Plus de vingt ans après la publication de son cinquième et dernier roman, Les Noyers de l'Altenburg, Malraux songe à un retour à la fiction. Nous sommes au début des années 1970, le général de Gaulle vient de mourir ; il préface un recueil posthume de poèmes de Louise de Vilmorin et entame une relation avec la jeune nièce de la poétesse, publie Les Chênes qu'on abat ; Gallimard réunit en un volume ses célèbres oraisons funèbres. Parallèlement, donc en 1971 et 1972, il se relance dans l'aventure du roman, avec pour thème la Résistance, projet qu'il abandonnera. Gallimard publie aujourd'hui les fragments et esquisses de ce roman, baptisé Non et qui compte à peine 70 pages, abondamment commentées et annotées. Alors, pourquoi cette quête de fiction?
Comme l'indique Henri Godard, «le moment où il commence à écrire est marqué par la fin d'une période d'héroïsation de la Résistance qui prévalait depuis la guerre. Cette remise en question touche Malraux personellement (...). Il souffre de voir toute l'attention portée sur la passivité des autres, au détriment des hommes du NON.»
Malraux, le résistant tardif qui s'était engagé au printemps 1944 sous le nom de «colonel Berger», avait chapitré Non en trois parties: «Paris», «Le maquis», «La marche de la brigade Alsace-Lorraine». Non, c'est également un hommage aux partisans et son «peuple d'ombres», évoqué précédemment dans un discours («Le non du maquisard obscur collé à la terre»), et à de Gaulle («Le général assumait alors le Non du premier jour»). En voici quelques extraits, dont l'ouverture, où l'on retrouve la fascination de Malraux pour le luxe et l'argent. «Jacques, agent anglais pour la rive gauche, vient chez sa tante. Espérons qu'elle est seule. Son mari possédait une écurie de courses, et l'un des hôtels de Beauharnais; elle, la salle de bains aux robinets en col de cygne de la reine Hortense. Jacques sait qu'elle a oublié sa ruine allègrement, qu'elle vit de courtage d'antiquités, et sans doute de marché noir.»
Ailleurs, on retrouve deux maquisards, dont Malraux lui-même: «Berger entre. Gardet est couché avec une fille, Colette, que Berger connaît. Tous deux sont manifestement nus, sous le drap qu'ils tirent jusqu'au menton en voyant Berger. Colette, nez en l'air, bouquetière pour bouquets en choux, n'appartient à aucun réseau.» La scène la plus aboutie reste le dialogue métaphysique entre l'ethnologue Dumouchet et le père Pierre Bockel, que Malraux avait bien connu.
À noter que des extraits de Non avaient paru en fascicule en 1971 dans une coédition Plon-Femmes d'Aujourd'hui. Sophie de Vilmorin en cite certains passages dans Aimer encore. En annexe, on trouve les principaux messages et discours de Malraux liés à la Résistance, déjà connus.
«Non»: Fragments d'un roman sur la Résistance
Broché: 144 pages
Editeur : Gallimard (12 avril 2013)
Collection : Les Cahiers de la NRF
Langue : Français
ISBN-10: 2070140555
ISBN-13: 978-2070140558
Dimensions du produit: 21 x 15 x 1 cm
Prix : 15€
Article : Thierry Clermont - Le Figaro