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"Liquider les traîtres, la face cachée du PCF, 1941-194

Nouveau messagePosté: 20 Oct 2007, 19:29
de Tom
Qui a lu cet ouvrage paru récemment ?

Liquider les traîtres. La face cachée du PCF, 1941-1943 de J.-M. Berlière et F. Liaigre, Robert Laffont, 2007

Nouveau messagePosté: 21 Oct 2007, 00:53
de Nicolas Bernard

Nouveau messagePosté: 21 Oct 2007, 08:22
de hilarion
quelle analyse tirez vous de ce livre svp

Nouveau messagePosté: 21 Oct 2007, 08:40
de Pacificelectric
Il faut cliquer sur "moi", c'est un lien......

Nouveau messagePosté: 21 Oct 2007, 13:12
de Tom
Je ne comprends rien : j'ai cliqué sur moi et je suis tombé sur... toi, Nicolas ! :shock: Faute à la main-d'oeuvre immigrée ? ;)

Cela dit, critique intéressante. Quelques questions tout de même :

1) En ce qui concerne la stratégie manifeste du PCF visant à accentuer la spirale attentats-représailles, M. Berlière et F. Liaigre sont-ils les seuls historiens à "préférer la thèse d’une manipulation politique [des] dirigeants du Parti" ?

2) D'après toi, "l’orientation anticommuniste des deux historiens est évidente". Faut-il donc être militant ou sympathisant pour faire une histoire "sereine" du PCF ou de la NSDAP ?

3) Il est vrai que "d’autres composantes politiques de l’Armée des Ombres" ont été amenées à préconiser l'"action immédiate" chère au PCF, mais n'était-ce justement pas pour éviter que ce dernier (qui cherchait déjà à noyauter les instances de la Résistance intérieure) ne "se [retrouve] en position de force" après la Libération ?

4) Certes, les témoignages doivent conserver une place importante dans le travail historique, mais est-il si déraisonnable de contester "une «histoire officielle» (communiste ?) [en fait, principalement gaullo-communiste], «mythifiée», de la Résistance" ?

Revue Esprit, n° 1, janvier 1994, page 47, "Historiens sous haute surveillance", P. Laborie écrit : [...] le rôle de l'historien n'est pas seulement de distinguer la mémoire de l'histoire, de séparer le vrai du faux, mais de faire de cette mémoire un objet d'histoire, de s'interroger sur l'usage éventuel du faux comme vrai et sur le sens que les acteurs veulent ainsi donner à leur passé [...], de poser à ce passé toutes les questions du présent. [...]

Nouveau messagePosté: 21 Oct 2007, 13:47
de Nicolas Bernard
Tom a écrit:Cela dit, critique intéressante. Quelques questions tout de même :

1) En ce qui concerne la stratégie manifeste du PCF visant à accentuer la spirale attentats-représailles, M. Berlière et F. Liaigre sont-ils les seuls historiens à "préférer la thèse d’une manipulation politique [des] dirigeants du Parti" ?

Non - Stéphane Courtois défend également l'idée. Mais disons que je serai davantage nuancé. D'abord parce que ces rapports de force politique influaient sur la stratégie des réseaux non-communistes, également. Ensuite parce qu'il est indéniable que la pratique des attentats visait également à préparer les militants-combattants à la grande castagne que serait la Libération - soit que ladite Libération débouchât sur une guerre civile, soit qu'on se limitât à cogner le "Boche".

A titre d'exemple, MM. Berlière & Liaigre citent sans commentaire les mémoires du colonel Passy (me semble-t-il, je n'ai pas le livre sous les yeux) faisant preuve de stupéfaction accablée devant l'exposé, par un dirigeant communiste, des exploits de ses hommes : un kiosque à journaux détruit, un trouffion allemand tué... Certes, ces coups de main ne pesaient pas lourd mais, et comme Gilles Perrault l'avait fort bien expliqué dans La longue traque (J.-.C. Lattès, 1975), ils n'en étaient pas moins de nature à améliorer l'expérience de ces combattants de l'ombre, en tout cas bien mieux que chez leurs confrères non-communistes, lesquels, pour leur part, attendaient la Libération pour passer à l'action violente (je résume).

2) D'après toi, "l’orientation anticommuniste des deux historiens est évidente". Faut-il donc être militant ou sympathisant pour faire une histoire "sereine" du PCF ou de la NSDAP ?


Pas vraiment, mais il n'est pas davantage recommandé d'écrire l'Histoire en fonction de ses préjugés politiques. Tout simplement parce que l'analyse en ressort viciée. L'historiographie des communismes et des nazismes a malheureusement souffert de ces préjugés, qu'ils soient pro- ou anti-, ce qui a abouti à de regrettables dérives : s'agissant du IIIe Reich notamment, des historiens ont été jusqu'à ôter toute culpabilité à Hitler pour mieux accabler les Allemands ordinaires !

L'anticommunisme est certes une opinion salutaire, mais elle ne doit demeurer que dans le domaine de la politique, pas de l'Histoire. A défaut, l'on aboutit à des études militantes qui obscurcissent le débat au lieu de le clarifier.

A titre d'illustration, j'ai achevé deux semaines auparavant l'excellente biographie que Philip Short consacre au sanguinaire Pol Pot. Que révèle ce travail ? Que Pol était cambodgien avant d'être communiste, que sa connaissance de l'idéologie marxiste était très réduite (il s'était arrêté aux écrits de Kropotkine et Staline), et que ses projets de société, certes influencés par le maoïsme, s'inspiraient également, voire surtout, des perversions de la mentalité locale. Or, notre imaginaire occidental se plaît à fustiger le "communiste" Pol Pot, et des historiens très sérieux voient chez lui un grand admirateur de Marx et Lénine !

Malheureusement, l'analyse de MM. Berlière & Liaigre reste soumise à ce type de préjugés. Ces deux auteurs vont jusqu'à prendre la défense de types aussi discrédités que Thierry Wolton (l'homme qui accusait Jean Moulin d'être un agent de Staline), Gérard Chauvy (l'homme qui accusait Raymond Aubrac d'être un agent de Hitler) et Jacques Baynac (impossible de recenser la totalité de ses âneries ici) pour mieux imposer leurs vues ! Bref, l'histoire sereine du P.C.F. d'une part, de la Résistance d'autre part, reste encore à faire.

A titre personnel : non, ceux qui me connaissent savent très bien ce que je pense du marxisme... :mrgreen:


3) Il est vrai que "d’autres composantes politiques de l’Armée des Ombres" ont été amenées à préconiser l'"action immédiate" chère au PCF, mais n'était-ce justement pas pour éviter que ce dernier (qui cherchait déjà à noyauter les instances de la Résistance intérieure) ne "se [retrouve] en position de force" après la Libération ?


Entre autres considérations. Mais chaque tendance politique militait également pour son projet de société, d'où la difficulté d'unifier les mouvements autour de De Gaulle.


4) Certes, les témoignages doivent conserver une place importante dans le travail historique, mais est-il si déraisonnable de contester "une «histoire officielle» (communiste ?) [en fait, principalement gaullo-communiste], «mythifiée», de la Résistance" ?


N'est contestable que ce qui existe. Il n'existe en France aucune vérité officielle, a fortiori de la Résistance. Cette dernière fait l'objet d'une histoire en perpétuelle évolution - voir l'ouvrage de Laurent Douzou dont je livre les références.

Prétendre qu'une "histoire officielle" (donc gaullo-communiste) de la Résistance existe ou a existé, c'est faire injure aux travaux d'anciens historiens reconnus tels que le regretté Henri Michel, qu'il faudrait relire - et qui se trouvait notamment être en avance sur Paxton s'agissant de l'analyse du régime de Vichy.


Revue Esprit, n° 1, janvier 1994, page 47, "Historiens sous haute surveillance", P. Laborie écrit : [...] le rôle de l'historien n'est pas seulement de distinguer la mémoire de l'histoire, de séparer le vrai du faux, mais de faire de cette mémoire un objet d'histoire, de s'interroger sur l'usage éventuel du faux comme vrai et sur le sens que les acteurs veulent ainsi donner à leur passé [...], de poser à ce passé toutes les questions du présent. [...]


Tout à fait d'accord. C'est bien pourquoi il convient de combattre avec la dernière énergie certaines thèses manifestement erronées et dangereuses de ce fait, et par ce qu'elles impliquent.