Retour sur le terrain: Berlin 1933-1945. 1er tableau.

Bonjour à tous et aux aficionados de l'Histoire sur le terrain en particulier,


Un voyage professionnel, donc encadré, m'a donné l'occasion de séjourner à Berlin en mi-avril. C'était une première visite, et en sus des obligations au sein de mon groupe, je me promettais bien d'aller voir quelques hauts-lieux historiques, en laissant l'art et les musées pour une autre fois. J'ai été comblé, et voici quelques impressions.

La Porte de Brandebourg, à 2 pas de mon hôtel: bien visible d'assez loin en remontant Unter den Linden, mais perspective gâchée par des chantiers barricadés tout au long du boulevard (qui lui-même n'est pas à la hauteur des Champs Elysés). Moins monumental qu'en photo, y compris le quadrige du sommet. Le sentiment tout-de-même d'un lieux central, symboliquissime comme la Tour Eiffel, Times Square, et sans doute la Place Rouge. Difficile de ne pas y imaginer les rangs serrés du cortège des SA en arme, défilant lors de la prise du pouvoir par Hitler en 1933, et d'autres défilés, pour Mussolini en 1937, puis après l'armistice avec la France en 1940, et enfin la parade victorieuse des Alliés en 1945. Tout autour, les traces du Mur ("Maur") et des sévices qui s'y produisirent. On n'en parle pas dans notre forum, mais ici le souvenir du Mur est omniprésent.

Pour y arriver, passage devant l'hôtel Adlon, palace d'antan, et à nouveau aujourd'hui après démolition à la fin de la guerre et reconstruction. Avait servi d'hôpital pendant la bataille de Berlin, et comportait un vaste bunker sousterrain. De mémoire, c'est le site du roman de Vicki Baum "Grand Hôtel". Juste en face, l'ancien immeuble de IG Farben, grand pourvoyeur d'HCN (aka acide prussique, càd cyanure, le tristement célèbre Zyclon B). On sait qui était le plus gros client.

A proximité, le Reichstag, lui monumental à souhait (qualifié en début de siècle de "comble du mauvais goût" par ... le Kaiser !). Peu d'émotion, mais pas de mots devant ce bâtiment dont l'incendie en 1933 - probablement volontaire - à été 1 des déclencheurs de la furie Nazie. Qui ne se souvient de ces images de la coupole en flamme ? et du Drapeau Rouge hissé à son sommet en mai 1945 après l'écrasement, au lance-flammes, de la SS-Div Charlemagne qui le defendait ? Maintenant reconstruit, avec une coupole avant-gardiste, et à nouveau siège du parlement Allemand, il suscite en moi des sentiments mélangés. Sur le terre-plein, un monument aux parlementaires assassinés et déportés: ensemble de dalles gris sombres, avec gravés sur la tranche, les noms, lieux et dates de décès: Dachau, Buchenwald, Auschwitz, Oranienburg, prison de Plötzensee, telle et telle poste de police Berlinois... Petit monument perdu dans une immense éténdue, comme écrasé par le colosse voisin, et dont la sobriété force le frisson.

Retour en arrière, toujours en longeant le tracé du Mur, (en plein dans la bande interdite, où les gardes de la DDR tiraient à vue sur tout pénétrant), et arrivée au monument commémoratif de tous les Juifs d'Europe assassinés. Situé dans ce qui était à l'époque un ensemble de parcs ministériels (on est juste derrière la Wilhelmstrasse), c'est le mémorial Berlinois de l'Holocauste. En sous-sol, le bunker particulier de Goebbels, qui avait sa résidence dans le parc, découvert lors de la construction en 1997, et laissé condamné. Un immense terrain, 2 hectares en plein coeur de la ville (une fortune immobilière: on n'a pas lésiné...), rassemblant rangée sur rangée de 2711 blocs de béton en forme de parallelipipèdes rectangles, orientés selon le même axe, mais de dimensions et d'enfouissement différents. Comme une forêt de tombes. Une réelle impression de grandeur, d'infini. Malheureusement, espace non clôturé - c'est un monument public - et parcouru par des jeunes Berlinois munis de picnics, de cannettes et de baladeurs, rigolards mais sans doute inconscients. Pas tout-à-fait l'ambience qui convient. Apart le panneau signalétique, aucune documentation. Par contre, en bordure, un musée historique de l'Holocauste, très bien fait, sobre, factuel, complet. Mais rien que l'on ne sache déjà.

La Porte de Brandebourg est au milieu de ce qui devait être le centre de "Germania": la nouvelle Berlin, grandiose et titanesque, voulue et projetée par Hitler, conçue et planifiée par son architecte Speer, et prévue pour 1950. Rien de celà n'a vu le jour, mais il reste des traces préparatoires: au long du prolongement ouest de Unter den Linden, les réverbères sans fils électriques, dessinés par Speer pour décorer la future "plus belle avenue du monde", sans empiéter sur la perspective. Il y en aurait eu 713; la moitié sont encore là mais n'éclairent plus qu'une brocante dominicale. En sous-sol, l'ébauche de tunnels routiers (ou ferroviaires ?) qui devaient permettre la traversée nord-sud et est-ouest de la ville, sans carrefours et sans encombrements. Jamais complétés, ils n'ont été utilisés que comme abris pendant les bombardements. Aujourd'hui, ils sont partiellement inondés, mais peuvent se visiter, en même temps que divers autres sous-terrains (moi je ne l'ai pas fait).

Mes promenades (en fait, ce CR est la synthèse de plusieurs petits déplacements, en chemin pour me rendre aux lieux de RDV de mon groupe de collègues), livre, appareil photo (et parapluie) en main, me laissent maintenant encore une impression extraordinaire de resurgissement du passé, de redécouverte de lieux réels jamais vraiment disparus, presque d'une révélation mais horrifiée. Le froid dans le dos est au rendezvous. Ce sentiment sera encore plus puissant demain à la Wilhelmstrasse, et puis à Wannsee.

Bien cordialement,

Alain.

[à suivre]

Voici la porte de Brandebourg:






Et voici le Reichstag:

Mon cher Alain, je suis sûr que tu brûles d'envie de préparer un article pour l'HISTOMAG sur le thème de "Berlin , Then and now"

Ce genre d'article passe mieux sur le forum que dans le mag, Stef !

Bonjour,

Pour donner des idées : http://www.thirdreichruins.com/index.htm

Bonsoir Juin1944,

Je ne brûle pas encore, mais je sens une chaleur m'envahir... Pourquoi pas? ca me plairait bien, et puis quel honneur de rejoindre l'équipe des rédacteurs!

Celà étant je n'ai aucune expérience journalistique, et il me faudrait 1 peu de tutelle. Par ailleurs, à Audie je dirai qu'il a raison, mais que mon CR n'était pas destiné à un article: je l'aurais composé autrement. Je pense déjà depuis un moment à d'autres sujets, dépassant un peu mes voyages personnels.

On en parle le mois prochain ? ou par MP. Et en attendant je m'attelle aux photos.

Très amicalement,

Alain