Madame Sainclivier, professeur d’histoire à l’Université de Rennes 2, auteur d’une thèse sur la Résistance en Ille-et-Vilaine est certainement plus qualifiée que moi pour parler du livre de Françoise Morvan. En voici quelques extraits :
« Faire le compte rendu de cet ouvrage, c’est pratiquement rendre compte de deux ouvrages en un ou en tout cas de deux approches non compatibles. En effet, il mêle l’analyse et la confrontation de documents pour établir des faits, d’une part, et, d’autre part, l’implication personnelle de l’auteur et surtout l’engagement dans une « croisade » contre tout ce qui de près ou de loin relève de l’autonomisme breton, le tout sur fond d’un air connu : les « historiens » (catégorie non délimitée) ne font rien, n’ont pas fait leur travail, etc. On retrouve aussi dans cette seconde approche, la confusion entre histoire et devoir de mémoire, digne sans doute de certains médias, mais pas d’un ouvrage d’histoire. Si l’enquête historique et l’engagement idéologique, l’indignation de la citoyenne sont en soi fort honorables, le mélange des genres nuit aux deux et c’est regrettable (…) Dans la conclusion comme c’était le cas dans l’introduction mais plus fortement ici, elle considère que tous ceux qui ont écrit avant elle étaient des autonomistes (dont Michel Denis !) donc suspects. C’est évidemment aller vite en besogne, ne pas faire la distinction entre les témoins (Le Boterf, par exemple) et des historiens de métier qui pour la plupart ont écrit sur cette période à un moment où les archives étaient à peine entrouvertes (…) En définitive, si l’analyse de cet « épisode de la Résistance en Centre-Bretagne » s’appuie sur des sources contemporaines des faits ou à peine postérieures, on peut regretter que la critique n’en soit pas faite (…) Au total, une enquête qui s’efforce d’éclairer un point de l’histoire de cette période en Bretagne, mais entachée par des règlements de compte qui n’ont pas leur place dans un travail qui prétend relever de l’histoire. Cela va finalement à l’encontre de ce qu’elle souhaite elle-même dans sa conclusion. »
Françoise Morvan veut à tout prix nous convaincre que le Bezen Perrot était présent à Bourbriac. En soi cela n’aurait rien d’étonnant, sauf que le récit de Guillaume Le Bris n’est guère convaincant et que les preuves font défaut. Qu’à cela ne tienne, p133, l’auteur est formelle : « Enfin, un autre élément prouvant que le groupe Chevillotte se trouvait à Bourbriac est apporté par le dossier Jarnouen : interrogés à son sujet, son oncle et sa sœur, sans s’être consultés, indiquent qu’il a écrit de Bourbriac en juillet (213W38). Cependant, le juge n’a fait aucune enquête à ce sujet…. »
François Jarnouen, né en 1921, alias « Moreau » au Bezen Perrot est alors en fuite en Allemagne et reviendra en France le 6 mai 1945. Cherchant à le localiser, les policiers interrogent son oncle Eugène Jarnouen le 24 octobre 1944 : « Je n’ai pas eu de nouvelles de ce dernier depuis la première quinzaine de juillet 1944 d’où il m’avait écrit de Bourbriac ou Loudéac, car je n’ai pu relever l’adresse exacte sur le tampon de la poste. » Françoise Morvan n’a donc retenu de cette déposition que ce qui allait dans le sens de sa démonstration. Ce que dit Jarnouen est pourtant vrai, les deux seules lettres encore visibles sur le tampon de la poste sont les lettres AC et Côtes-du-Nord. Cette enveloppe a donc pu être postée de Bourbriac, Loudéac ou, ce qui est tout a fait plausible, Callac.
Là encore, Françoise Morvan est catégorique : « Un rapport de police daté du 23 mai 1949 indique que le groupe de combat du colonel Bartell se trouvait à Callac (…) Ce rapport, clair et précis, comporte néanmoins une erreur : c’est à Bourbriac et non à Callac que cantonnaient Bartell et Roeder. Toute la suite du rapport prouve que ce commissaire a confondu les deux villes. »
Un policier qui confond Callac et Bourbriac, pourquoi pas. Pourtant, dans le journal de guerre de l’Etat- major du 25ème Corps d’Armée, général Fahrmbacher, basé à Pontivy au moment du débarquement, le colonel Brand écrit : « Note du 26 juin 1944. L’État-major règle la prise en charge du secteur de Guémené par la 265ème Division de chasseurs. Le groupe Bartel engagé jusqu’ici (Mil. Bef.) est déplacé sur la zone de Callal (voir F.1 – 25ème Corps d’armée. 3ème Bureau 2239/44 secret).
Toujours péremptoire, p 57, Françoise Morvan affirme que Mireille Chrisostome a été arrêtée le 3 juillet 1944 à Saint-Gilles-Pligeaux. Ce qui n’est l’avis de Charles Chrisostome : « Ma fille était partie le 10 juillet au matin pour porter un pli à Saint-Nicolas-Du-Pélem. J’ai eu sa trace à Saint-Brandan dans la nuit du 10 au 11. Je suis à peu près certain qu’elle a été prise dans une rafle le 11 à Saint-Nicolas-Du-Pélem où des miliciens avaient opéré ce jour-là une vaste opération. » Qui des deux dit vrai ?
Etrangement, ce même 10 juillet, des membres du Bezen se présentent au domicile de Charles Chrisostome.