Post Numéro: 78 de calkstein 22 Avr 2016, 13:26
J'aborderai justement ce sujet dans le prochain n° de bataille et blindé... (je remercie au passage Alain Adam pour l'aide qu'il m'a apportée pour cet article)
Les contacts ont eu lieux mais à un moment trop tardif pour avoir un impact réel sur le changement des plans des destructions. Par ailleurs Gamelin accordait une importance trop grande à l'avantage défensif des Ardennes. Son attention avait pourtant été attirée sur le danger par le rapport parlementaire Taittinger/Framond qui visitent la zone de Sedan en janvier 1940. S'ils se montrent satisfaits du secteur de Montmédy, ils sont particulièrement acerbes vis-à-vis de la portion de frontière entre l'extrémité de ce point et Valencienne:
Je cite:“Mais nous considérons de notre devoir de dégager un fait brutal: dans la région parcourue qui va de Montmédy au nord de Valenciennes,un certain nombre d'ouvrages sont en état de remplir le rôle qui leur est assigné.Mais tant sur la ligne d'arrêt que sur celle de résistance, nombre d'ouvrages ne seront pas terminés avant plusieurs semaines et il faut souhaiter que ce laps de temps soit accordé tant aux entrepreneurs civils qu'aux formations du génie qui poursuivent avec une hâte les travaux qui leurs ont été confiés. Les hésitations du commandement, les rigueurs de la température sont responsables d'un grand nombre de lacunes constatées. Nous souhaitons que ce répit nécessaire nous soit accordé, mais nous devons d'ores et déjà remercier la providence de nous avoir préservés, au mois de septembre 1939,d'une invasion par la Belgique, car, à ce moment-là, sur un grand nombre de points, mal défendus, ne nous aurait pas donné les points d'appui suffisants pour résister avec avantages aux entreprises de l'ennemi. Il semble qu'il y ait des terres de malheur pour nos armes... „
Leur rapport continue en étant accablant et totalement clairvoyant sur les menacent qui pèsent sur la ville située au débouché du massif:“ Les organisations défensives sont dans ce secteur, rudimentaires, pour ne pas dire embryonnaires. Sur la route venant de Bouillon, en Belgique, à Sedan, comme sur les autres points d'accès, la défense consiste en "maisons fortes" dont la résistance ne serait que de courte durée. Les réseaux de fil de fer qui ont été placés, les destructions envisagées et la résistance des maisons fortes ne peuvent pas procurer un temps d'arrêt supérieur à une heure. Ce laps de temps serait tout juste suffisant à donner l'alerte, en cas d'attaque inattendue.
Les Allemands ont montré en 1914 qu'ils étaient passés maîtres dans l'art d'utiliser le couvert des bois et nous pourrions avoir de ce côté un jour prochain une surprise suivie d'amères déconvenues.
Nos ennemis évitant le point solide de Montmédy pourraient se laisser "couler" en direction de Sedan, point particulièrement faible de notre système défensif.
Procédant surtout par infiltration, ils se heurteraient aux cavaliers en cantonnement d'alerte et ne rencontreraient de résistance sérieuse qu'en arrivant au pont de la Meuse. La tête de pont est organisée, obstacles antichars; le pont, comme tous les autres ouvrages est miné, et il faut souhaiter que nous aurons le temps de procéder aux destructions nécessaires. La Meuse constitue un merveilleux "fossé antichars", mais la rivière n'est pas très large, elle est peu profonde, et son courant, pendant de nombreux mois de l'année est assez lent. Les troupes préposées à la défense de ce secteur ont un moral élevé, les cavaliers des G.R.D.I. sont bien commandés, mais on sent que ces éléments sont destinés à être sacrifiés sur place et que la véritable résistance aura lieu en deçà de la Meuse. Cette intention du commandement peut fort bien se défendre, mais encore faudrait-il que les ouvrages de la ligne de résistance soient terminés, munis de leur armement et en état de remplir le rôle qui leur est assigné. Dans certains de ces ouvrages, seul le coffrage est terminé et le béton n'est même pas coulé. Dans d'autres, il manque les portes de fer, le matériel anti-gaz, une partie de l'armement.
On tremble rétrospectivement en envisageant ce qu'aurait été une attaque allemande dans ce secteur.
Nous sommes, il est vrai, protégés:
1° par la neutralité belge et la parole allemande.
2° par les fortifications belges.
3° par l'armée belge.
4° par la Meuse et la rareté des voies de franchissement du massif boisé des Ardennes.
Tout ceci forme un ensemble impressionnant sur le papier.
La neutralité belge peut être violée. La résistance belge peut être symbolique, les destructions incomplètes. Quant au franchissement de la Meuse, il est permis de rappeler qu'en 1914 les Allemands ont utilisé les gués et les passages d'hommes sur les écluses.
Pour qu'une résistance sérieuse ait lieu sur la rive sud de la Meuse, il y a beaucoup à faire....
La suite de mon analyse dans le prochain Batailles et blindés. (enfin normalement, s'il n'y a pas de changements dans les choix éditoriaux )