Post Numéro: 30 de Nicolas Bernard 01 Oct 2013, 17:02
Ah non, j'ai déjà donné...
En revanche, il est vrai que Sajer constitue un cas intéressant. Ce qui importe à mon sens est moins ce qu'il a vu que la manière dont il le retranscrit bien plus tard.
L'auteur du
Soldat oublié ne fait pas l'impasse sur les horreurs de la guerre, bien au contraire, mais ne peut s'empêcher de verser dans le lyrisme, de manière à donner du sens à son expérience du Front de l'Est. Ce faisant, le livre recycle les codes de la "cause perdue", avec infiniment plus de talent d'écriture que bien de ses congénères, et davantage de nihilisme aussi. Rappelons que ce courant historiographique et mémoriel consiste à dépeindre
- l'armée allemande comme une "bande de frères" non plus tant héroïques qu'humains et droits,
- et la guerre germano-soviétique comme une aventure, une épopée qui se scellera par une défaite mais non sans casser les reins des armées communistes.
De fait, Sajer véhicule la rhétorique de la camaraderie d'armes, exposant une vision presque romantique du "groupe primaire", tout en révélant plusieurs stéréotypes sur l'Union soviétique, assimilée à une nature hostile, à un peuple innombrable et presque robotisé, à des soldats parfois valeureux, oui, mais victimes d'un Haut-Commandement implacable/d'une idéologie fanatique/d'une société inhumaine.
Un Kageneck, malgré son "examen de conscience" qui l'a mené très loin, peinait lui aussi à se dégager de cette réécriture mémorielle de la guerre.
« Choisir la victime, préparer soigneusement le coup, assouvir une vengeance implacable, puis aller dormir… Il n'y a rien de plus doux au monde » (Staline).