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le pilier de la France libre", de Michel Tirouflet

Nouveau messagePosté: 05 Avr 2013, 10:44
de fbonnus
C'est un hommage à son grand-père que l'Histoire a injustement oublié. C'est aussi - et surtout - un véritable travail de recherche et d'historien auquel Michel Tirouflet s'est livré pour retracer la vie d'André Diethelm, résistant de la première heure et ministre de la guerre à la Libération.
L'auteur, lui-même économiste et financier averti, se penche sur les travaux de "l'un de nos derniers économistes libéraux", qui seront mis en pratique lors du retour aux affaires du général de Gaulle en 1958 - quatre ans après la mort d'André Diethelm - et inspireront aussi bien le plan Pinay-Rueff de 1958 que la réforme de l'impôt sur le revenu en 1959.

"Trop de Français ignorent ce qu'ils doivent à ce taciturne artisan de notre redressement", écrivait Jacques Soustelle, premier secrétaire général du Rassemblement du peuple français (RPF), le parti gaulliste fondé en 1947.

L'INFLATION, "CETTE LÈPRE AFFREUSE"

Les années que le jeune Alsacien passera comme directeur des finances de l'Indochine française, de 1929 à 1933, ont forgé ses convictions pour la vie : l'inflation, "cette lèpre affreuse", est un mal endémique ; une monnaie doit être relativement forte pour ne pas être victime des spéculateurs et inciter les économies à faire de vrais efforts de productivité ; l'Etat ne peut se permettre de vivre au-dessus de ses moyens ; l'impôt doit être juste... Des thématiques qui restent d'actualité en ces temps de crise de la zone euro.

Le krach de 1929 - que cet inspecteur des finances normalien n'a pas, comme nombre de ses contemporains, vu venir - sera à cet égard digne d'un voyage initiatique. Il lui faudra, entre autres, affronter les grandes entreprises.

Celles qui exportent - comme le groupe de Rivaud, administrateur d'importantes sociétés de culture de caoutchouc -, et qui sont favorables à une piastre (la monnaie locale n'est pas le franc) très basse. Celles qui affirment qu'il leur est impossible de déterminer la part des bénéfices qu'elles réalisent en Indochine quand il décide d'instaurer un impôt sur les bénéfices des sociétés.

COUP DE POUCE À L'ÉCONOMIE LOCALE

Pour autant, il n'hésitera pas à donner un coup de pouce à l'économie locale - par l'intermédiaire de l'Office du riz et la mise en place d'une aide aux planteurs d'hévéas et aux riziculteurs de Cochinchine - qui, il en est convaincu, doit être indépendante de la France métropolitaine.

Il aura à coeur de ne pas augmenter les impôts en piastres des indigènes, par souci de justice mais aussi pour éviter des difficultés politiques. Il sera intraitable lorsqu'il s'agira de réduire le traitement des fonctionnaires expatriés, et ne se fera pas que des amis.

C'est auréolé de son succès en Indochine que ce "conservateur d'avant-garde", comme le qualifie son petit-fils, arrive à Londres en 1941 : il est le premier haut fonctionnaire français à rejoindre le général de Gaulle.

On imagine, à la lecture de cet ouvrage, à quel point l'homme a dû souffrir d'être mêlé à quelques mois de sa mort - sans aucune preuve, affirme Michel Tirouflet - à ce que le livre de Jacques Despuech appelle en 1953 "le trafic de piastres", un délit d'initiés avant l'heure qui a vu nombre de personnalités acheter de la devise indochinoise avant qu'elle ne soit réévaluée en décembre 1945.

André Diethelm (1896-1954), le pilier de la France libre, de Michel Tirouflet, Ed. Nicolas Chaudun, 480 pages, 34 euros.

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Article de Virginie Malingre / Le Monde