La société française a freiné Vichy dans sa politique antisémite : l'étude de jacques Sémelin le confime.
Ils étaient 330 000 en 1940, 250 000 à la veille de la Libération. Comparé aux autres pays occupés par l'Allemagne, le taux de survie des juifs en France est le plus élevé d'Europe : 75% d'entre eux ont échappé à la mort - contre 20% en Hollande et 55% en belgique. Une "énigme Française" - en est-ce vraiment une ? - que tente de percer l'historien Jacques Sémelin dans cette caste étude, qui n'est pas la première sur le sujet.
Comme l'avaient déjà montré Serge Karlsfeld et André Kaspi, la vison cauchemardesque gagnée par l'antisémitisme ne résiste pas à l'analyse. Les premières mesures antijuives n'ont pas recueilli l'approbation massive souvent décrite par les historiens à la suite de Robert O.Paxton et Michaël R.Marrus dans Vichy et les Juifs (1981).
Une sympathie discrète envers les persécutés
Dès 1940, le silence et la passivité du plus grand nombre s'accompagneront de minuscules gestes d'aide, de sympathie discrète envers les persécutés. Prélude à la ;mobilisation conjuguée de la société civile et de l'Eglise à partir de l'été 1942 : le choc suscité par les arrestations de masse va contraindre Vichy à freiner sa participation au processus génocidaire.
Réseaux d'entraide catholiques, protestants, laïques, filières d'évasion, placement des enfants en province permettent d'épargner des milliers de vies. Les juifs ont aussi pu tirer parti de la "schizophrénie administrative" de Vichy. Paradoxe d'un régime qui met sa police au service de la Gestapo pour les déporter, tout en leur versant parfois des allocations de secours. Ainsi la famille de Georges Kiejma, reçoit-elle l'aide aux réfugiés. Orphelins, Ivan Levaï et Boris Cyrulnik survivent grâce à leur prise en charge par l'assistance publique. Autre explication du taux de survie : la dispersion géographique. Des milliers de juifs migrent vers les campagnes, moins dangereuses.
Malgré des redites fastidieuses, et une thèse moins novatrice qu'il ne l'affirme, Sémelin signe une histoire sensible, à hauteur d'hommes.
Persécutions et entraides dans la France occupée
par Jacques Sémelin
Editions Arènes/Seuil
912 pages
29 Euros