Post Numéro: 7 de JARDIN DAVID 04 Avr 2019, 15:02
Je viens de finir la lecture de "La course au Rhin".
N'étant pas un spécialiste de l'histoire militaire, mon avis sera celui d'un lecteur venu en voisin, appréciant d'approfondir ses connaissances en marge de son centre d'intérêt, la résistance dans l'Est. Je vous livre la chose à chaud et en vrac.
Tout d'abord, j'ai apprécié la ligne directrice de l'auteur, qui entend démontrer pourquoi la guerre ne s'est pas finie à Noël (le sous-titre). Dans ce sens la remise à plat des décisions prises par les principaux acteurs allemands et alliés me semble bien équilibrée. La conclusion me plait, ça se tient.
Côté Allemands, les grandes lignes et le tir des dernières cartouches sont très bien rendus. Il manque peut-être quelques organigrammes en annexe, afin de replacer correctement les différents noms de généraux que l'on retrouve localement à la tête des VGD par ex. Par ailleurs HITLER me semble correctement appréhendé, gardant un sens aiguisé de la stratégie et conservant la maîtrise de ses généraux. Cela conviendra à notre ami François D !
Côté Alliés, j'avoue avoir été convaincu par le semi-plaidoyer en faveur de MONTGOMERY, ni trop ni trop peu. Et également satisfait de la démonstration concernant les véritables causes des erreurs de l'été-automne 1944 : la jalousie des généraux, les carences d'EISENHOWER. Bien démontré également, l'impact de "l'écriture de l'Histoire" par Ike et ses disciples, avec comme toujours les oubliés. Ici REVERS essentiellement. Justice lui est rendue sans excès.
Joker concernant les explications tirées de la formation militaire des généraux américains. Cela ne me parle pas.
Tout à fait admiratif devant le brillant exposé d'opérations très variées, je me suis intéressé aux détails, ayant en mémoire les réserves évoquées par Benoit RONDEAU dans sa recension.
Effectivement l'auteur ne peut pas "tout" savoir, et il se base souvent sur des documents qui ne sont pas de première main.
Quelques bugs gênants pour être précis :
- p332 : les travaux d'aménagement de la Vogesenstellung n'ont pas été effectués par des civils alsaciens ou badois, femmes et adolescents compris, mais par des Jeunesses Hitlériennes, très (trop) légèrement encadrées par quelques SA, SS (Allgemeine) etc. Les seuls Alsaciens présents étaient les engagés volontaires dans le SD et les autres organisations nazies. Pas de civils Badois non plus hormis ces HJ. Il faudrait travailler les archives laissées par WAGNER et le BdS Alsace-Bade ... mais ce n'est pas de l'histoire militaire.
A ce propos il aurait été logique d'évoquer la conférence de Gérardmer (5-6 septembre 1944) au cours de laquelle HIMMLER aborde la répression et la défense (Waldfest) mais aussi les opérations offensives, certainement sur ordres du Führer. Mais voilà ... cet épisode ne semble pas inspirer les historiens militaires, et c'est une limite de cette spécialisation. J'ai bien noté les efforts de l'auteur pour sortir du genre, mais il y a encore de la route à faire !
Les hommes de Saint-Dié n'ont été requis que plus tardivement, justement parce que l'encadrement et la sécurisation des HJ devenait compliquée.
- p398 l'auteur évoque à deux reprises la Meuse ... or il est question de la Meurthe ! Je passe sur diverses coquilles du genre, comme adversité pour adversaire page 397. Il y en a plusieurs autres qui me font dire qu'une bonne relecture ne ferait pas de mal. Dommage car cela gâche le plaisir et instille un doute. On se demande toujours quelle validité on peut accorder aux détails que l'on ne peut pas vérifier personnellement. Cf B RONDEAU ...
Plus généralement, l'impact des opérations FFI n'est jamais évoqué. Cela va dans le sens de mon appréciation (un impact réel très faible pour un maximum de représailles, mais l'honneur est sauf). Idem pour les opérations SAS (Loyton, Pistol ...). Dommage car il y a de longs développements plus ou moins utiles sur d'autres thématiques. A mettre sur le compte de la segmentation des genres historiques probablement.
Personnellement, l'absence de témoignages "du GI de base" ne me manque pas trop, restant par nature réservé sur les extrapolations plus ou moins patriotiques qui en découlent. A laisser aux pisseurs de copie genre BEEVOR, [censuré] et al. Je ne crois pas aux témoins représentatifs.
Nicolas AUBIN insiste à juste titre sur les mesures d'hygiène, bien maîtrisées par les officiers allemands et anglais, contrairement aux cadres US. Ne serait-il pas utile d'en dire quelques mots ?
Enfin, et c'est pour moi tout à fait impératif, je dénonce l'indigence crasse de la cartographie (une loupe Economica gratuite pour 3 livres achetés ?). Ex p 226 .... Enfin l'absence d'index est une carence très grave, et je ne peux reprocher cela qu'à l'éditeur.
Bref, un livre qui comble un manque et qui fera probablement référence dans son domaine, en attendant mieux. Je suis un peu vache, mais cela reste un compliment.
JD
"Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi" (Le Cid)