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Paxton : La France de Vichy

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2016, 01:44
de Borsig
En 1972, Robert Paxton publie le livre qui le rendra célèbre : Vichy France: Old Guard and New Order, traduit en français en 1973 sous le titre La France de Vichy.

L'ouvrage est vendu à 12 000 exemplaires la première année. Dés sa publication en France il a provoqué un véritable choc par sa démonstration que le régime Vichy avait recherché la collaboration avec l'occupant. C'est une rupture décisive dans l'historiographie de la France sous l'Occupation.


La thèse de Paxton a ceci d'avantageux qu'elle peut être résumée en quelques mots : il n’y a pas eu double jeu de la part de Vichy, et le régime, bien loin de jouer l’effet de « bouclier » en épargnant certaines souffrances aux Français, a recherché la collaboration avec l'occupant. Paxton réfute la vision d'un gouvernement résistant de toutes ses forces à une volonté allemande surpuissante.

Lors de la réédition de son livre, en 1997, Robert Paxton écrit un « Avant-propos à la seconde édition ». Cet extrait figure à la page 31-32 :
Quand je relis aujourd'hui certains jugements prononcés par moi à l'époque (comme ceux des pages 62-63 et 288), je concède qu'ils sont bien trop totalisants et parfois féroces. Ils étaient influencés, je le reconnais, par ma répulsion devant la guerre menée au Vietnam par mon propre pays. Mais, à mes yeux, il est toujours légitime de dire que le régime de Vichy aura été de bout en bout souillé par son péché originel, le fatal choix de juin 1940 : au lieu de s'en tenir aux clauses de l'armistice et de limiter son action à l'administration du territoire, le nouveau gouvernement s'est lancé dans cette entreprise de revanche politique et de discrimination civique qu'était la révolution nationale. Les décrets constitutionnels du 11 juillet 1940, première étape de ce parcours fatal, n'étaient par une réponse aux nécessités de l'heure mais le fruit d'un opportunisme partisan. Ils étaient le contraire de l'« union sacrée » de 1914, et bien plus compromettants que le simple régime de gestion des affaires courantes adopté dans les autres pays occupés de l'Europe de l'Ouest. Le maréchal Pétain aura réussi à introduire une confusion, qui persiste encore de nos jours, entre le nécessaire maintien d'une armature étatique dans la France occupée (ce qu'on fait les autres pays) et l'installation d'un gouvernement en zone non occupée qui utiliserait sa demi-liberté à des fins politiques partisanes. Le caractère unique de l'accommodement trouvé par vichy avec Hitler doit être souligné, tout comme le fait qu'il n'était pas nécessaire : l'armistice ne l'exigeait pas et les nazis n'en demandaient pas tant. Le régime en sera souillé, au point que sa pratique administrative la plus routinière sera associée à des actes de collaboration scandaleux. Bien des citoyens vertueux seront donc contraints de se faire complices d'actes qu'ils auraient abhorrés en d'autres circonstances. En cela, le maréchal Pétain et ses conseillés ont trahi bien des patriotes qui leur faisaient confiance et croyaient n'accomplir que leur devoir de citoyen : la faute la plus grave du régime est là.



Lors de la dernière édition, en 1999, la présentation de l'éditeur :
Est-il aujourd'hui possible d'écrire une histoire politique du régime de Vichy ? Un universitaire américain, Robert 0. Paxton, répond ici par l'affirmative : refusant de prendre au pied de la lettre la kyrielle des témoignages pro domo dont la littérature politique s'est enrichie, passé la guerre et la libération, il a appuyé toute son étude sur les écrits contemporains des événements et surtout mis à profit la richesse des archives allemandes et américaines qui remettent en question, sur tant de points, les assertions de ceux qui avaient voulu, à la faveur d'une défaite nationale et sous l'oeil de l'occupant, entreprendre une nouvelle restauration. Cet ouvrage iconoclaste est devenu un classique. La présente édition a été revue, corrigée et augmentée en fonction des recherches les plus récentes.


Selon Henry Rousso :
La France de Vichy a proposé tout d'abord une interprétation globale du régime, de son idéologie et de son action concrète, qui a mis en lumière la profonde cohérence du projet vichyste. Celle-ci s'articule autour de l'idée centrale selon laquelle les élites dirigeantes du régime ont eu une assez claire conscience du lien qui existait entre les choix de « politique extérieure » et de politique intérieure, entre la collaboration d'État — un concept mis en avant par Stanley Hoffmann et consacré désormais par l'usage —, qui croyait redonner à la France une part de souveraineté perdue dans la défaite, et la Révolution nationale, une idéologie et une pratique qui visaient à la constitution d'un régime en rupture avec l'héritage républicain. La grande originalité de ce livre est d'expliquer de manière concrète et argumentée en quoi la collaboration d'État constituait une condition nécessaire (mais non suffisante) à la réalisation de la Révolution nationale.

(Henri Rousso, extrait de Vichy. L'événement, la mémoire, l'histoire, Gallimard, 2001)


La publication de ce livre a provoqué beaucoup de remous en France. Comme le dit Thomas Wieder dans Le Monde, c'est toute une génération bercée par le mythe gaullien d'une nation majoritairement résistante qui se sent visée par le livre. L'article de Thomas Wieder est consultable sur internet : http://www.lemonde.fr/livres/article/20 ... _3260.html

Selon Henry Rousso, ce livre incarne la "caution scientifique du retour du refoulé".

L'historien américain Robert Paxton s'est vu décerner l'ordre du mérite pour récompenser ses travaux. Ce document video est édifiant : http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-med ... vichy.html

Re: Paxton : La France de Vichy

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2016, 08:32
de Alcide NITRYK
"Si vous ne vouliez pas que je couche avec les Allemands, fallait pas les laisser entrer"

Cette réponse d'Arletty à ses juges résume la situation.

Re: Paxton : La France de Vichy

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2016, 12:49
de Prosper Vandenbroucke