Voici ce que je viens de trouver sur "ECRAN" journal spécialisé cinéma comme son nom l' indique.
« The War », le point de vue des vétérans
par Edouard Waintrop
jeudi 17 mai 2007
tags : documentaires, histoire
DR
Ce n’est pas la première fois que le Festival de Cannes sélectionne (cette fois-ci hors compétition) un documentaire mais jamais il n’en avait choisi un qui dure quatorze heures ! En fait, The War n’est pas un film mais sept épisodes d’un feuilleton sur la Seconde Guerre mondiale, produits par PBS (Public Broadcasting System), le réseau des télévisions publiques américaines. Addition intelligente d’interviews, de photos, d’extraits d’actualités, de reportages, The War est signé par le spécialiste du genre, Ken Burns (avec Lynn Novick). De ce réalisateur peu connu chez nous et star dans son secteur aux Etats-Unis, Stephen Ambrose, le biographe d’Eisenhower et de Nixon, disait : « Les Américains connaissent plus leur histoire grâce aux films de Ken Burns que par une quelconque autre source. »
C’est en découvrant un sondage, qui révélait que 40 % des concitoyens d’Eisenhower et Patton croyaient que la Seconde Guerre mondiale les avait opposés aux Russes, que Burns a eu l’idée de faire ce film. Juste après avoir gagné ses galons avec son opus sur la guerre de Sécession (The Civil War, 1990). Il attendit encore dix ans. Entre-temps, il captiva le public cultivé de PBS avec des sagas comme The Rise and Fall of Jack Johnson sur la vie du premier champion noir-américain des poids lourds, une histoire du jazz, une autre du base-ball... Puis il se lança dans ce travail de titan.
Burns a choisi quatre villes emblématiques de l’Amérique profonde : Waterbury, sur la côte Est du Connecticut, où se sont enracinées des émigrations italienne et juive ; Mobile, en Alabama, dans ce Sud où l’esclavagisme a engendré un racisme anti-Noirs virulent et où fonctionnaient d’importants chantiers navals ; Luverne, dans le Minnesota, un bourg du Middle West ; enfin, Sacramento, la capitale administrative de la Californie. Il y a trouvé des documents et surtout des gens encore en vie pour raconter leur expérience sur le front européen ou dans le Pacifique, ou à l’arrière, dans l’attente angoissée du retour d’un proche. Parmi ces interlocuteurs, qui n’auraient sans ce film laissé aucune trace dans l’histoire, certains ont émergé, au fil de leur récit, comme d’authentiques personnages.
Sur cette guerre, peu de choses nous sont tues (1). Evidemment, on y trouve les actes d’héroïsme d’hommes ordinaires arrachés à une existence tranquille par l’agression japonaise contre Pearl Harbour en décembre 1941, les souffrances des boys en Afrique du Nord, dans les Ardennes, à Saipan ou Okinawa. Mais on y écoute aussi les récits des vexations subies par les Nippo-Américains relégués dans des camps de concentration, des actes de racisme endurés par les Noirs jusque dans l’armée. N’y manquent même pas les exemples de la connerie meurtrière d’officiers supérieurs.
Ce que l’on garde en mémoire, une fois le film terminé, c’est Quentin Aaneson, pilote originaire de Luverne, évoquant son écoeurement face à certaines missions ; Olga Ciarlo, de Waterbury, se souvenant de l’annonce de la mort de son frère en Italie, terre de ses ancêtres. C’est aussi Walter Rushton expliquant qu’un coiffeur de la Marine refusa de lui couper les cheveux parce qu’il était noir. Et Paul Fussell, à l’époque fantassin et sudiste pur et dur, étouffant un sanglot en pensant à sa découverte des camps nazis. Ces émotions, et celles qu’engendre le dernier épisode, le plus beau, font oublier un démarrage poussif, l’abus de certains trucs pour animer des documents jugés trop bruts pour les laisser tels quels.
(1) Des associations hispano-américaines estiment que leur communauté n’est pas représentée, mais c’est confondre un film avec un catalogue exhaustif.
CRITIQUE
La note evene : 5/5
“Dans un grain de sable voir un monde" : cette citation de William Blake illustre parfaitement le documentaire de Ken Burns ; quatre petites villes des Etats-Unis, représentatives de la population américaine, quatre visages différents d'un même conflit. Ou comment mêler destins personnels et grande Histoire.
'The War' est un vibrant plaidoyer pour la paix ; Ken Burns mélange efficacement images d'archives et témoignages des boys et de leurs proches pour nous plonger dans la Seconde Guerre mondiale telle qu'elle a été vécue par les Américains. Une vision quasi-inédite pour nous autres Européens, il faut bien l'avouer !
Car pour les Américains, le conflit s'est longtemps résumé à la Guerre du Pacifique contre le Japon. Le traumatisme violent de Pearl Harbor évoque immanquablement l'onde de choc du 11 Septembre, tout comme la propagande intense à destination de la population US sur le thème "les bons contre les méchants". Autre point commun avec la guerre en Irak : les Etats-Unis ne s'attendaient pas à un conflit si long et difficile...
'The War' tire sa force des témoignages des anciens combattants, pour la plupart à peine sortis de l'adolescence lorsqu'ils se sont engagés, totalement inconscients de ce qui les attendait...L'émotion et les larmes de ces hommes lorsqu'ils parlent du conflit soixante ans après sont plus efficaces que n'importe quel discours, et soulignent l'absurdité de la guerre. Les images d'archives, tournées par les boys eux-mêmes, sont souvent difficiles à supporter, choquantes. Les corps figés dans la boue, des hommes blessés et mutilés, voilà ce qu'est la guerre. Bien loin des images aseptisées que l’on nous montre aujourd'hui...
Avec 'The War', Ken Burns livre un documentaire efficace et complet, sobre et réaliste qui frappe les esprits et les coeurs. Une piqûre de rappel indispensable et émouvante.
allez