JARDIN DAVID a écrit:A priori il n'y a pas beaucoup de lecteurs pour BRANCA ... Dommage !
Ce qui m'a donné envie d'en savoir un peu plus sur ce livre de SERVENT, que François nous recommande (et que je n'ai pas lu). Et là, c'est l'accident ! Je ne résiste pas plus et vous recopie cet avis étonnant d'un prétendu docteur nommé OD, HDR qui plus est ... Un goût étrange venu d'ailleurs comme disait la pub :
... j'ai été surpris d'apprendre que des archives britanniques relatives au moins partiellement à l'affaire Hess était légalement bloquées jusqu'en 2070, ce qui me laisse penser, avec une certaine expérience personnelle des dossiers des affaires réservées, qu'il y a tout de même eu des tentations britanniques d'instrumenter ce pauvre bougre d'Hess sans doute dans le cadre d'une manœuvre d'intoxication des nazis et je pense qu'il existe encore quelques pages savoureuses à écrire sur le sujet comme le note l'auteur.
[K DÖNITZ]
JD
JARDIN DAVID a écrit:On ne peut nier que les « services » britanniques veulent à toutes forces planquer les dossiers dits sensibles. Rendez-vous en 2070 pour ces fonds comme pour d’autres.
Il est plus pratique de faire écrire l’histoire du SOE par un ex-barbouze très distingué.
JD
JARDIN DAVID a écrit:des archives britanniques relatives au moins partiellement à l'affaire Hess était légalement bloquées jusqu'en 2070
François Delpla a écrit:Les archives nationales anglaises, que j'ai beaucoup fréquentées, ne sont pas aussi bien tenues, ni tenues à de strictes règles, qu'on ne croit communément.
Certains cartons, dans les inventaires, portent la mention "closed until 2000 et quelques" et, quand la date est dépassée, elle n'a pas toujours été respectée... de même qu'elle est parfois anticipée ! On trouve aussi beaucoup de fermetures sans date et sans donner la moindre idée du contenu : "closed document, closed description".
Concernant Hess, tous les cartons au contenu explicite et portant, dans l'inventaire, une date (souvent 2017) ont été ouverts dans les années 1990 et je ne vois pas sur quoi s'appuie cette info sur une fermeture jusqu'en 2070.
Puisque JD me montre l'exemple, je reproduis en italiques cette recension du pensum de Servent publiée sur Facebook, rubrique "Nazisme et histoire" :
HITLER, HESS, BORMANN, PIERRE SERVENT ET NOTRE EXTRAORDINAIRE ÉPOQUE
.
Les gens qui se plaignent que la société française devienne un "archipel" fractionné en de nombreuses "identités" poursuivant chacune ses propres chimères, sont souvent les premiers à courir dans leur propre couloir, munis de grandes oeillères et de bouchons d'oreilles pour s'assurer de ne pas être dérangés par des opinions divergentes. Rien n'est plus démonstratif à cet égard que ce livre adonné, et même acharné, à démontrer quelque chose d'absurde : que Rudolf Hess, confit en dévotion pour Adolf Hitler, ait préparé pendant une dizaine de mois un vol très difficile en réussissant à ne pas se faire repérer par un maître tout-puissant et jaloux de son autorité, qui lui avait de surcroît interdit publiquement de voler. L'auteur, qui se fait fort d'aller contre des préjugés dominants (là-dessus l'article complaisant de François Kersaudy https://www.lepoint.fr/invites-du-point ... xpCyfdWPuw est dans le vrai), se prévaut d'une "dose énorme de bon sens" : on frémit à l'idée du résultat, s'il en avait été moins bien pourvu.
Comme de coutume, le signataire des présentes lignes, adversaire notoire de cette thèse, a proposé un dialogue au lendemain de la parution du livre, le 19 septembre 2019. Une offre, hélas, restée sans suite.
Il n'est pas exact qu'il s'agisse d'une biographie. L'ouvrage de Pierre Servent est tout entier consacré au vol du 10 mai 1941, à sa préparation et à ses conséquences. Si quelques épisodes antérieurs de la vie du pilote sont contés, c'est seulement pour étayer la thèse d'une initiative individuelle, soigneusement et victorieusement dérobée aux regards d'un dictateur. Or celui-ci, extrêmement méfiant, faisait surveiller jusqu'à ses propres ministres. Faudrait-il alors imaginer que Hess ait acheté le silence des agents du SD (le Sicherheitsdienst, c'est-à-dire la branche des SS chargée de l'espionnage) commis à sa surveillance ? Mais Servent n'aborde même pas la question.
Comme beaucoup d'idées fausses sur le nazisme, la légende d'un Führer ignorant tout des projets de son lieutenant s'appuie en grande partie sur des sources national-socialistes. A commencer par les déclarations des deux principaux intéressés : Hess s'explique dans une longue lettre remise à Hitler quelques heures après son envol, et celui-ci entre dans une effroyable colère, dont plusieurs personnes ont témoigné. Tous deux maintiennent leur version jusqu'à la fin de leur vie... ou du moins ne la démentent pas expressément. Le journal de Goebbels témoigne également de la surprise et de la stupeur des autres dignitaires allemands.
La préparation minutieuse du vol n'avait pas comporté d'entraînement au parachutisme - une activité que Hess, d'après toute la documentation, n'avait jamais pratiquée. Son saut au voisinage de la propriété du duc de Hamilton (un puissant lord, adepte notoire de la politique d'appeasement des années 1930) était donc le premier de sa vie, et n'avait probablement pas été prévu. Force est d'en déduire qu'il comptait atterrir, et ce dans une région vallonnée : il fallait un aérodrome, et quelqu'un pour en allumer les projecteurs, puisque l'arrivée était nocturne. Ce qui suppose une entente préalable avec des complices britanniques. Cet aspect de la question est escamoté par Pierre Servent.
Je ne vais pas détailler ici la thèse inverse, mais renvoyer à deux longs chapitres de mon Churchill et Hitler (Le Rocher, 2012 ; réédition Perrin, Tempus, 2013)... passé sous silence par Servent (1). Hitler et Churchill, à l'acmé de leur duel, ont très peur l'un de l'autre à l'orée de l'an 1941. Hitler parce qu'il a décidé, depuis déjà un semestre, d'attaquer l'URSS dès le dégel, et Churchill parce que, n'osant croire à une telle aubaine, il redoute un déferlement allemand, auquel il n'aurait pas grand-chose à opposer, sur la route méditerranéenne des Indes, de Gibraltar à Chypre en passant par Malte et Suez. La perte de tout ou partie de ces bastions rendrait aléatoire la poursuite de la guerre pour des raisons non seulement économiques et militaires, mais de politique intérieure : un tel désastre risquerait d'épuiser son crédit devant les Communes.
Il est tout à fait faux que Hitler ait été sûr d'emporter la décision, en Russie, avant l'hiver. Lorsqu'on l'affirme (et on le fait fréquemment), on se fie là encore à des sources nazies : il était bien obligé de se montrer confiant, pour soutenir le moral des troupes. Mais des propos plus confidentiels le montrent perclus de doutes : il espérait vaincre rapidement l'Armée rouge mais n'en était pas sûr du tout. Et il savait bien que, si à l'est la victoire se faisait attendre, les efforts de Churchill pour faire entrer les Etats-Unis dans la guerre avaient toutes chances d'aboutir.
Voilà donc deux chefs civils et militaires angoissés et néanmoins résolus, qui vont jeter tous leurs atouts dans la bataille. Churchill le premier : il entreprend de faire croire à l'ennemi que sa position politique est plus fragile encore qu'elle n'est, et qu'en conséquence une attaque en Méditerranée, loin de sonner le glas de son gouvernement, risquerait de prolonger son existence en resserrant les rang autour de lui ; l'intoxication passe par Samuel Hoare, un poids lourd du parti conservateur, présentement ambassadeur à Madrid. Recevant au début de mars 1941 le prince Max Hohenlohe, émissaire notoire de Hitler, il lui confie qu'il est sur le point de réunir une majorité aux Communes pour renverser Churchill et faire la paix. Il s'agit à l'évidence d'une intoxication. Elle est dévoilée dans les années 1980, non point en Angleterre ni en Allemagne mais en Italie. L'ambassadeur italien en Espagne, Franco Lequio, a vent de la chose et en fait part à Mussolini par une lettre, qui figure dans le tome des documents diplomatiques italiens publié en 1986. C'est l'un des rares mérites de Martin Allen, un historien amateur controversé pour de bonnes raisons, d'avoir levé ce lièvre dans un livre de 2004 sur le vol de Hess https://www.goodreads.com/.../1005541.The_Hitler_Hess... . J'ai suivi la piste autant que faire se pouvait dans les archives britanniques et ramené sinon le pot-aux roses (la preuve noir sur blanc que Churchill était à l'origine de l'intoxication), du moins de quoi recouper l'information de Lequio, et la rendre indubitable. D'autres documents, dans un paysage archivistique très lacunaire, enseignent que le duc de Hamilton avait été recruté par le MI 6 pour intoxiquer le Reich.
Ces données expliquent que Hitler et Hess aient pu, tout en étant des dirigeants très capables, se jeter dans un piège grossier. Car pendant que Hohenlohe cherchait à revoir Hoare et trouvait porte close, Albrecht Haushofer (qui, comme Claus von Stauffenberg, n'était pas encore un résistant qui allait payer de sa vie son engagement, mais un agent zélé du régime, au service de Rudolf Hess) nouait avec l'Angleterre, en pays neutre, des contacts qui semblaient confirmer l'existence d'un parti anglais de la paix, prêt à passer à l'action.
La propriété du duc de Hamilton était pourvue d'une piste d'atterrissage... beaucoup trop courte pour accueillir l'avion de Hess. S'il avait voulu y atterrir, il se serait inévitablement empalé sur les arbres qui bordaient le terrain : lorsque dans les années 1990 on s'avisa de ce fait, les auteurs qui pensaient que Hess avait agi sur un coup de tête irréfléchi connurent un moment de triomphe. Mais en 2010 leurs adversaires eurent leur revanche, quand John Harris remarqua que l'aéroport de Glasgow-Prestwick, proche des terres du duc, était probablement le but du voyage et que Hess l'avait manqué - peut-être faute d'éclairage. Ce débat n'est pas mentionné dans le livre de Servent, en dépit de sa "documentation considérable".
On devra peut-être attendre encore longtemps un document ou un témoignage prouvant noir sur blanc que Hitler a missionné Hess. Mais en tout état de cause, rien dans la documentation ne s'y oppose de façon décisive et le bon sens, précisément, fait le reste. D'après ses interrogatoires, Hess allait proposer à ses interlocuteurs britanniques une paix sans vainqueur ni vaincu, en disant que cette proposition était conforme aux idées de Hitler, longuement exposées dans des conversations particulières : seule la démarche consistant à prendre un avion pour aller en parler à l'ennemi émanait de lui. Mais il savait bien qu'il était interrogé par des partisans de Churchill et que la réussite de son entreprise, du fait de sa capture, était fort compromise. Il était donc bien obligé de nier être envoyé par son gouvernement, comme tout agent arrêté à l'étranger sans avoir pu accomplir sa mission. De même, Hitler était obligé de désavouer sa tentative, dont la révélation ne pouvait qu'indigner son allié Mussolini (lequel espérait chiper au moins une partie des bastions méditerranéens de l'Angleterre), et le fâcher avec le Japon dont il recherchait l'alliance, et qui convoitait les possessions anglaises d'Asie.
La thèse fort peu logique d'un Hess franc-tireur s'enracine dans un grand nombre de préjugés qui hantent les ouvrages parus entre 1945 et la fin du siècle : l'idée que les dirigeants nazis se disputaient les faveurs du chef et étaient prêts à tout pour les obtenir ou les reconquérir (car Hess est censé avoir été en disgrâce), l'ignorance des talents de comédien de Hitler, la sous-estimation de son hypocrisie, la méconnaissance de ses projets d'alliance "aryenne" au long cours avec Londres, la croyance en sa certitude de vaincre rapidement l'URSS, la cécité devant l'angoisse qui étreignait Churchill tant qu'il n'eut pas la certitude que Hitler se tournait vers l'est...
La première biographie non journalistique de Martin Bormann est de nature, quand elle sera lue, à peser de manière décisive. Il apparaît que lui, au moins, n'avait rien su des projets de Hess dont il était pourtant le bras droit dans la direction du parti nazi. Accaparé par cette tâche, il n'était pas l'intrigant à l'affût des potins qu'ont présenté les livres antérieurs. En revanche, son zèle et son abnégation en faisaient un successeur tout prêt de Hess (sauf dans la fonction de "représentant du Führer" à laquelle il n'accéda jamais), dont l'existence a sans doute aidé Hitler à prendre le risque de perdre un collaborateur aussi précieux et dévoué que Rudolf Hess.
__________________________
(1) alors qu'il me rend hommage, allez savoir pourquoi, pour un autre livre fort éloigné de son sujet, Hitler et les femmes . Mais l'a-t-il seulement lu ? Il se trouve qu'il parle un peu de Hess, à propos d'un piège tendu par Hitler et lui-même à Leni Riefenstahl... qui aurait eu toute sa place dans une biographie véritable, comme dans un livre centré sur le vol du 10/5/41 : l'épisode est emblématique de la complicité des deux larrons.
Alfred a écrit:Toute l'affaire Hess doit -être classée par le M16 et peut-être en plus par les services US vu les circonstances de la mort du personnage ............Et,ne prenez surtout pas ces services là encore de nos jours pour des enfants de choeur aux mains innocentes ni même "justes"
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