Post Numéro: 49 de fbonnus 07 Nov 2015, 10:11
Voici l'avis de Patrick Besson dans le magazine Le Point de cette semaine sur la questiuon :
Des auteurs nazis sont réédités. Un nouveau moyen pour les maisons d'édition de lutter contre la crise du livre en France ?
Lucien Rebatet devant Jacques Attali sur la liste des best-sellers de L'Express, à la fin du mois d'octobre 2015. La réédition d'auteurs nazis serait-elle un nouveau moyen de lutter contre la crise du livre ? En 1971, Fayard publie Au coeur du IIIe Reich, les Mémoires d'Albert Speer, écrits à la prison de Spandau. Speer était le chouchou de Hitler, qui aurait voulu être architecte comme lui. Albert est l'auteur du plan de Germania, la mégalopole qui devait remplacer Berlin après la destruction de la ville, dont ni le Führer ni Speer n'imaginaient qu'elle arriverait si vite. Albert confie : « À l'Obersalzberg, l'occupation favorite de Hitler consistait à étudier avec moi nos projets de constructions. » Vers 1935, le Führer offre à Speer un petit dessin représentant un arc de triomphe pour Berlin : « Il l'avait exécuté en 1925, alors qu'il n'était encore que l'orateur de son parti bavarois. Ce dessin rappelle le style néobaroque qu'il avait cultivé dans son carnet d'esquisses, égaré depuis. » Passage capable, parmi d'autres, d'attendrir, voire d'émouvoir, le public français déjà séduit par Rebatet.
Chez Gallimard, en 1978, dans la collection « Témoins », apparaît un nouvel auteur allemand : Heinrich Himmler. Le titre français de l'ouvrage, Discours secrets, est plus alléchant, on pourrait même dire plus commercial, que le titre allemand : Geheimreden, 1933 bis 1945, und andere Ansprachen. Les discours réunis dans ce volume, nous explique l'éditeur, « ont tous été prononcés devant un auditoire réduit de dignitaires du régime. Ils ont un caractère secret et ceux qui les entendaient avaient le strict devoir de ne rien ébruiter. [...] Ils contiennent l'idéologie nationale-socialiste à l'état pur. » Nul doute que, réédités trente-sept ans après leur première publication en France, ces « discours secrets » rencontreront chez nous les mêmes faveurs du public que connaissent aujourd'hui les pamphlets de Lucien Rebatet.
Les éditions Flammarion, au cas où elles n'obtiendraient aucun prix littéraire dans les jours qui viennent, pourront compter, pour combler le manque à gagner, sur leur fonds, où figure en bonne place l'ouvrage de Martin Bormann préfacé par l'académicien français Robert d'Harcourt : Libres Propos d'Adolf Hitler. Deux volumes parus en 1952. Tirage indiqué : 10 000 exemplaires. Rebatet a vendu 5 000 bouquins en une semaine. On peut prédire un succès au moins équivalent à Martin Bormann. Page 148 du tome 1, le Führer donne une leçon de végétarisme qui sera appréciée dans certains milieux médiatiques : « Si je propose à un enfant de choisir entre une poire et un morceau de viande, il se précipite sur la poire. C'est son atavisme qui parle. » À rééditer également, dans le catalogue de Flammarion, La France juive, d'Édouard Drumont, deux volumes tirés chacun, en 1885, à 56 500 exemplaires.
France-Empire, maison qui vient de perdre son fondateur, Jean Castarède, a édité en 1974 les mémoires de Veit Harlan, le metteur en scène du Juif Süss (1940). Le cinéma allemand selon Goebbels pourrait avoir aujourd'hui le même succès que le cinéphile Rebatet. Il y a enfin Mein Kampf, dont m'a toujours amusé, dans l'édition française de 1934 aux Nouvelles Éditions latines, l'avis prémonitoire : « Il a été tiré de ce volume 25 exemplaires sur pur fil, numérotés de I à XXV, réservés aux collaborateurs. »
« Alors mon petit Robert, écoutez bien le conseil d'un père !
Nous devons bâtir notre vie de façon à éviter les obstacles en toutes circonstances.
Et dites-vous bien dans la vie, ne pas reconnaître son talent, c'est favoriser la réussite des médiocres. »
_________________________________________________
Michel Audiard