Post Numéro: 5 de Pigoreau 22 Jan 2014, 16:25
Léon,
Je ne pense pas qu'il y ait de véritables révélations au sens où l'on apprendrait qu'untel était un agent du SD contrairement à ce que l'on pensait. Une grande partie des personnes dont parle Nosek sont, à ma connaisance, déjà connues pour leurs liens avec les Allemands ou leur attitude ambiguë durant l'Occupation et ont eu des ennuis plus ou moins sérieux à la Libération. Par ailleurs, il ne faut perdre de vue que Nosek peut se tromper, que des Français qui ont eu avec lui des relations, ont accepté de parler avec lui de la situation politique en France, sachant évidemment à qui ils s'adressaient, ont pu se servir de lui pour obtenir la libération de personnes arrêtées par le Sipo/SD. Il faut donc accueillir ses dires avec les précautions d'usage. Il y a un évidemment un côté "people" dans ce document et une description de la vie mondaine dans le Paris occupé, mais je ne pense pas qu'il s'agisse de l'intérêt principal du livre.
Il n'y a rien sur la politique antijuive et peu de choses sur la répression allemande pour la bonne et simple raison que Nosek est un officier de renseignement, pas un "gestapiste" façon Barbie, Dohse ou Dunker. La lutte contre la Résistance n'entre pas dans les attributions de Nosek. Il n'a d'ailleurs que peu de goût pour les tâches "policières". Il souhaite devenir diplomate après la guerre et profite de ses années à Paris pour se constituer un carnet d'adresses qui, espère-t-il, pourra lui servir une fois la paix revenue. Sa mission principale consiste à recueillir des informations sur la situation politique en France (les différentes forces, leurs relations, l'attitude du gouvernement, l'état d'esprit de l'opinion etc.) afin de permettre au SD d'avoir une vision aussi nette que possible du paysage, d'en prévoir les évolutions possibles et d'en informer les dirigeants allemands, avec l'idée de tenter d'influencer la politique étrangère du Reich à l'égard de la France. Par conséquent, Nosek n'arrête personne. Au contraire, il rend pas mal de services à des Français en délicatesse avec ses compatriotes, notamment Maurice Chevalier qui s'adresse à lui pour protéger sa maîtresse, Nita Raya, d'origine juive. Il semble qu'il faille mettre également à son crédit la libération de Tristan Bernard et de son épouse. Nosek se taille ainsi une réputation de « bon Allemand » et lorsqu'en 1945 les services spéciaux français veulent faire libérer Geneviève De Gaulle, la nièce du général, détenue au camp de concentration de Ravensbrück, c'est à Nosek qu'ils s'adressent.
Le sujet principal du livre, c'est le SD (et pas la Sipo), son histoire, ses méthodes de travail, ses efforts pour bâtir un SR qui serait le pendant de l'Abwehr dans le domaine politique, la façon dont il s'implante en France, tente d'y faire son trou, ses relations avec les autres acteurs côté allemand, notamment le duo Oberg-Knochen et l'ambassade, ses agents, ses succès et ses échecs en France ou en Afrique du Nord etc.
Pour être complet, le document est intéressant dans la mesure où il était destiné au contre-espionnage français et n'avait donc pas vocation à être publié. Nosek ne se sent pas obligé de se justifier, d'autant qu'il n'était pas considéré comme un criminel de guerre et n'avait donc rien à redouter de la justice française. Certains passages sont assez arides, notamment quand Nosek livre les organigrammes de son service, mais nous ne voulions pas faire de coupes dans le document.
Voilà, je ne suis sans doute pas un très bon vendeur mais, au moins, il n'y a pas tromperie sur la marchandise. Nous verrons comment le livre sera accueilli par ceux qui voudront bien le lire (s'il y en a !) et si ce genre de publication peut intéresser un public un peu plus large que les chercheurs qui travaillent sur la seconde Guerre Mondiale. Nous n'en savons rien dans la mesure où, sauf erreur de ma part, ce genre de document n'a jamais ou que rarement été publié en France. Cela s'est fait en Angleterre et aux Etats-Unis avec la publication des interrogatoires de Schellenberg par le contre-espionnage allié mais chez nous, je ne crois pas.