Celui par qui Hitler a vaincu en 1940
Il valait mieux l'avoir avec soi que contre soi, et malheureusement, nous l'avons eu contre nous !
Redoutable stratège, né en 1887 dans une famille de tradition militaire, Erich von Manstein devient en effet le concepteur du plan audacieux basé sur la ruse (attirer les forces alliées en Belgique), la surprise (percer dans leur dos à travers les Ardennes) et la vitesse (le couple char-avion) qui va terrasser la France en mai-juin 1940.
Comme le rappelle l'historien militaire Pierre Servent dans ce livre abondamment illustré, Hitler se méfie cependant d'un officier trop tiède envers le nazisme, au point de négliger ses conseils, puis de le limoger fin 1944.
Analyse de L'express:
Le diabolique coup de faux par le sud, de Sedan à la Manche puis vers Dunkerque, enveloppant les troupes françaises et britanniques, c'est lui: Erich von Manstein, bâtisseur de la Reichswehr après 1918, stratège génial du IIIe Reich, conseiller d'Adenauer après guerre pour la création de la Bundeswehr. Pourtant, ce n'est pas Manstein qui est à la manoeuvre en juin 1940, mais Rommel et Guderian. Si Hitler avait été séduit par ce plan magistral, il détestait à un tel point son concepteur, officier cérébral et arrogant, qu'il avait pris soin de lui trouver une affectation en Poméranie. Loin du front. Fils et neveu de général, voire de maréchal (Hindenburg), von Manstein incarnait à la perfection ces hobereaux prussiens, ces junkers que l'Autrichien, plébéien et stratège autoproclamé, jalousait.
Maître caché du blitzkrieg en France, Manstein fut en 1942 le vainqueur solaire de la bataille de Sébastopol -citadelle jugée imprenable- et le tacticien hors pair de Kharkov et Koursk. La plus grande défaite de celui qui s'est rêvé en chef suprême de l'armée allemande fut sa mise à l'écart constante - souvent au profit de médiocres, comme Keitel- puis son éviction, souligne l'historien militaire Pierre Servent dans un portrait sensible et fort bien illustré. Le Prussien semble n'avoir jamais compris la véritable nature de Hitler et de son régime. Son goût des bonnes manières ("Je suis un gentleman", plaida-t-il un jour lors d'une discussion orageuse avec le maître du Reich) et de l'ordre lui interdirent de participer au complot des officiers, en juillet 1944. C'est le grand paradoxe de ce stratège anticonformiste: incapable de rupture par conservatisme et d'une grande cécité politique.
VON MANSTEIN, LE STRATEGE DU III° REICH
de Pierre Servent
Editions Perrin
260 pages, 21 Euros