Post Numéro: 195 de betacam 28 Sep 2010, 16:33
bonjour,
j'ai trouvé ce témoignage sur Google
Ce document a ete publie par la societe historique et archeologique du perigord dans son bulletin, NUMERO 3
(ANNEE 2005)
Victimes du tortionnaire et assassin Filliol
en Limousin (mai-juin 1944)
par Marc Parrotin
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Les sinistres méfaits du Bergeracois Jean Filliol ont été récemment rapportées : ce personnage avait su rester secret. Son action dans la Cagoule et ses activités de milicien en Limousin sont désormais connues. À la suite de la publication de leur Jean Filliol, du Périgord à la Cagoule, de la Milice à Oradour1, les auteurs ont reçu ce texte, rédigé pour notre bulletin par une des victimes de l’individu. Il apporte une confirmation et beaucoup de précisions à ce qu’ils avaient appris des agissements de Filliol lors de leur difficile enquête. Ces pages de Marc Parrotin, auteur (et acteur) de Le Temps du maquis. Histoire de la Résistance en Creuse2, sont le récit de première main, rigoureux et fort bien écrit, d’un résistant qui fut arrêté, emprisonné et torturé par Jean Filliol ; il résista à ses « interrogatoires ». Ce témoignage est d’une très grande valeur. Il a été ici complété par quelques notes provenant des deux ouvrages cités. Brigitte et Gilles Delluc
Jeune responsable F.T.P., alors âgé de vingt ans3, j’ai été arrêté, devant la gare de Guéret (Creuse), le matin du 20 mai 1944, avec mes camarades André Lacombe (capitaine F.F.I.) et Raymond Belmont (futur commandant Martin) par les miliciens du « Deuxième service » de la Milice du Limousin, commandés par Jean Filliol (alias Deschamps)4.
Nous avons tous trois été conduits aussitôt à la prison de Guéret, mis en cellule, et aussitôt « interrogés ». André Lacombe, qui avait essayé de s’enfuir, et moi y avons subi une longue séance de tortures perpétrée par Filliol (en gants blancs) et ses séides armés de nerfs de
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Éditions Pilote 24, 2004 (www. perigord-livres.com). En toutes librairies.
Collection Témoignages. Éditions Verso (1981 et 1984). Cet ouvrage de 600 pages, est une véritable somme, très dense et fort bien écrite, par un des principaux témoins directs de la résistance creusoise. Enseignant puis retraité, M. Parrotin a consacré son temps libre à l’écriture de l’histoire de la Résistance en Creuse. Actuellement l’auteur travaille à un nouvel ouvrage sur l’internement et la déportation des résistants creusois, où il relatera à nouveau le comportement de J. Filliol (M. Parrotin, in litt., le 16 juin 2005). Nous lui exprimons notre gratitude pour les présentes pages, spécialement rédigées pour notre bulletin. Durant la guerre, la quasi-totalité du département dela Dordogne dépend de Limoges.
Le jeune Marc Parrotin était à l’époque élève-instituteur au lycée de Guéret (M. Parrotin, in litt., le 16 juin 2005).
Le cagoulard J. Filliol, devenu, au début de 1941, un des chefs du Mouvement Social Révolutionnaire, et après divers nouveaux crimes, avait été emprisonné en novembre 1942 au camp de Saint-Paul-d’Eyjaux (Haute-Vienne), sur ordre de P. Laval. Au printemps de 1944, libéré sur demande de Joseph Darnand et nommé à Limoges, il est prié de se faire oublier. C’est mal le connaître. L’action de Filliol s’étend sur les départements du Limousin : dans une lettre, son homologue de la Creuse lui adresse son « respectueux salut milicien » le 23 mars 1944 (Parrotin, 1984, p. 289). Dès mai 1944, le chef Filliol dirige le « Deuxième service ». Cette « Gestapo de la Milice » multipliera exactions et crimes en Limousin et participera à la préparation du massacre d’Oradour-sur-Glane perpétré le 9 juin.. Après Oradour, Filliol devra quitter Limoges à la fin de juin 1944 pour d’autres sinistres aventures à Clermont-Ferrand, en Allemagne et en Italie du nord, avant de trouver un confortable exil en Espagne (Delluc, 2004).
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bœufs et de gourdins, comme je l’ai longuement rapporté dans mon livre Le Temps du Maquis. Histoire de la Résistance en Creuse, paru en 19811.
Malgré les durs sévices endurés, nos bourreaux n’ont pu nous faire avouer que nous nous connaissions.
Nous étions trois jeunes chefs F.T.P. S’il en avait été autrement, nous étions perdus, assassinés sous les tortures ou déférés à la Cour Martiale.
Ce même 20 mai 1944, dans la soirée, Filliol nous fit transférer à Limoges par un important convoi de gardes mobiles puissamment armés, cantonnés à Guéret, caserne des Augustines.
A La Souterraine, le convoi fit halte au cantonnement du G.M.R.-Berry, place du Champ de Foire, et, dans le camion militaire où nous étions enchaînés et gardés, durent monter mon jeune frère Georges, alors âgé de dix-huit ans que des miliciens secondés par un peloton de G.M.R, étaient allés arrêter à notre domicile au bourg de Saint-Agnan-de-Versillat, et avec lui un de nos camarades des F.T.P. légaux de La Souterraine, l’ouvrier Roger Teilhou.
Sur le plancher de notre véhicule gisaient, depuis notre départ de Guéret ou ils avaient été enlevés de l’hôpital, deux de nos blessés du maquis F.T.P. de La Souterraine : le jeune cuisinier du camp attaqué par la Garde mobile (cantonnée au collège) et une unité de la Milice, le 17 mai, au bois de la Bonnelle, et le F.T.P. légal René Gautron, atteint de plusieurs balles au bassin, dans une embuscade tendue par la Garde mobile le 13 mai dans son village natal de Bridiers.
A l’arrivée du convoi à Limoges, nous fûmes, les valides, emprisonnés dans le poste de police de la caserne du Petit séminaire (près de l’Hôtel de ville), où cantonnaient un escadron de Gardes mobiles et une cohorte de Francs Gardes de la Milice du Limousin récemment mobilisés par Jean de Vaugelas, nommé, par Joseph Darnand, chef de toutes les « Forces du Maintien de l’Ordre » de la région.
Nous fûmes enfermés dans la première et plus importante de ces locaux disciplinaires (bâtiment J), où se trouvaient déjà plus d’une vingtaine de maquisards prisonniers, parmi lesquels dix-sept de mes camarades F.T.P. du maquis de la Bonnelle arrêtés le 17 mai, près de La Souterraine, dont les deux jeunes chefs Roger Gerbaud et André Biguin qui avaient déjà subi d’épouvantables tortures et allaient connaître un sort tragique.
C’est dans un des bâtiments de cette caserne, côté milicien, que Filliol et ses tortionnaires opéraient, au deuxième étage du bâtiment B, chambre 19.
Dès la première nuit, nous y fûmes conduits par des Francs Gardes armés, André Lacombe (qui venait de prendre le pseudo de Marsalleix), Roger Teilhoux, mon frère et moi.
J’ai longuement raconté, dans Le Temps du maquis (pages 329-332), ce que fut la séance de tortures que nous avons subie, nus et matraqués par les bourreaux miliciens commandés et aidés par Filliol (alias Deschamps) et ses acolytes Thomine, Du Barry2.
Je ne vais pas relater les autres dures séances nocturnes d’interrogatoires que nous firent subir Filliol et ses tortionnaires, les nuits suivantes, quand ils rentraient de leurs beuveries3.
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Le samedi 20 mai 1944, M. Parrotin fut « assommé de gifles, lourdes comme s’il les balançait avec des mains de plomb. Puis il m’entraîne sur le grabat et m’enserre le cou de ses doigts d’acier : “Parle ou je t’étrangle”[…]. Impuissant à me dégager de l’étreinte de ce monstre, j’étouffe et je râle. Je feins de rendre le dernier soupir » (Parrotin, 1984, p. 322).
Outre Jean Thomine et Du Barry, Filliol a recruté aussi les tortionnaires Maurice Peyronnet (alias Lucas, son chauffeur), Descors et Roger Gaussens. En traction avant Citroën noire, ils accompagnent les francs gardes de la Milice lors de leurs opérations contre les maquis (Parrotin, 1984, p. 291).
À Limoges, le malheureux est battu à coups de pied et de bâton et, un peu plus tard, mis à nu, cravaché et brûlé avec une cigarette. Le 23 et le 29 mai 1944, il est à nouveau roué de coups, brûlé, lardé de coups de couteau, en l’absence de Filliol, « mais la meute du Deuxième service n’a pas besoin de lui pour se déchaîner ». Filliol était certainement effrayant aux yeux de ces « salopards » du maquis. Il est décrit comme arborant « un sourire haineux aux lèvres », des « yeux de fauve » et « sa gueule [qui] écume de haine ». Le résistant ne parlera