Post Numéro: 25 de François Delpla 20 Mai 2013, 12:10
Je viens de lire une phrase qui me laisse songeur, à propos des velléités de coup d'Etat militaire contre Hitler, coupable de prendre trop de risques en programmant une offensive contre la France dans l'automne 39 :
Hitler, qui évidemment ignorait tout de ce qui se tramait, remit la date à plusieurs reprises en raison du mauvais temps, et l'offensive n'eut lieu qu'en mai 40.
C'est d'un historien estimable dans un livre qui n'est pas des pires : Charles Bloch,
Le Troisième Reich et le monde, Imprimerie nationale, 1986, p. 351.
Cet "évidemment" est une perle ! En principe, quand en histoire quelque chose est évident, on n'a pas de mal à en donner la source. Ici, rien... évidemment ! L'évidence n'est donc autre que le préjugé majoritaire, voire quasi-unanime. Ou, mieux encore, la question qu'on ne pose pas parce qu'on la suppose résolue. Mais en retournant la phrase comme une chaussette, on a des chances de tomber sur la vérité : Hitler, qui évidemment savait, au moins en gros, ce qui se tramait, remit la date à plusieurs reprises en prétextant le mauvais temps, désamorçant ainsi les velléités et habituant les généraux à préparer l'offensive en se disant qu'après tout elle n'aurait peut-être pas lieu. Puis il augmenta leur confiance par l'arrivée de nouveaux moyens et l'adoption d'un plan révolutionnaire, attribué à Manstein.
Le préjugé, derrière la phrase de Bloch, est que Hitler est dans sa bulle, pas même conscient que son projet d'une offensive à l'ouest immédiate ou quasi, asséné de but en blanc aux généraux après la victoire en Pologne, ait été provocateur. Si on délaisse cette manière de voir, on plonge tout de suite dans la question : comment se renseigne-t-il sur l'état d'esprit de l'armée ? et une interrogation sur le rôle de Canaris jaillit aussitôt.