Je ne résiste pas à la tentation de vous citer un extrait du livre de Norbert et Stephan LEBERT "Parce que tu portes mon nom - enfants de dirigeants nazis, ils témoignent" (Ed. Plon) p.150-151
En 1959, Norbert Lebert, journaliste allemand, recueille les témoignages des enfants de Bormann, Hess, Himmler, Göring, von Schirach...
40 ans après, son fils Stephan refait le même chemin et revoit ces hommes et ces femmes qui ont vieilli, mais qui n'ont pas changé.
Aux interviews réalisées par son père, il rajoute les nouvelles rencontres et ses impressions personnelles (dont beaucoup sur la quête de son propre père, ce qui le rapproches des sujets de son étude).
"Mon père était tout près d'avoir une biographie de criminel nazi. Il racontait souvent comment, membre enthousiaste des Jeunesses hitlériennes, il fixait des petits drapeaux sur une carte du monde, marquant les nombreux pays que Hitler avait attaqué avec succès, au début de la guerre. Pour lui, l'effondrement de l'Allemagne nazie était une catastrophe, il ne vécut pas l'arrivée des Alliés comme une libération, mais comme une grande défaite. Il racontait qu'il n'avait que du mépris pour les gens qui se mettaient au bord des rues pour saluer les Américains. Pour lui, c'étaient des traîtres.
A la fin de la guerre, mon père avait quinze ans, et il faut dire à sa décharge qu'il n'était qu'un enfant. C'est ainsi qu'il le voyait lui-même : "J'avais la chance de ne pas avoir été plus âgé, cela m'a préservé d'un destin horrible." Il ne voulait pas seulement parler de la guerre qui lui a été épargnée mais, surtout, de la possibilité de devenir un dirigeant nazi, avec toutes les conséquences que cela aurait impliqué.
"Mon Dieu, quelle sorte d'homme serais-je devenu si les Allemands n'avaient pas perdu la guerre ?" Peut-être un chef de disctrict du nom de Norbert Lebert, quelque part dans le grand Reich national-socialiste.
Pour lui, il n'y avait pas de doute : "Vu mon enthousiasme sans réserve, à l'époque, il n'y avait aucune raison de penser que j'aurais évolué autrement".
Jusqu'à sa mort, ce constat l'a marqué et tourmenté : on ne peut pas se faire confiance, on est capable de toutes sortes de choses, dont les pires, si les circonstances extérieures y sont favorables. Or, ce bouleversement qui allait marquer toute sa vie ne venait pas de ce qu'il se considérait comme quelqu'un qui aurait été corrompu. Il savait une chose : qu'il faut bien se garder d'attribuer à ses propres conceptions morales une valeur universelle."