Post Numéro: 27 de JARDIN DAVID 20 Mar 2022, 10:20
Sans reprendre tout le dossier, je me contente de rendre compte de mes premières impressions de lecture du livre de J SEMELIN.
Il est clair que cette nouvelle publication n’apporte rien de neuf, ou pas grand chose sur le fond. Pour être plus précis, c’est une compilation -par ailleurs fort brillante- d’analyses et de considérations que je qualifie de « mondaines ». Mais il faut que je m’explique.
En effet, il y a plusieurs façons d’écrire un livre d’histoire. La plus exigeante consiste à investiguer aux archives, à confronter les documents et les éventuels témoins après un état des lieux historiographiques, puis à synthétiser les travaux. Dans cette veine on peut prendre l’exemple de « Sans armes face à HITLER » du même auteur. A ne pas confondre avec une recherche effrénée de « preuves » à l’appui d’une thèse prédéterminée, qui est une parfaite perversion de la méthode, souvent associée à des brossages de pompes et autres ronds de jambe. Cette démarche idéale reste aléatoire puisqu’il n’est jamais assuré que des pépites seront tirées du tamisage des archives … De plus, il est toujours ingrat de passer des jours et des jours en salle de consultation puis devant son écran. Du moins pas très people. Le coup de pied de l’âne en prime : ces travaux sont qualifiés de sectoriels, régionaux, en gros laborieux, bas de plafond et peu utiles.
D’où la propension de (pas toujours) vrais intellectuels à privilégier la prétendue SYNTHESE, c’est-à-dire l’analyse revendiquée de haut vol à partir de données plus ou moins connues, mais sans véritables éléments nouveaux. Pas question d’entrer dans des détails, sinon des anecdotes soigneusement sélectionnées. Sciences-Po en général et J SEMELIN pour cet ouvrage sont parfaitement dans cette ligne.
La lecture de cette Enigme française est agréable, avec les révérences aux autorités de l'histoire officielle et de la morale que je vous laisse découvrir. C’est vraiment bien fait, alors comment contester ? Quelle chance aussi que l'auteur nous confie ses états d’âme et ses échanges privés avec Simone VEIL ! Là, on touche au voyeurisme élitaire, à la confidence accordée au menu peuple du lectorat, quasi tenu d’applaudir sur commande. Pourquoi ces ronds de jambe ? C’est peut-être que le lecteur ou l’amateur d’histoire reste rarement la cible privilégiée. D’une part parce que les droits d’auteurs (pourcentage et tirages en baisse) sont peu rémunérateurs. D’autre part, il faut admettre les contraintes qui pèsent sur les historiens prometteurs. Les objectifs de carrière sont légitimes, et pour cela il ne faut pas trop déplaire aux décideurs, je veux dire aux pairs qui permettront de dénicher un poste de recherche ou bien des fondations qui attendent un rendu nettement (et préalablement) calibré. En principe l’âge de la retraite devrait permettre de s’abstraire de ces réelles contraintes. Mais est-il encore temps pour l’initiative ?
Cette bienveillance de forme ne dédouane pas l’auteur de nous présenter des faits historiques originaux et j’en cherche, ayant probablement parcouru trop vite cet ouvrage.
On peut aussi se poser la question du degré de participation du co-auteur, Laurent LARCHER, dont le nom, moins connu, est indiqué en petits caractères sur la couverture mais revient souvent. Enfin, dans le corps du texte, moins dans la promotion. De même, un troisième homme est évoqué dans les remerciements, qu’il faut aller pêcher dans l’arrière-texte. Rien n’est donc caché, c’est très honnête et même chaleureux. Voici ce qui est écrit : « Qu’il me soit permis d’exprimer toute ma reconnaissance à David BILLEAU, mon assistant au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) de 2019 à 2021, qui m’a secondé tout au long de la rédaction de cet ouvrage. Que ce soit pour la consultation d’archives et de livres, la relecture et la mise en forme des chapitres, la précision de l’appareil bibliographique, ses services ont été inestimables. […]» Il est bien connu que les harkis de l’histoire n’ont pas droit à la couverture …
Peu de jeunes pousses survivent à l’ombre des vieux chênes.
JD
"Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi" (Le Cid)