Post Numéro: 6 de JARDIN DAVID 01 Jan 2019, 17:33
Tout d'abord je suis surpris qu'il ne soit pas du tout question de cet ouvrage sur ce forum (1). Son sujet recoupe pourtant de nombreuses thématiques dont les tenants et aboutissants ne sont pas aussi clairement établis que ce que nous propose la doxa historique.
Faudra-t-il revoir notre lecture de Montoire, du 13 septembre, des errements Lavaliens et de la dérive de plus en plus indéfendable du régime de Vichy ? Effectivement, j'ai trouvé beaucoup de points intéressants en lisant ce livre annoncé depuis quelques temps. D'où des attentes nombreuses et un teasing entretenu à bon escient par l'auteur. Nous attendions donc cet ouvrage présenté comme une sorte de couronnement des travaux d’un chercheur au parcours atypique, solitaire, parfois aussi exaspérant dans l’argumentation de ses intuitions qu’inlassable débateur et pédagogue. Ces deux points nous le font apprécier ici. On dira ce que l’on veut des qualités de tel ou tel historien, celui qui accepte les échanges et le partage des points de vue doit en être remercié.
Un maître livre, c’est du moins ce que je m’attendais à percevoir, vaguement inquiet, du coup, pour la démonétisation prévisible de tout un rayonnage de ma bibliothèque. Montoire ou les premiers jours de la collaboration, Mers el Kébir 3 juillet 1940 l’Angleterre entre en guerre, une histoire du 3ème Reich, Qui a tué Georges MANDEL ? Hitler (pas la seule biographie écrite par un Français, n’en déplaise à l’auteur) et d’autres encore allaient-ils prendre la destination du pilon ?
Maître ouvrage je ne sais, mais ce nouvel opus est un véritable prolongement, d’où de fréquents renvois aux ouvrages antérieurs (à conserver, inutile de dégarnir nos rayons), ainsi qu’à deux auteurs-précurseurs fréquemment mis à l’honneur, Barbara LAMBAUER -Son « Otto Abetz et les Français », riche de sources n’en reste pas moins, à mon avis, soporifique- et Laurent JOLY pour son récent « L’Etat contre les Juifs ». Beaucoup de références sont proposées pour approfondir(2) la lecture, que ce soit en notes ou en bibliographie thématique. Ce prolongement s’inscrit aussi, mais de façon plus lointaine, dans la continuité des analyses proposées par les historiens étrangers bien connus, PAXTON, KERSCHAW, …
Alors, quoi de neuf ?
Avant lecture, j’ai noté le titre « Hitler et Pétain », et non l'inverse, ce qui promet une lecture des faits moins commune et forcément différente, par exemple, de « Pétain contre Hitler » par Gabriel Jeantet. C'est que l'auteur s'applique à démontrer inlassablement son hypothèse maîtresse : il y avait bien un patron intelligent, manipulateur à la tête du 3ème Reich, et ses talents n'ont pas tous été mis à jour pour de nombreuses raisons, ses victimes n’étant pas les dernières à préférer la thèse du fou-furieux sanguinaire ou du poids des circonstances socio-politiques. François DELPLA reprend donc inlassablement son travail afin de traquer les « manipulations hitlériennes » dont le décryptage n’en serait qu’à ses débuts. Cet axe de démonstration excessivement delplaïen nous est familier. Ceci dit, je recommande d'approfondir la question avec cette "version longue".
La principale avancée de l’ouvrage réside dans la présentation des divers émissaires et hommes de main hitlériens (et le détail de leurs réalisations), dont les très méconnus Werner BEST et Friedrich GRIMM, sans oublier les plus improbables BEDAUX … et d’autres encore plus ou moins connus mais pas toujours correctement perçus(3) . La démonstration est convaincante : il y avait bien une implacable volonté au service de l’asservissement de la France. La démarche a été couronnée de succès. Mieux, cette volonté a su adapter ses objectifs au gré des événements, ce qui montre bien que le pilote, unique et moustachu, n’était ni fou-furieux ni monomaniaque, mais diablement doué. Cette démonstration bien étayée justifie l’achat dudit bouquin. Il en ressort une impression de grande cohérence des objectifs et des méthodes hitlériennes. D’où la réussite dans le dressage d’un microcosme vichyste qui donne l’image du joueur d’échec en retard d’un ou deux coups, incapable de reprendre l’initiative. Le pouvait-il d’ailleurs ? La conclusion semble indiquer qu’une fois l’armistice signé, le handicap ne pouvait être remonté, du moins tant que l’Allemagne ne commettrait pas d’erreur. Ce qu’elle ne fit pas, comme le démontre François DELPLA.
Mais l’auteur pousse peut-être un peu trop sa logique, ce que je détaillerai dans un prochain post.
JD
(1) : Silence radio ici et sur la plupart des forums spécialisés. Bien entendu il en est question sur ISSN et sur le forum de l'auteur, mais la discussion me semble pourtant bougrement intéressante à lancer. Un silence résultant d'une censure bien-pensante ou d’une vengeance des réseaux de l’histoire officielle ? Allez savoir !
(2) : Je passe sur mes marottes personnelles. Certaines sont satisfaites (biblio, appareil de notes, …) mais pas toutes : qualité de la reliure, absence d’illustrations, de carte (pas forcément nécessaire sur ce sujet). Par ailleurs le prix est élevé. Toujours sur la forme, quelques organigrammes illustrant les méandres des structures administratives allemandes faciliteraient la lecture ... même si ce n’est pas très académique.
(3) : Y compris dans leur concurrence interne, habilement guidée depuis Berlin.
"Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi" (Le Cid)