Post Numéro: 18 de François Delpla 12 Juil 2006, 06:48
S'il y a une comparaison à faire, ce serait avec Speer.
L'un des plus gros problèmes qui se posent à Hitler, après la victoire sur la France, est d'agiter des sabres de bois à l'ouest, en essayant de les rendre effrayants, pendant qu'il déplace le gros de ses forces vers l'est. Les services que lui rend Rommel peuvent se résumer ainsi : des miracles de gesticulation, perpétuellement renouvelés. Par exemple, juste avant l'Afrika Korps il est au pied des Pyrénées, en train de simuler la préparation d'une descente sur Gibraltar, prolongeant celle qu'il vient d'effectuer à travers la France.
En 1943, l'enjeu devient l'Italie, bien plus que la Tunisie, alors on l'en retire pour bien faire comprendre aux Transalpins que l'Allemagne s'opposera bec et ongles aux Alliés dès qu'ils passeront en Sicile. Même démarche à la fin de l'année, vis-à-vis de la France et de sa côte nord-ouest. Sauf que là on rameute quand même en sus quelques bonnes troupes.
Hitler utilise les hommes avec discernement. Il sait bien que, comme les matériels, ils s'usent. Et cette usure, il la mesure. Cela donne l'entrevue de Margeval, le 17 juin, dont nous parle "Aétius". C'est la lutte finale ! Comme dimanche dernier au stade de Berlin. Sauf que ça ne se joue pas en prolongation sur une série de délires et d'actes manqués. Hitler gagne par KO. Rommel cause des perspectives militaires bouchées, il répond quelque chose mais comment donc cher ami je vais voir ça demain à votre QG et là, sans doute, il aurait été arrêté, comme il l'aurait peut-être été si le 17 à Margeval il avait fait l'une de ses grosses colères et malgré son escorte de SS : il n'eût pas été simple de traverser une France dominée par l'armée, si les plus hautes autorités de celle-ci avaient pris clairement position pour empêcher les déplacements du dictateur. Mais du seul fait qu'il a donné RV le lendemain à Rommel, il repart comme une fleur et le lendemain il est à Berchtesgaden.
Rommel, donc, c'est Speer : je mets tout mon art au service de la prolongation de la guerre, jusqu'au jour où je sens qu'elle est perdue et où je veux le dire, et là je sombre dans l'impuissance pure et simple.