ClaudeJ a écrit:Les témoignages que j'ai lus de leur engagement dans les Ardennes réitèrent que là aussi, les chars lourds "étaient mal employés dans terrains inadaptés", et mal ravitaillés.
Ils n'étaient pas "mal employés" mais, effectivement, n'étaient pas adaptés au terrain. Ces bestiaux avaient été conçus pour les grands espaces dégagés du Front Est, où les Tiger II pouvaient allumer n'importe quel blindé adverse en service à 2500 m.
Sur le front Ouest, dans le meilleur des cas, la distance d'engagement était de l'ordre de 800-1000 m - En Normandie, dans le bocage, 400 m, c'était le pied! -. Même les Panther, dans une certaine mesure, ne parvenaient pas à exploiter pleinement les performances de leur canon (7,5 cm KwK 42 L/70)!
Max a évoqué, avec justesse, la diminution du temps d'instruction et de formation du personnel; cette situation était la même pour les conducteurs, les canonniers ou les chefs de char. L'expérience du combat était un paramètre très important, mais le conflit avait sérieusement élagué les rangs des "moustachus" de la Panzerwaffe. Le "désastre" des Panzer-Brigaden, engagées à l'automne 1944, avait été l'occasion d'un monumental coup de gueule de son état-major, qui ne s'était pas gêné pour mettre en accusation, sans détour, une formation totalement bâclée et inachevée qui avait expédié au casse-pipe du personnel inexpérimenté, de surcroit, insuffisamment formé.
Ce problème d'expérience ne datait pas de 1944, car il avait déjà été constaté, en 1943, par exemple, avec les s. Heeres.Pz.Jg. Abteilungen, équipées de Ferdinand. L'essentiel des équipages et l'encadrement de la 653, issus de la Sturmartillerie, était formé à l'emploi des canons d'assaut, alors que, à la 654, le personnel était constitué de tankistes, habitués aux chars à tourelle. Il ne fallait pas être grand devin pour en connaitre le résultat, car, à la fin de l'opération Zitadelle, la 654 s'était faite laminer. On aura, plus tard, une situation similaire avec la 653, dotée de Ja-Ti, mais dont le personnel et l'encadrement, comme, déjà dit, étaient issus de la Sturmartillerie, et la 512, qui, elle, avait été constituée, début 1945, de personnels de la Panzerwaffe, balancés d'office de leurs Tigrounets à tourelle sur les Ja-Ti à casemate. Otto Carius, lui-même, bombardé Kompanieführer à la 512, avait sérieusement râlé sur la situation existante du manque d'expérience patent de ses équipages, qui n'avaient pas l'habitude d'opérer avec ce genre de matos!
Derrière çà, on retrouve qui ?... Guderian, alors, Big Boss de la Panzertruppe (In 6), qui avait fait des pieds et des mains pour que les Ferdinand soient versés dans la Panzerwaffe ; entre parenthèses, depuis 1938, il avait été un adversaire déclaré du canon d'assaut, qu'il considérait comme une dépense "inutile" portant préjudice à la production de chars à tourelle.
Il existera, malheureusement,jusqu'à la fin du conflit, au plus haut niveau du commandement allemand, une rivalité "de couloir" permanente entre la Sturmartillerie (In 4) et la Panzerwaffe (In 6). L'évolution des tactiques d'engagement des canons d'assaut, Stug. III, StuG. IV, Ferdinand/Elefant, Jagpanther, Jagdpanzer 38, Ja-Ti attribués à la Panzerwaffe, restera, jusqu'à la fin du conflit, à la remorque de celles développées par la Sturmartillerie, avec un décalage constant de l'ordre d'un bon semestre!
Certes, ce conflit intestin n'est pas seul en cause en 1944-1945, mais il explique, partiellement, certaines situations. Contrairement à la Panzerwaffe, le recrutement de la Sturmartillerie, jusqu'à la fin du conflit, avait été uniquement placé sur celui du volontariat, soit direct, soit par demande de transfert de l'intéressé.
Par ailleurs, entre janvier 1944 et février 1945, la production de Panzer (Panzer IV+ Panther+ Tiger = 10140) n'avait guère plus importante que celle des canons d'assaut ( StuG. III/IV + StuH + Jg.Pz.38 = 8985) - chiffres établis par le Generalinspekteur der Panzertruppen, le 20 mai 1945, pour les services alliés. Sauf que, par exemple, en Normandie, les unités de StuGe, de la Sturmartillerie étaient peu nombreuses, idem dans les Ardennes, car le gros de ses formations était resté engagé sur le Front Est, face à l'Armée Rouge.
Dans cette histoire, on retrouve la rivalité "historique" entre une vieille arme, l'Artillerie, et une, d'essence nouvelle, les "Blindés", une situation qui avait, aussi, existé dans d'autres armées. Je rappelle juste que, en France, durant la Der des Ders, l'artillerie d'assaut, appartenait à l'Artillerie, et que, après-guerre, la Cavalerie avait sué sang et eau pour, enfin, se faire attribuer des chars "spécifiques", tel que le Somua S-35!
J'ai bien d'autres questions, notamment sur la conscience du "'pourquoi on se bat"
La question parait logique, de nos jours, après 75 ans interrompus de paix européenne, mais, au sein des unités aussi bien allemandes que alliées, l'esprit de corps, paramètre très important, et le principe de base "
[i]Tu es gentil , Coco, avec tes questions "métaphysique" sur la raison d'être de "notre" combat, mais tu es là pour sauver la vie de tes camarades et, dans la foulée, la tienne![/i]". C'est un vieil ami, ancien "Malgré-Nous" alsacien, incorporé dans la DR, qui avait combattu en Normandie, avant d'y être fait prisonnier, qui s'était efforcé de m'expliquer l'ambiance qui régnait, alors, au sein des unités de la Wehrmacht, y compris de la Waffen-SS.
Globalement, au sein de l'unité, on se foutait royalement de l'origine de la recrue (allemande ou territoire annexé), mais, par contre, à l'instar de ses camarades, il était, tacitement, prié de faire le nécessaire pour "sauver le cul" à tous et, par voie de conséquence, si possible, à lui-même! L'esprit de corps, soigneusement entretenu, depuis deux siècles et instauré depuis le "Roi-Sergent" de Prusse, deux siècles plus tôt, avait été un facteur très important au sein de l'armée allemande. Cet esprit de corps n'était pas, alors, aussi courant dans l'armée française, sauf en conditions de combat.