Dolfi et Marilyn de François Saintonge
Broché: 288 pages
Editeur : Grasset (16 janvier 2013)
Collection : Littérature Française
Langue : Français
ISBN-10: 2246799619
ISBN-13: 978-2246799610
Dimensions du produit: 20,4 x 14,2 x 2,6 cm
Prix : 19 Euros
C'est le mystère littéraire de ce début d'année 2013. Qui est ce François Saintonge, auteur du brillant et dérangeant Dolfi et Marilyn ? Dans le Paris de 2060, un enfant de 10 ans ramène chez son père le clone d'Adolf Hitler. Une douzaine de modèles avaient été fabriqués. Tous ont disparu sauf celui-ci qui a échappé à la casse. Peut-on cohabiter avec un monstre, même si cet Hitler-là a été gelé en 1935, soit avant qu'il n'écrive, ne prononce et ne commette l'essentiel de ses délires. Les choses se compliqueront encore quand Dolfi se rapprochera dangereusement et amoureusement du clone de Marilyn Monroe. Au milieu de ce maelström émerge un milliardaire plus que centenaire qui rêve de faire ressusciter le IIIe Reich et qui verra dans ce jeune clone l'aboutissement de son sombre programme. Bref, on ne s'ennuie pas dans ce livre, même si on reste sur sa faim : quel est le vrai auteur de cette fable ? Un auteur capé et chevronné sans aucun doute tant il faut du savoir-faire pour accoucher d'un tel ouvrage. Le Point.fr lui a envoyé des questions sur son mail portant comme adresse le titre de son livre, et il nous a répondu très sérieusement...
Le Point.fr : Pourquoi avez-vous choisi l'Adolf Hitler d'avant 1935 ?
François Saintonge : Un nom aussi évocateur, aussi "chargé" que celui d'Adolf Hitler constitue à lui seul une incarnation, l'incarnation du mal. Or, un clone d'Hitler naissant aujourd'hui serait aussi innocent que tout nouveau-né. On pourrait donc imaginer de mettre en scène un tel clone à n'importe quel âge, de l'enfance à la vieillesse, et un effet de fascination/répulsion aurait toute chance de se produire. Mais pour Dolfi et Marilyn, il fallait que le mien ressemble physiquement à celui de 1923, jeune et vigoureux, en route vers le pouvoir, potentiellement menaçant, alors même qu'il n'est longtemps, dans le roman, qu'un ersatz d'homme vide d'intentions et presque de pensée : une marionnette.
Comment Hitler et Marilyn tombent-ils amoureux ?
Il n'est pas sûr qu'ils s'aiment. Marilyn dérive de protecteur en protecteur. C'est un clone de contrebande de Marilyn Monroe, elle n'a aucune existence légale. Si elle tombe entre les mains de la police, elle est vouée à la Régulation (un euphémisme, bien sûr, pour Élimination). Dolfi, clone d'Hitler prohibé, est lui aussi menacé de mort. Il se trouve qu'à un certain moment, ils n'ont plus de recours qu'en se raccrochant l'un à l'autre. L'amoureux, dans ce roman, c'est mon historien, Tycho, déchiré de savoir qu'il n'est pas épris d'un être unique au monde, mais d'un exemplaire de Marilyn.
Votre Paris de 2060 n'est esthétiquement pas très différent de celui d'aujourd'hui. Est-ce par conviction ou par paresse de description ?
Il faut un baron Haussmann pour métamorphoser une ville en quelques années. Il n'entrait pas dans mon propos d'en inventer un et j'ai tendance à penser que le Paris de 2060 est déjà sous nos yeux dans ses grandes lignes.
Quel clone auriez-vous fait entrer dans votre vie ?
Certainement pas celui d'Adolf Hitler, car il n'aurait rien à me dire, et rien de commun avec son archétype, sinon l'apparence physique ; non, décidément, pas lui ! Avec un clone de Marilyn Monroe, en revanche, je veux bien envisager la question... Dans un autre ordre d'idées, le clone d'un personnage historique étant au départ un "corps célèbre" doté d'un esprit sans passé, semblable à une feuille de papier à peu près vierge d'inscriptions, je ne détesterais pas de faire découvrir La vie antérieure à Charles Baudelaire.
Un monde de clones, est-ce un pas vers le paradis ou vers l'enfer ?
L'avenir le dira. Car, selon toute probabilité, il y aura, il y a peut-être déjà des clones humains. Puisqu'on sait cloner plantes et animaux, il est inéluctable qu'on applique ce savoir à la production d'êtres humains et que ces "produits" entrent d'une façon où d'une autre dans le processus économique. Pardon de citer François Saintonge : "Utile ou inutile, inoffensif ou dangereux, homo faber est déterminé à fabriquer tout ce qu'homo mercator pourra fourguer." J'ajouterai : et vice versa. La question clone me passionne dans la mesure où j'y vois "un cas de figure imprévu de la condition humaine".
L'un de vos héros se porte comme un charme à 130 ans. Espoir pour l'humanité ou catastrophe annoncée ?
À cet âge, il ne se porte pas si bien que ça : il se sait au bout du rouleau. Mais ce contemporain d'Adolf Hitler encore vivant en 2060 n'a pas à se plaindre : son rouleau a bien duré. Sans doute la longévité accrue de l'être humain est-elle à la fois porteuse d'espoir et de menaces. Nous vivrons plus longtemps et grouillerons plus nombreux sur une planète bientôt exiguë. En résulteront forcément des nuisances peut-être catastrophiques en effet.
Comment expliquez-vous que la refondation du nazisme soit un thème très prisé des romanciers français ?
Les douze années de son règne constituent le traumatisme central du XXe siècle, et sans doute plus encore, de l'histoire humaine dans son ensemble. Après cela, l'idée même de civilisation peut-être tenue en suspicion. "Tout ça pour ça ?" est en droit de se demander l'humanité. Aussi est-il compréhensible que les romanciers français (et aussi bien les autres) s'y intéressent. Au XXIe siècle, cette plaie-là saigne toujours.
Et vous, François Saintonge, de qui êtes-vous le clone ?
Je suis le clone d'un auteur décidé à rester dans l'ombre, et qui me délègue à sa place, qui m'envoie affronter à sa place le feu de projecteurs d'ailleurs hypothétiques - et surtout tamisés.
Pourquoi avez-vous jugé nécessaire de prendre un pseudonyme pour écrire ce texte ?
J'ai toujours pensé plus ou moins, mais ce sentiment s'est précisé et confirmé au fil des années, que la présence physique d'un auteur, contrairement aux apparences, fait écran à son oeuvre et à la perception réelle de son propos. Alors j'ai fini par choisir d'entrer en clandestinité. Cette immersion a ses limites, la preuve en est que je réponds aujourd'hui à vos questions (non sans me réserver le droit à un faux-fuyant par-ci, par-là !) Mais ce n'est plus moi, c'est Saintonge, que je regarde se débrouiller depuis les taillis où je me tiens à l'abri.
Quels indices pouvez-vous nous donner sur votre vraie identité ?
Je me garderai bien de vous en donner : pour écrire heureux, écrivons caché. "Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ? Mais je suis pour moi, qui suis-je ?" dit le Talmud.
Article paru le 07/02/2013 dans le magazine Le Point, écrit par Jérôme BÉGLÉ
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Au secours, Hitler revient !
Dans ce livre, un auteur imagine le retour du Führer... Ou plutôt de son clone...
Qu'en pensez-vous ? Cette éventualité littéraire est-ce envisageable en tenant compte des spécificités de la Folie du Führer original ?