économiques") est partagé par Oncle Jo et par Roosevelt.

Il s'agit donc dans ce débat de "questionner" ce que l'on nous ressasse depuis sans nécessairement prendre de la distance.

Au passage, ne pas réduire la méditerranée à un rang "secondaire" ne signifie pas renoncer à Barbarossa. En d'autres termes, il est possible de rechercher la décision sur plusieurs théâtres d'opération.

Or, Berlin n'a jamais cherché la victoire en AFN, mais seulement à bloquer les anglo-saxons loin de l'Europe, le temps de finir le boulot à l'Est (le fait est que cela s'est vite compliqué).

Par exemple, les renforts aériens envoyés en Méditerranée portent essentiellement sur des unités rendues disponibles par l'hiver russe. En d'autre terme, on n'a envoyé des Staffeln vers le Sud, non pas pour atteindre des objectifs dans le cadre d'un plan structuré et cohérent, mais avant tout pour éviter que les aviateurs n'envahissent les guinguettes berlinoises ou bavaroises pendant que les biffins se pèlent devant Moscou...

Et dans cette logique, dès que le printemps revient, on "remballe" tout pour retourner taper sur les russes, laissnat en plan les italiens, sacrifiant les efforts consentis l'hiver et les perspectives de succès.

Les années 1941 et 1942 voient ainsi la répétition d'un choix stratégique majeur (on y va au compte-goutte, que si on n'a rien d'autre de mieux à faire, vu que c'est "secondaire", et dès que les beaux jours reviennent on laisse tout tomber).

Il suffit de comparer les effectifs allemands en France à partir de 1942 avec ceux en Méditerranée, pour se rendre que les renforts envoyés en Afrique par l'OKW n'ont pas pour objectif de gagner autre chose que du temps... Et c'est selon moi la conséquence directe de ce choix de priver de tout intérêt ce secteur d'opération.

A partir de 1943, le rôle de "fixation" du front méditerranéen et italien fonctionne pleinement contre l'Axe. Les forces Alliées progressent doucement, et bloquent des unités, souvent de grande valeur, qui vont manquer devant St Lô ou Varsovie.

C'est là encore un rôle décisif à mon humble avis, mais le débat continue (beaucoup pensent différemment et avec des arguments fondés donc...)

CM

PS : sinon, l'Histomag'44 tu l'as trouvé comment ? pour répondre c'est là.http://www.39-45.org/viewtopic.php?f=70&p=350631#p350631

Re: Le front africain peut-il être considéré comme secondair

Nouveau messagePosté: 26 Sep 2011, 18:36
de Benoit Rondeau
13emeDBLE a écrit :
"Par exemple, les renforts aériens envoyés en Méditerranée portent essentiellement sur des unités rendues disponibles par l'hiver russe. En d'autre terme, on n'a envoyé des Staffeln vers le Sud, non pas pour atteindre des objectifs dans le cadre d'un plan structuré et cohérent, mais avant tout pour éviter que les aviateurs n'envahissent les guinguettes berlinoises ou bavaroises pendant que les biffins se pèlent devant Moscou...

Et dans cette logique, dès que le printemps revient, on "remballe" tout pour retourner taper sur les russes, laissnat en plan les italiens, sacrifiant les efforts consentis l'hiver et les perspectives de succès."

en effet, ce point était important à souligner.
Je vois cela a priori surtout pour le 1er hiver (41/42).

Mais pour la mise sur pied de la tête de pont de Tunisie et son maintien (ou tentative) opérationnel ne penses-tu pas que cela est bien fâcheux pour l'Axe alors que Paulus se fait encercler peu après Torch et que la crise de Stalingrad et l'effort fourni en Tunisie sont simultanés?

Benoit Rondeau

Re: Le front africain peut-il être considéré comme secondair

Nouveau messagePosté: 26 Sep 2011, 18:59
de 13emeDBLE
Exactement, ce double effort substantiel est contreproductif. Mais il convient de bien insister sur le fait que l'Axe n'envoit en Tunisie que le minimum nécessaire pour retarder la perte de l'AFN.

Si l'on analyse les effectifs, on se rend compte qu'il s'agit pour l'essentiel d'unités tenues en réserve : 10 PzD, détachement de la HG, et d'unités en attente de transfert vers l'Afrique depuis l'été 42, et quelques Tigres...

L'hiver 41/42 est le plus marquant, mais c'est déjà le cas durant l'hiver et le printemps 40/41 (un ex. La JG27 engagée en Crète et sur Malte est envoyée à l'Est, Barbarossa oblige... elle reviendra plus tard).

CM

Re: Le front africain peut-il être considéré comme secondair

Nouveau messagePosté: 26 Sep 2011, 19:06
de Loïc Charpentier
A partir de l'été 1941, il devient de plus en plus difficile de distraire des hommes et du matériel pour alimenter le "pâturage de dromadaires". Déjà qu'ils se sont "plantés graves" sur les capacités militaires et industrielles de l'URSS, l'adversaire a la déplorable habitude de flinguer les hommes, les blindés et le reste par paquets de 100.
Si en 1942, l'offensive allemande se limite, en gros, au secteur Sud, c'est un choix dicté par la nécessité. Ils n'ont pas les moyens de viser beaucoup plus grand. Tu le remarques, d'ailleurs, par d'autres "détails". On s'en va, ainsi, recruter des auxiliaires (Hiwis), dans les camps de prisonniers, pour éplucher les patates et construire des feuillées, çà libère autant d'hommes pour le casse-pipe. En mars 1942, bon nombre d'unités à l'est ne sont pas encore reconstituées; un rapport précise même que sur les 189 divisions déployées, 8 sont pleinement opérationnelles! Cà ne fait pas des masses d'unités en pleine santé, rapporté au kilomètre de front. :D

Si pour l'Italie, la Libye, c'est quasiment la porte d'à côté, ce n'est pas franchement le cas pour l'Allemagne qui est historiquement tourné vers l'Est. En Afrique, elle ne voit que crottes de chèvres et palmiers. Dans un certain sens, on peut comparer l'Afrika Korps à un amoureux trop éloigner géographiquement de sa promise...loin des yeux, loin du cœur. Ma comparaison est très simpliste mais n'est, peut-être, pas totalement erronée.