Bonjour,
Quelques mots à propos du dernier ouvrage de Benoît Rondeau :
Benoît Rondeau renoue avec un sujet qu'il connait bien pour avoir signé, il y à quelques années, un autre ouvrage intitulé "L'Afrikakorps de Rommel". D'aucun dirait que le sujet de ce qui pourrait s'apparenter à une biographie du célèbre général vient s'ajouter aux nombreux écrits déjà parus, mais il n'en est rien.
Tout d'abord, comme le précise la prestigieuse maison Perrin, la collection "Maîtres de guerre", dans laquelle se place l'ouvrage, ne propose pas des biographies, mais visent plutôt à montrer l'influence exercée sur le cours de la Seconde Guerre mondiale par le caractère, l'expérience, l'es initiatives, les intuitions, les forces et les faiblesses de ses principaux acteurs.
Et c'est le cas de cette approche du sujet. Une fois l'ouvrage terminé, le lecteur a l'impression de connaître Rommel comme s'il l'avait côtoyé. D'une façon générale, Benoît Rondeau nous propose une vision du Renard du désert en favorisant la dimension humaine de l'homme, dont la personnalité est plus complexe qu'il n'y parait de premier abord.
La vie de cet emblématique général est en effet composée d'un certain nombre de paradoxes dont le principal consiste à rapprocher son admiration sans limite d'Hitler, que le dictateur lui rend bien, avec son désintérêt pour la mouvance nazie, qu'il ne côtoie partiellement que dans l'intérêt de sa carrière.
Car il faut bien le dire, Rommel est un officier arriviste. Il n'oublie jamais d'utiliser autant que possible les moyens mis à sa disposition pour se mettre en valeur, d'autant plus que ses succès militaires font bien souvent l'objet de campagnes médiatiques qui le propulsent régulièrement en haut de l'affiche.
Détesté de la caste prussienne des officiers allemands de tradition, Rommel est adulé par ses hommes malgré ses exigences de tous les instants. S'il leur demande beaucoup il partage aussi leurs souffrances et les risques qu'ils encourent en restant omniprésent en première ligne, ce qui lui vaudra d'échapper de peu à la mort à plusieurs reprises.
Mais la personnalité de Rommel contraste aussi par son indéfectible force de persuasion dans l'action, entrecoupée de périodes de défaitisme qu'il partage presque exclusivement avec sa femme, dans les innombrables lettres qu'il lui écrit.
La carrière de Rommel peu d'ailleurs paraître surprenante sur bien des aspects. L'on peut déjà se demander pourquoi on lui confie la tête d'une Panzer-Division en 1940 puisque l'expérience qu'il a acquise durant la Grande Guerre le place à la tête d'unités d'infanterie qu'il mène au feu avec succès et qu'il n'a jamais assumé de commandement d'unités motorisées pendant l'entre-deux-guerres.
Mais à y regarder de plus près, il s'avère que dans l'esprit, son commandement s'apparente déjà à celui d'une unité particulièrement mobile puisqu'il recherche toujours la victoire par le mouvement et l'effet de surprise ce qui lui réussi bien souvent. C'est d'ailleurs ce qu'il expliquera dans son ouvrage "L'infanterie attaque".
Remarqué durant la campagne de France à la tête de sa division "fantôme", reconnu comme un "maître de guerre" dans les déserts d'Afrique du nord, Rommel accomplira ensuite une mission moins prestigieuse en préparant aussi bien que possible les défenses allemandes à l'Ouest avant le débarquement, puis il assumera le commandement de la Heer face aux alliés occidentaux en devant concilier avec d'autres officiers en désaccord total avec la stratégie qu'il souhaite mettre en place.
Officier courageux face à l'ennemi, Rommel n'hésitera jamais à exprimer sa vision bien souvent juste de la situation militaire générale à Hitler, allant même jusqu'a affirmer en 1944 que l'Allemagne n'a plus la moindre chance de gagner la guerre. Il n'en restera pas moins fidèle au dictateur jusqu'au dernier instant, poussé au suicide pour avoir été informé du complot du 20 juillet, sans pour autant avoir participé d'une quelconque façon à l'événement.
Voila l'approche que Benoît Rondeau a su parfaitement retranscrire dans cet ouvrage. Et c'est aussi ce qui rend sa lecture fort intéressante. Comme il l'avait fait dans son "Patton", l'auteur nous propose une vision impartiale du renard du désert, sans complaisance ni adulation, et c'est en cela que cet ouvrage marquera un tournant dans les écrits sur le sujet, faisant trop souvent preuve d'une rédaction exagérément à charge ou à décharge.
Enfin, et non des moindres, le texte s'accompagne d'une très riche iconographie bien souvent originale et de nombreuses cartes de situation. Le livre est imprimé sur un papier glacé de qualité, l'ensemble représentant indiscutablement un travail soigné et rigoureux, tant sur le fond que sur la forme, et dans un style limpide et accessible à tous.
C'est donc une bien jolie surprise que nous propose Benoît Rondeau avec ce "Rommel", dont je ne peux que vivement conseiller la lecture. Rien d'étonnant donc à ce qu'un éditeur aussi prestigieux que Perrin lui ait ouvert ses portes.
Bonne lecture