Dans le 4e de couverture, tout ce qui suit "tout prouve le contraire" ne me parait justement pas contraire à l'idée que Staline cherchait à gagner du temps.
Les actions listées montrent que Staline a utilisé ce temps pour "mettre en ordre" (en suivant sa vision personnelle, qui était particulière) la Russie en prévision d'une guerre qui se produirait tôt ou tard.
- mise au pas de l'Internationale communiste (les "partis frères" doivent être aux ordres quand le moment viendra, un peu dans le même esprit que Churchill : "Mettez l'Europe à feu et à sang" mais lui son outil c'est les partis communistes européens.)
- dissolution du Komintern, des aventuriers - magnifiquement décrits par Malraux dans "les conquérants" - capables de mettre le désordre partout, ce qu'il ne veut surtout pas. Sans compter que ces gens très autonomes, commis-voyageurs de la révolution bolchevique et professionnels de l'agit-prop et des révolutions seraient bien capables d'en provoquer une contre lui. De plus Staline s'est prononcé pour "la révolution dans un seul pays", il veut se concentrer sur le développement de l'URSS. Donc purges !
- Réorientation de l'industrie : oui, mais le dernier plan quinquennal avant la guerre met l'accent sur la sidérurgie et les fabrications d'armement.
- entente souterraine avec les pays fascistes pendant la guerre d'Espagne ça me semble impossible. Ce qu'il peut y avoir, c'est que la tentative - finalement réussie mais trop tard - de prendre le contrôle de la direction politique de la République espagnole peut faire apparaître des actions où Staline élimine des cadres ou des dirigeants qui ne sont pas sous sa tutelle, ce qui objectivement favorise l'ennemi, en introduisant la discorde dans les rangs. Mais des actions où il tire une balle dans les pieds des Républicains n'en font pas un ami d'Hitler...
Enfin, il y a un argument décisif qui donne à penser que Staline doit gagner du temps : il n'a plus d'armée. Il a décapité l'Armée Rouge en 37/38 (la purge n'était même pas encore terminée au moment de Barbarossa !) et il a suffisamment combattu pour savoir qu'une armée sans officiers perd toute valeur militaire. (Là encore, il a éloigné le risque - très imaginaire - d'être écarté du pouvoir.)
On sait parfaitement que Staline était écoeuré par le comportement de la France et de l'Angleterre, qui cédaient tout pour mieux "apaiser" leur ami Hitler, et s'il additionnait 2+2, ça faisait de lui le premier sur la liste. Je pense que dès 38 - il aurait, lui, défendu la Tchécoslovaquie - il avait en tête de sauter sur un accord avec Hitler si cela se présentait. Sauf si les alliés faisaient un pas convaincant vers lui, ce qui ne s'est pas produit.
(Il aurait envoyé à Hitler des signaux de demande d'entente en lui sacrifiant les Républicains espagnols, dès 38 ? ce serait logique, mais j'avoue que j'ai du mal à prendre cette thèse comme du bon pain.)
Loïc je serai très heureux de lire votre avis une fois que vous aurez lu cet ouvrage.
Et je me demande : le monceau, l'énorme tas d'archives ouvertes après 1990, ce ne serait pas un peu l'auberge espagnole ?