Mistral a écrit:François Delpla a écrit:Un bel et actuel exemple de non-dépassement du fonctionnalisme est le retard des études sur le mouvement SS et ses ramifications dans l'Etat. Ainsi en va-t-il des relations entre le SD et l'Abwehr, vus comme remplissant des fonctions différentes sur des terrains identiques et par suite, irréconciliablement rivaux.
Les relations entre le SD et l'Abwehr figurent-elles au premier rang des préoccupations d'un historien à qui on a demandé de faire la biographie de Hitler ? Il me semble que ce sujet est tout à fait secondaire dans une biographie. Je comprends que la biographie de Kershaw ou celle de Fest, Toland, Steinert ne s'attarde pas sur ces aspects.
En créant ce fil, j'avais simplement espéré quelques remarques toutes simples sur les cinq ou six ouvrages mentionnés.
Je vais être sévère, mais étayer mon propos, et je souhaite qu'on le lise avant de se gendarmer.
Nous sommes ici devant une véritable déclaration de haine à la discipline historique. Aussi foncé-je dans la mêlée en défense de ma chère Clio.
L'histoire, par définition, s'intéresse au temps. Elle fait grand cas de la chronologie : non seulement de celle des événements qu'elle se donne pour objet, mais de celle des publications à leur sujet. En comparant les biographies d'un personnage, on commence par les mettre sur une échelle de temps et à regarder ce que chacune ajoute ou corrige par rapport aux précédentes. Ne serait-ce que par souci de justice : si la vision des rapports Heydrich-Canaris, longtemps regardés comme uniquement conflictuels, a été chamboulée en 2010, on ne saurait faire grief aux biographes antérieurs de Hitler d'en parler peu ou mal. Mais encore moins leur en faire compliment !!!
Quant à prétendre que cette question a peu à voir avec une biographie de Hitler, elle relève d'un faible désir de comprendre le personnage. Heydrich, on me l'accordera j'espère, est une créature de Hitler, faite pour exécuter ses volontés aussi rigoureusement que discrètement. Si ses relations avec Canaris, créature, lui, en apparence, de l'armée, vieux routier de ses services de renseignement et parvenu à leur tête en 1935, sont empreintes de méfiance, c'est là une limite extrêmement importante du pouvoir du dictateur -justifiant à elle seule quarante ans d'approche fonctionnaliste et incitant à continuer dans cette voie.
Si en revanche on parvient à montrer que tout ceci n'est que jeu de rôle et que la nomination de Canaris se fait à cause, et non en dépit, de sa vieille amitié pour Heydrich, de grands pans des biographies antérieures de Hitler sont à revoir de fond en comble.