Je viens de lire les souvenirs de J.F. Thomazi sur la FX à Alexandrie. Voici ce que j’ai noté :
C’est d’abord un témoignage crédible qui détruit l’un des principaux arguments de l’amiral Godefroy pour justifier sa position d’attente jusqu’en mai 1943 : contrairement à ce qu’il a écrit, il n’est sans doute pas parvenu à faire l’unanimité de ses officiers avant de partir d’Alexandrie. Au contraire l’éventail des opinions (pour ou contre le ralliement au combat des Alliés) est resté ouvert jusqu’à Dakar. La méfiance, voire l’hostilité de certains officiers, à l’égard des britanniques a persisté, ainsi qu’une part d’allégeance à Vichy.
L’auteur évoque souvent la notion de « propagande », ce qui est une problématique intéressante dans le monde clos qu’était la FX. On entrevoit ainsi une sorte de guerre médiatique entre les informations sur le conflit mondial données par les britanniques, celles reçues de Vichy, celles diffusées par les gaullistes, les journaux égyptiens, etc. Et l’auteur a mis lui-même « la main à la pâte » pour rédiger un bulletin de la FX et diffuser ainsi la bonne parole de l’amiral. Il semble toujours très respectueux de la ligne fixée par l’amiral Godefroy dans ses messages aux équipages.
Il donne des confirmations sur l’intensité des bombardements aériens italiens et allemands qui épargnaient sans doute volontairement les navires de FX. Il confirme aussi la mésentente sur le Duquesne entre l’amiral et son capitaine de pavillon (= le commandant du croiseur).On l’avait deviné en lisant Godefroy entre les lignes.
Confirmation aussi des prises de position successives du CV Dillard, nommé amiral par Vichy peu avant le départ d’Alexandrie, lequel CV se manifeste publiquement gaulliste une fois arrivé à Dakar. Comme quoi, contourner l’Afrique peut faire réfléchir …
J’aurais aimé trouver dans ces souvenirs des informations sur l’état d’esprit des marins de la FX, quel que soit leur rang, alors que l’auteur ne s’intéresse vraiment qu’à ses camarades officiers. Un autre regret : presque rien sur son rôle de médecin, sur les pathologies sans doute dues à la chaleur des étés, sur la nécessité du repos à terre, sur l’hygiène à bord, etc.
Il faut remercier la famille de J.F. Thomazi d’avoir fait publier ce témoignage. Il y en a bien peu sur l’escadre d’Alexandrie. Pour qui s’intéresse à l’histoire compliquée des divisions de la Marine nationale entre 1940 et 1945, c’est un document précieux ; à lire cependant en gardant à l’esprit le contexte particulier où se trouvait la FX.
Dans une tonalité moins formelle - dans un style plus décontracté, a-t-on envie de dire – on peut lire les souvenirs de l’EV Guy Simon, qui a lui aussi vécu l’affaire d’Alexandrie : Guy SIMON, D’Alexandrie aux débarquements de Normandie et de Provence, à bord des croiseurs Duguay-Trouin et Georges Leygues, les éditions de l’Officine, Paris 2003, 339 p. dont près de 75 pages sur la Force X.