Léon Juno a écrit:Benoit Rondeau a écrit:Sans Overlord et de menace à l'Ouest, pas de Bagration possible...
Benoît Rondeau
Si l'Armée Rouge avait attendu Overlord...
Bataille de Stalingrad · Opération Uranus · Opération Mars · Opération Saturne · Opération Iskra · Offensive Ostrogojsk-Rossoch · Offensive Voronej-Kastornoe · Bataille de Krasny Bor · Troisième bataille de Kharkov · Bataille de Koursk · 2e bataille de Smolensk · Bataille du Dniepr · Offensive Dniepr-Carpates · Bataille de Tcherkassy · Offensive de Crimée · Levé du siège de Leningrad.
De Stalingrad aux Carpates il y a 1,500 Km et 1,800 du Caucase aux Carpates. Toutes ces régions sont le cimetière de la Wehrmacth et n'ont pas attendu Overlord.
Je ne suis pas convaincu par les raisonnements qui consistent à opposer telle opération à telle autre pour tenter, en définitive, d'attribuer artificiellement la victoire à l'un des camps en présence. Sans
Overlord, les Allemands auraient bénéficié à l'Est d'un appui bien plus étoffé de la
Luftwaffe et d'un surcroît de
Panzer et d'infanterie. Sans
Bagration, les Alliés auraient rencontré davantage de difficultés à conserver leur tête de pont en Normandie. Soit. Et après?
La Deuxième Guerre
Mondiale doit être analysée comme un système de vases communicants à l'échelle planétaire. Le raisonnement, dans cette logique, se décline comme suit (pardon pour le schématisme mais je manque de temps pour développer): sans
Overlord, pas de
Bagration, mais sans les précédentes offensives soviétiques, pas d'
Overlord, or lesdites offensives soviétiques doivent tout de même beaucoup à la présence des Alliés occidentaux dans la guerre, etc. (aide économique, laquelle commence en 1941 et s'intensifie dès 1942; aide en matière d'espionnage, seconds fronts constitués en Afrique du Nord, en Italie, dans l'Atlantique, dans le ciel allemand, et aussi dans le Pacifique dans la mesure où le Japon maintient sa politique de neutralité vis-à-vis de l'URSS parce qu'il doit se concentrer tout entier contre la Chine et l'Occident).
En fait, l'essentiel est ailleurs.
Bagration et
Overlord sont les deux dernières facettes, à l'été 1944, d'une seule et même réussite: celle des Alliés occidentaux (et surtout leurs chefs, Roosevelt et Churchill) et de l'URSS à maintenir, contre toute attente, contre toute logique même, un front uni contre l'Allemagne nazie dès les premières semaines de
Barbarossa.
En d'autres termes: c'est parce que l'alliance des contraires entre l'Ouest et l'Est a surmonté, non sans mal, non sans arrière-pensées, non sans cynisme aussi, ses différences qu'elle a livré contre l'Axe une stratégie complémentaire qui la mènera à la victoire. Cette alliance n'eût-elle jamais existé (et après tout, bien des dirigeants occidentaux étaient prêts à lâcher l'URSS au début de l'invasion allemande), ou eût-elle ensuite volé en éclats,
- que l'Ouest, sans l'Armée rouge pour attirer à elle le gros de la
Wehrmacht,
- et l'Est, sans les Alliés pour combler les carences de son effort de guerre et attirer à eux une partie non négligeable de la puissance militaire nazie,
s'en seraient l'un comme l'autre mordus les doigts.
Le résultat, à l'été 1944, de cette alliance, ce sont trois colossales opérations qui brisent les reins de l'Axe: Normandie, Biélorussie, Mariannes. Sans parler de Kohima-Imphal et de la chute de Rome.