Bonjour et bonne année à tous !
Hélas, tant qu'on n'est pas intervenu sur un sujet on n'est pas prévenu des messages, même si on a son nom dans le titre du fil. Je n'ai donc découvert celui-ci qu'hier.
JD, ce n'est certainement pas ton but, mais attention : certains reproches aigres-doux pourraient inciter des grincheux dépourvus d'humour (il faut toujours prévoir le pire) à penser que ce qui me meut n'est pas la passion de la recherche, mais celle de mes propres découvertes et intuitions, au point de bannir les éléments qui les contredisent.
Pour dissiper, s'il existe, un tel malentendu, je prendrai aujourd'hui l'exemple d'Oradour.
Mon travail est (au moins depuis le
Mandel, qui fête ses dix ans) le premier qui explore la piste d'une commandite hitlérienne. Du moins, car j'avoue ne pas suivre de près tout ce qui s'imprime en Papouasie, personne
à ma connaissance n'avait émis cette hypothèse. Un indice majeur me semble résider dans un voyage de Himmler en France -le seul en 1944, Alsace-Moselle exceptée-, au cours duquel le chef SS s'immerge une journée dans la vie de la division Das Reich et converse seul à seul avec son commandant. Lors d'un séjour à Berlin où sont conservés ses agendas, j'ai pu constater qu'il rencontrait Hitler peu avant et peu après. Voilà pour la documentation de l'événement lui-même. En outre, je le replace dans un ensemble très cohérent : celui de la préparation par l'Allemagne d'une réaction au débarquement en Europe occidentale annoncé par les Alliés au lendemain de la conférence de Téhéran, en décembre 1943. Cette préparation passe notamment par une prise en main de Pétain, tant physique qu'oratoire : on le promène dans les diverses zones et on lui fait enregistrer (fin février) l'allocution qui sera diffusée le 6 juin.
Elle parle aux Français non de leur libération, mais des terribles malheurs censés la précéder, à moins qu'ils se conforment scrupuleusement aux ordres de l'autorité occupante., conformément à une stratégie de chantage et de "retenez-moi ou je fais un malheur" en vigueur sans discontinuer depuis les derniers jours du gouvernement Reynaud.
Ce qui a pu se mijoter entre Hitler, Himmler et Lammerding, c'est non pas un scénario précis quant aux lieux et aux dates, mais le principe d'un ample massacre, aussi gratuit que préventif, au cas où les Français, sourds aux sermons de leur exécutif fantoche, réagiraient comme, un peu plus tard, les gilets jaunes
. Il est vraisemblable que quelques précisions aient été données, notamment sur le fait qu'il ne devait pas s'agir d'un lieu trop montagnard et difficile d'accès, tant pour les médias que pour les autorités.
Il va sans dire, mais semble-t-il encore mieux en le disant, que pas une ligne de mon livre ne transforme une hypothèse en certitude, sur ce point comme sur tous les autres.
Quant à l'autre grande hypothèse, qui attribue entièrement le massacre d'Oradour à des causes locales, elle n'est, c'est le moins qu'on puisse dire, pas mieux documentée. Les efforts de ses tenants ressemblent à ceux des bâtisseurs de la biblique tour de Babel : elle peine à monter au ciel, c'est-à-dire à s'inscrire dans la marche générale d'un régime qui, paraît-il, est une dictature. Ainsi, lorsque des découvertes récentes révisent à la hausse l'estimation des activités résistantes à Oradour, elles sont bien impuissantes à établir un lien entre ces faits et une répression aussi démesurée.
Mon livre n'invente rien, sinon au sens archéologique du terme : comme les enfants découvrant en jouant, dans l'été de 1940, la grotte de Lascaux, je veux bien passer pour l'inventeur de quelques énormes trous dans la connaissance du nazisme. Et j'affirme être au tout début du processus, sans prétendre dresser d'emblée le catalogue raisonné des peintures pariétales.