Post Numéro: 7 de François Delpla 27 Fév 2021, 19:49
Hélas, quand Kersaudy écrit sur Kersten, comme naguère sur Canaris, c'est avec des préoccupations de moraliste plus que d'historien. Il fait de ces hommes des Daniel dans la fosse aux lions, côtoyant le mal sans en être le moins du monde infectés. De même qu'il fait de la plupart des dirigeants nazis des arrivistes bas de plafond passant leur temps à se faire des croche-pattes. On sourit même franchement quand on lit, dans cette litanie de traits péjoratifs, que Heydrich, dont la voix haut perchée surprenait chez un homme autoritaire et athlétique, qu'il avait "la voix d'une jeune fille prépubère", celle des femmes n'étant pas censée muer à la puberté (p. 96).
Il n'y a hélas pas d'index pour vérifier mais j'ai constaté que Hitler était à peine nommé, et plus rarement encore présenté en pleine action. Or il recevait Himmler plusieurs fois par semaine... et ils auraient parlé de tout, sauf des sauvetages demandés par Kersten ? ... et des gains que pouvait en attendre le régime, qui surpassaient sans doute le soulagement de l'abdomen de son chef policier ?
En fait, Hitler multipliait les contacts avec ses ennemis en pays neutres, les SS étaient pour cela un levier important (mais non unique) et Kersten était probablement pour lui un précieux go between. Mais pour explorer cette piste, il faudrait d'autres archives que les éditions successives des mémoires de Kersten que Kersaudy mentionne dans sa très brève page de sources.
Le style est toujours entraînant et le récit captivant, mais l'analyse historique est trop souvent superficielle.