Post Numéro: 9 de mescal 23 Aoû 2009, 18:18
On va essayer, mais le bouquin est très riche (il n'y a guère de paragraphes qui ne soit remarquablement intéressant), donc va falloir partir pour un résumé relativement long.
Les auteurs s'attachent à donner un point de vue japonais, ce qui fait que le bouquin n'est pas centré sur la vision US des choses. Rien qu'en cela, il change pas mal de la littérature classique sur le sujet.
De plus, ils montrent qu'il y a un grand nombre de "faits établis" qui ne sont rien d'autre que des mythes, qui sont constamment rabachés mais faux, par ex. le fait que la victoire ait été un "miracle".
La bataille de Midway a été mal planifié et mal conduite par les japonais, pendant que les Américains, malgré des déficiences tactiques certaines, offraient une bonne prestation globale.
Petit résumé du bouquin :
Il faut repartir de mars 1942. A ce moment, les japonais ont atteint ou sont sur le point d'atteindre tous les objectifs stratégique initiaux du début de la guerre et la planification stratégique doit établir la suite des événements. Or il y a de profondes discordes entre l'Armée et la Marine, et à l'intérieur de la Marine entre l'Etat Major General (Nagano) et la Flotte Combinée (Yamamoto). L'armée ne veut pas être distraite de la Chine (donc pas fournir de troupes), Nagano veut une opération vers les Fidji-Samoa pour isoler l'Australie, ainsi qu'une occupation des Aléoutiennes. Yamamoto, lui, veut provoquer une réaction des US pour livrer une bataille décisive dans le Pacifique central. L'objectif étant de couler les porte-avions US. De nombreuses 'batailles d'état-major' ont lieu, mais le 16 avril, Yamamoto a gagné, bien qu'il ait du céder sur deux points important : mise à disposition de la CarDiv5 (Shokaku et Zuikaku) pour l'operation MO début mai, et l'adjonction des Aleoutiennes dans le schéma général de Midway. Deux jours plus tard, Doolittle validera définitivement cette victoire politique de Yamamoto -- l'extermination des porte-avions US devenait une priorité absolue.
L'objectif de Yamamoto est de prendre l'atoll de Midway (à 1300 milles de Hawai) pour forcer les Américains à sortir leurs porte-avions de Pearl Harbor et pouvoir les couler lors d'une bataille décisive. Cependant il faut noter que Midway en soi a peu de valeur pour les japonais et que rien, dans l'absolu, n'obligeait les Americains à répondre immédiatement.
De plus, la plan de l'opération est mauvais (pour ne pas dire pire). Il est en effet fondé sur l'hypothèse que les Américains ne voudront pas livrer bataille et qu'il faut donc les "appater" -- Yamamoto projette sa façon de penser sur le commandement ennemi, péché capital s'il en est!. Cette hypothèse va donner lieu à un plan d'opération horriblement compliqué avec d'innombrables groupes de navires, dont les compositions vont évoluer au cours du temps. Et arriver à cette aberration : sur les 250 navires à la mer, seulement 22 vont se trouver impliqués directement dans le combat, sans que les autres puissent lui preter secours.
En effet, Yamamoto ne voulait pas que ses groupes de cuirassés entrent dans le rayon des patrouilles US avant que la flotte US ne soit sortie de Pearl Harbor, et sont donc positionnés 600 milles derrière les porte-avions de Nagumo.
Les concessions faites pour forcer la décision de livrer bataille vont également peser très lourd. L'opération AL (Aléoutienne) ne sert à rien, sinon distraire des forces utiles ailleurs. Elle n'est meme pas concue comme une diversion (ben oui, si l'objectif est une bataille autour de Midway, il ne faut pas que l'US Navy aille se balader dans le grand Nord ... et de toute facon, les timing rendent l'idée de la diversion absurde), juste comme un moyen commode d'occuper quelques iles pendant que l'US Navy aura fort à faire ailleurs.
D'autre part, lors de MO, les porte-avions Shokaku et Zuikaku auront affaire à plus forte partie que prévue, et le Shokaku sera endommagé et le Zuikaku perdra tant d'avions qu'il ne sera pas non plus opérationnel pour Midway. Cette opération secondaire enlevait donc à Nagumo un tiers de sa force de frappe pour l'opération principale.
Une analyse des auteurs montre à ce point que contrairement à ce qu'on a souvent vu, ce n'était pas la qualité des porte-avions et des aviateurs nippons qui avaient fait la différence mais leur quantité. Ils gagnaient car aucune autre marine ne pouvait faire face à SIX porte avions agissant ensemble. Maintenant il n'étaient plus que quatre pour la grande affaire. De plus, leur groupes aériens avaient déjà profondément soufferts, que ce soit de l'ennemi ou de la simple attrition mécanique (environ 15% d'avions de moins qu'en décembre à Pearl Harbor).
Enfin, rien n'était prévu dans le plan pour savoir que faire si les circonstances réelles s'écartaient du 'script', les wargames servant généralement à définir cela ayant ostensiblement été sabotés (arbitres changeant les règles au vol, navires 'coulés' qui réapparaissent).
Or il y avait déja un hic : Nagumo était parti avec 24h de retard, mais les autres groupes avaient suivi le planning initial, car Yamamoto exigeait un débraquement le 06 juin. Ainsi, relativement aux porte-avions, le groupe de débarquement avait un jour d'avance ... et il fut découvert par un PBY l'après-midi du 03, avant que Nagumo ne soit à portée. Il devenait clair que "l'attaque surprise" des aérodromes et autres facilités de Midway risquait de ne pas être tant une surprise que cela pour les Américains.
Le 3 juin au soir, donc, Nagumo et ses quatre porte-avions, deux cuirassés rapides, deux croiseurs lourds, un croiseur légér et onze destroyers fait route au Sud-Est à vingt-quatre noeuds. Le lendemain à 4h30, il lancera une première vague contre Midway ... ensuite il faudra improviser en fonction des circonstances.
(suite au prochain épisode)