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L'invasion du Japon-

Moins connue que les batailles du front Européen, la guerre du Pacifique n'en reste pas moins tout autant meurtrière et décisive dans la fin de la seconde guerre mondiale.
MODERATEUR ; alfa1965

Re: L'invasion du Japon-

Nouveau message Post Numéro: 21  Nouveau message de Brimont  Nouveau message 04 Aoû 2017, 18:30

Le choix d’Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août 1945

Dans deux jours sera commémoré le bombardement d’Hiroshima du 06 août 1945 : on peut s’attendre aux discours convenus d’usage et, de la part des autorités japonaises, à une nouvelle variation sur le thème « Le Japon, première victime de l’arme nucléaire » en bénéficiant de la « mauvaise conscience occidentale » … lesdites autorités se dispensant au passage d’assumer les responsabilités du Japon dans les innombrables crimes commis par ce pays pendant les guerres qu’il a menées depuis 1931.
Chaque année, la combinaison de la malhonnêteté cynique des uns et de l’ignorance de beaucoup d’autres – dont certains se permettent d’absoudre le Japon en oubliant que c’est d’abord aux victimes (Chinois, Coréens, etc.) et à leurs descendants d’en juger même s'ils ont rarement (eu) la parole – me met mal à l’aise : dans le texte qui suit, j’ai essayé de remettre les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki dans leur contexte historique, sans cacher qu’il s’agit néanmoins d’un cas de conscience particulièrement difficile : sur ces deux points notamment, je serais intéressé de connaître l’avis de personnes connaissant mieux le sujet car je ne suis qu’un amateur d’Histoire ayant un peu vécu.


Lorsque je visitai le parc de la Paix à Hiroshima, prenant mon temps et étant un peu curieux, je remarquai dans un endroit assez écarté au bord d'une allée un modeste monument, colonne de section triangulaire de 2 m de haut environ : sur chaque face était gravé un texte, le même en 3 langues (anglais, coréen et japonais), la face la plus visible pour les passants de la colonne étant celle revêtue de la version en anglais, langue que – contrairement à ce qu'on croit souvent – un grand nombre de Japonais ne comprend pas ou mal : cette orientation ne doit rien au hasard.

Que dit en effet ce texte ? Que, parmi les victimes de la bombe, 10% étaient des Coréens souvent brutalement déportés et devant travailler dans des conditions atroces, etc. Le positionnement de ce monument révèle le minutieux souci des autorités japonaises d'occulter le terrible passé criminel de ce pays et fait partie de cette pénible mentalité « négationniste » contre laquelle une petite et très courageuse minorité se rebelle. Mais, exploitant cyniquement la mauvaise conscience des « Occidentaux » (cf. Le sanglot de l'Homme blanc, livre essentiel de Pascal Bruckner sur les dérives du tiers-mondisme), le Japon entretient cette vision unilatérale de l'Histoire et, avec la complicité objective des bonnes âmes « occidentales », maintient l’oubli sur les atroces souffrances et morts de millions de victimes des crimes nippons dont la mémoire est peu défendue par des gouvernements souvent dictatoriaux, cyniques ou dépendant économiquement du Japon.

Évoquer un fait historique en dehors de son contexte constitue presque toujours une erreur : le cas de Hiroshima et Nagasaki en constitue une illustration exemplaire. Car il s'agit d'un cas de conscience particulièrement douloureux et complexe. Quelques éléments vont le faire comprendre.

N’ayant plus aucune chance de gagner la guerre dès la fin de 1942, le Japon l’a totalement perdue en juillet 1945. Toutefois, la dictature militaire au pouvoir continue de vouloir combattre malgré des souffrances croissantes (le bombardement le plus meurtrier de la seconde guerre mondiale fut celui de Tokyo le 10 mars 1945 : largement plus de 100'000 morts le jour même). Et des dizaines de millions de personnes continuent de subir une occupation japonaise de plus en plus féroce en Chine agressée au moins depuis 1931 (cf. les épouvantables massacres de Nankin en 1937, les expériences médicales de l'Unité 231 en Mandchourie, etc.), en Corée (50 ans d'occupation marquées par l'esclavage, la prostitution forcée massive, la volonté de détruire la civilisation et la langue coréennes), en Indochine (famine au Vietnam due à la conversion de nombreuses rizières en plantations textiles, abominable massacre des Français depuis mars 1945, ...), aux Philippines, en Indonésie et bien ailleurs. Chaque jour de guerre supplémentaire signifiait la mort de dizaines de milliers de gens.

Alors que faire ? En gros, voici quelles étaient les options envisageables pour les États-Unis :

Option 1 - Poursuivre leur avance, c'est-à-dire, après la conquête de l'île d'Okinawa, débarquer au Japon : en extrapolant les pertes subies à Okinawa (12'500 soldats étasuniens tués, 110'000 soldats japonais tués, entre 50'000 et 150'000 civils tués), on arrivait à une estimation d'au moins 250'000 morts du côté étasunien (alors que la guerre était déjà gagnée) ... et de pertes civiles et militaires 50 à 100 fois supérieures du côté japonais.

Option 2 : « assiéger » le Japon pour limiter les pertes étasuniennes en évitant des combats terrestres massifs comme à Okinawa ; en clair, soumettre le Japon à un blocus et à des bombardements massifs, aériens (il n'y a jamais eu de DCA redoutable au Japon : en 1945 les bombardiers pouvaient voler à moins de 1'000 mètres alors qu'ils restaient presque toujours à 5'000 m au-dessus de l'Allemagne à cause de la terrible « Flak ») et navals (depuis juillet 1945 les cuirassés étasuniens bombardaient impunément toutes les villes côtières lesquelles regroupaient la majorité de la population). Un vrai massacre : là aussi, il faut parler de dizaines de millions de morts.

Option 3 : signer une paix de compromis, en imaginant que cela ait été possible à des conditions acceptables (notamment l'évacuation immédiate de tous les territoires occupés, Corée et Mandchourie comprises) ; qui peut croire que le régime militariste du Japon l'aurait accepté ? Et combien de temps les négociations auraient-elles duré... pendant lesquelles le martyre des pays occupés aurait continué ?

Option 4 : sommer le Japon de cesser le combat en le menaçant d'utiliser l'arme nucléaire, quitte à procéder à une « démonstration » (bombardement d'un site inhabité avec ou sans annonce préalable sur le type d'arme employé). Tout d'abord, les États-Unis pouvaient détruire le Japon sans cette arme (cf. supra), cela aurait simplement pris plus de temps : or cette perspective ne faisait pas fléchir le régime japonais. Ensuite, presque personne ne savait ce qu'était une bombe nucléaire ni sa puissance : croit-on que les dirigeants japonais auraient cessé le combat sur menace d'une arme quasi-inconnue ? Enfin, on oublie presque tout le temps que les 2 bombes lancées en 1945 (et il n'y avait plus assez d'uranium ni de plutonium pour en refaire avant plusieurs semaines ou mois) étaient des engins expérimentaux (1 seul essai – réussi – le 16 juillet 1945 pour le type employé à Nagasaki) : pas moyen de procéder à une « démonstration » quelconque et encore moins d'annoncer à l'avance l'emploi de ces armes (imagine-t-on l'effet si l'une, voire les deux, n'avait pas fonctionné ?).

Option 5 : utiliser l'arme nucléaire sans avertissement et plus d'une fois pour faire croire que ce n'était que le début d'une longue série (ce que les dirigeants japonais crurent logiquement) et n'annoncer la nature nouvelle de cette arme qu'après et seulement en cas de succès, bien entendu. Ce fut l'option retenue par Truman.
La seule objection me paraissant valable est que les États-Unis auraient pu lâcher ces bombes sur un site « purement » militaire comme les ports militaires de Kouré ou de Yokosuka plutôt que sur des villes : je ne dispose pas des éléments expliquant ce choix mais il me semble bien que ce point a été débattu ; la – mauvaise – raison est peut-être la croyance dans l’effet de terreur des bombardements, opinion qui s’est avérée fausse (en particulier, le Blitz de 1940 n’a pas abattu la combativité des Britanniques et les bombardements massifs sur l’Allemagne n’ont pas découragé le peuple allemand) mais tenace, comme le bombardement – militairement inutile – de Dresde les 13 et 14 février 1945 l’a montré…

***************

Même si ce qui précède est un peu long (quoique fort sommaire), on comprendra aisément que le choix était difficile pour les dirigeants étasuniens. Truman a fait le « pari de la bombe » pour essayer de mettre fin rapidement à la guerre : quel dirigeant n'en aurait pas fait autant ? Bien sûr, l'avancée rapide en Asie du nord-est de Staline (qui avait scrupuleusement respecté jusqu'en juillet 1945 le traité soviéto-nippon de non-agression signé en 1940 : il n'eut pas ce genre de délicatesse avec d'autres, demandez aux Polonais par exemple) déplaisait terriblement aux États-Unis espérant qu’une capitulation très rapide du Japon limiterait l'expansion soviétique (espoir en grande partie déçu après la victoire de Mao en 1949).

Si on fait abstraction de la Realpolitik et que l'on se place sur le terrain de la morale, laquelle des options précitées fallait-il choisir, sachant que l'inaction condamnait à mort des millions de personnes opprimées par les Japonais ? Ce n’est pas parce qu’on ne connaît pas le nom des camps japonais, qu’assez peu de gens connaissent vraiment des Coréens ou des Chinois au point de discuter avec eux de ces questions et même que peu de gens sont capables de surmonter les considérables obstacles culturels et linguistiques à la connaissance de ce que fut la seconde guerre en Asie qu’il faut faire comme si tous ces crimes à très grande échelle n’avaient pas eu lieu.

Personnellement, même si je n'oublie pas les victimes de Hiroshima (ni toutes les autres, même si leur mort fut moins « médiatique »), je pense sincèrement que le choix de Truman fut le moins meurtrier... quelles que soient les raisons que l'on veuille en donner. En tous cas, on est vraiment dans un cas terrible où les « Yaka » sont particulièrement mal venus et même irresponsables. J’ai d’ailleurs entendu le témoignage filmé du marquis Kido, Gardien du sceau privé de l’empereur et personnage politique puissant, qui déclarait que les bombardements nucléaires et l’attaque soviétique avaient convaincu la majorité du gouvernement du Japon de cesser les hostilités… encore qu’une puissante faction militaro-nationaliste ait tenté un coup d’État pour poursuivre le combat. De fait, nombre de dirigeants japonais pensaient pouvoir rendre la conquête du Japon tellement coûteuse en vies humaines qu'ils arriveraient à conclure avec les Alliés un armistice à des conditions sensiblement plus avantageuses que celles d’une capitulation sans condition : que cela impliquât la mort de millions de Japonais, essentiellement des civils, ne les retenait pas un seul instant ; si l’on veut parler de crimes et de barbarie, c’est d’abord à ce genre d’attitude que l’on doit appliquer ces qualificatifs.

Pour finir de présenter les grandes lignes de la situation, il faut ajouter que le gouvernement du Japon tenta de négocier une cessation des hostilités en passant principalement par l’URSS qui resta neutre à l’égard du Japon jusqu’au 8 août 1945 : appliquant les directives de Staline, Molotov refusa de s’entretenir pendant des mois avec l’ambassadeur du Japon ; il s’agissait d’éviter que la guerre du Pacifique prenne fin avant que l’URSS soit en mesure de profiter de la défaite du Japon : là encore, on note fréquemment le silence des grandes âmes et autres donneurs de leçons.

On peut se demander si le Japon aurait accepté de cesser le combat si les États-Unis avaient explicitement et publiquement pris l’engagement de maintenir l’institution impériale, à laquelle l’immense majorité du peuple japonais était attachée et qui constituait un enjeu particulièrement important pour les militaires et autres ultranationalistes. Compte-tenu de l’irréalisme et du fanatisme de maints dirigeants politiques et militaires japonais, on peut fortement douter que cette seule concession leur aurait suffi pour accepter d’évacuer toutes leurs conquêtes depuis 50 ans et capituler sans autre condition…

Il faut donc éviter comme la peste des jugements moralisateurs anachroniques et superficiels, voire intellectuellement malhonnêtes, qui finissent par faire passer au second plan l’événement sur lequel on s’exprime au profit d’une obsession, comme celle de démontrer la nature intrinsèquement mauvaise et criminelle de l’ « Occident », des « Blancs », etc. (cf. à nouveau Le sanglot de l’homme blanc) si bien incarnée en l’espèce par les États-Unis brutaux et sans scrupule et leurs « admirateurs » européens lâches et indécents. Ne serait-ce que par respect pour les innombrables victimes de ce conflit atroce, on doit faire de son mieux pour réfléchir honnêtement et sérieusement sur l’Histoire, ce qui n’empêche pas la compassion bien évidemment.

On doit reconnaître que, comment souvent, les dirigeants doivent choisir entre de grands inconvénients (« Gouverner c’est choisir » disait Mendès-France) : en l’espèce la « violence suprême » de l’arme nucléaire fut un aboutissement logique de la barbarie nippone et du jusqu’auboutisme du régime militaire, équivalent du « Wir kapitulieren nie ! » de Goebbels. D’ailleurs, à quelques mois près, c’est peut-être sur l’Allemagne que les premières bombes atomiques auraient été lâchées… : les Allemands ont échappé à ce sort non parce qu’ils étaient des Blancs auxquels les Étasuniens ne voulaient pas infliger les mêmes souffrances – entre autres, le bombardement sans justification militaire solide de Dresde qui fit 25'000 morts témoigne du caractère extrême pris par la guerre – qu’à des « Jaunes » mais tout simplement parce que les IIIème Reich a capitulé en mai 1945 alors que la première bombe nucléaire a explosé en juillet 1945, époque à laquelle le Japon était toujours en guerre et rejetait toutes les demandes de capitulation en dépit, on le répète, de la situation désespérée de ce pays. Aurait-on autant plaint l’ « innocent » peuple allemand et blâmé Truman qu’à propos d’Hiroshima ?

Veuillez excuser la longueur de ce texte. D'avance, je vous remercie de vos commentaires.


 

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Re: L'invasion du Japon-

Nouveau message Post Numéro: 22  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 04 Aoû 2017, 18:57

Merci pour les commentaires sur cet ancien fil Frabçois.
L'initiateur de ce fil est malheureusement décédé et beaucoup d'intervenants ne sont plus membres ;) ;) de notre forum, mai que cela n'empêche d'autres membres de venir émettre leurs avis.
Amicalement
Prosper
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Re: L'invasion du Japon-

Nouveau message Post Numéro: 23  Nouveau message de Brimont  Nouveau message 04 Aoû 2017, 19:00

Merci de cette réponse.

À vrai dire, avant de publier ce texte, j'ai cherché un endroit dont ce thème relèverait et qui soit le plus récent possible : découvrant le site, je n'ai peut-être pas trouvé l'endroit le plus approprié...

Cordialement,

François


 

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Re: L'invasion du Japon-

Nouveau message Post Numéro: 24  Nouveau message de Brimont  Nouveau message 04 Aoû 2017, 19:03

PS : serait-il possible de remplacer le terme " Private " par "Soldat " ou " 2ème classe ", voire " Matelot " ? Ce terme anglophone me semble inapproprié pour un site francophone ; et puis, je ne voudrais pas avoir l'impression que l'AMGOT a pris racine en France alors que le Général lui régla son compte avant mi-juin 1944...

Cordialement,

François


 

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Re: L'invasion du Japon-

Nouveau message Post Numéro: 25  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 04 Aoû 2017, 19:20

Brimont a écrit:PS : serait-il possible de remplacer le terme " Private " par "Soldat " ou " 2ème classe ", voire " Matelot " ? Ce terme anglophone me semble inapproprié pour un site francophone ; et puis, je ne voudrais pas avoir l'impression que l'AMGOT a pris racine en France alors que le Général lui régla son compte avant mi-juin 1944...

Cordialement,

François

Oui c'est possible, pou rautant que cela ne dénature le texte mis en ligne par son auteur et pour autant que tu nous dis où se trouve ce terme. (n° du sujet par exemple et éventuellement la date de sa mise en ligne et le nom de l'auteur
Bien amicalement
Prosper ;) ;)
P.S. Dans ma réponse à ta présentation, j'indique un lien vers le mode d'emploi pour l'édition d'un post, mais il est vrai qu'il y a des restrictions liées à une édition de texte.
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Re: L'invasion du Japon-

Nouveau message Post Numéro: 26  Nouveau message de brehon  Nouveau message 04 Aoû 2017, 19:31

Brimont a écrit:PS : serait-il possible de remplacer le terme " Private " par "Soldat " ou " 2ème classe ", voire " Matelot " ? Ce terme anglophone me semble inapproprié pour un site francophone ; et puis, je ne voudrais pas avoir l'impression que l'AMGOT a pris racine en France alors que le Général lui régla son compte avant mi-juin 1944...

Cordialement,

François


Bonjour François,

Ce n'est qu'un mauvais moment à passer, plus que quelques centaines de messages et tu seras Compagnon de la Libération. :D
Cordialement.
Yvonnick

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Re: L'invasion du Japon-

Nouveau message Post Numéro: 27  Nouveau message de Brimont  Nouveau message 04 Aoû 2017, 20:07

::content4:: Hin, hin

Sur le fond, as-tu des observations sur mon texte ?

Cordialement,

François


 

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Re: L'invasion du Japon-

Nouveau message Post Numéro: 28  Nouveau message de brehon  Nouveau message 04 Aoû 2017, 20:53

Les bombardements atomiques avaient bien pour but de stopper la guerre le plus rapidement possible pour limiter l'implication de l'Union Soviétique. Il n'y avait rien à lui opposer à Hokkaido, et même dans la partie nord de Honshu.
Par contre, la justification d'éviter des pertes humaines en faisant une extrapolation à partir de la bataille d'Okinawa est à considérer avec prudence. Okinawa n'est pas le Japon et ses habitants se considèrent comme victimes des Japonais. La visite du musée du Peace Memorial d'Itoman est éloquente à ce sujet.
Il n'est pas sûr du tout que l'armée japonaise aurait sacrifié sa population (c'est-à-dire leurs femmes et leurs enfants) comme elle l'a fait avec celle d'Okinawa dont elle n'avait que faire.
Cordialement.
Yvonnick

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Re: L'invasion du Japon-

Nouveau message Post Numéro: 29  Nouveau message de Brimont  Nouveau message 04 Aoû 2017, 21:56

Merci de votre commentaire.

1 - Sur l'extrapolation faite par les États-Unis à partir des résultats d'Okinawa

Il y a 2 questions

a) Cette extrapolation était-elle réaliste ?

Difficile à dire. Cependant, à partir du moment où les Étasuniens ont débarqué sur des terres qui étaient japonaises depuis longtemps (Saïpan, Keramas, ...), les populations locales étaient généralement endoctrinées par la propagande militaro-nationaliste du régime et réagissaient avec le fanatisme suicidaire (en partie du à la peur de mauvais traitements par les " diables étrangers ") attendu par leurs maîtres.

Concernant la population d'Okinawa, même si vous avez tout à fait raison de rappeler son amertume vis-à-vis de cette tragique bataille d'anéantissement et les différences existant entre ces personnes et les Japonais métropolitains, choses trop peu connues, je n'ai pas connaissance que cette population d'Okinawa ait adopté en 1945 un comportement " rebelle " ou " dissident ", même sous la forme d'un moindre engagement dans les combats ou le suicide ou encore d'une réelle propension à se rendre dès que c'était possible ...

Concernant le Japon métropolitain, il était logique de s'attendre à une attitude encore plus " fanatico-désespérée " de la population... tant que ses maîtres lui ordonneraient de se conduire ainsi. Car dès que la capitulation fut annoncée, le peuple - épuisé et soulagé - mit bas les armes et ne fit preuve d'aucune hostilité ou même réticence vis-à-vis du vainqueur...

Plus généralement, le pouvoir rooseveltien sut parfois se montrer capable de prendre en compte les mentalités des autres peuples en sachant consulter de vrais spécialistes : à titre d'illustration, on peut citer la série des films " Pourquoi nous combattons " [" Why we fight "] destinés à expliquer aux citoyens étasuniens sous les armes pourquoi ils allaient se retrouver face à des gens dont ils avaient souvent à peine entendu parler et pour leur tirer dessus ; faciles à comprendre et pédagogiques, ces films n'étaient pas pour autant simplets et des spécialistes avaient été consultés : ainsi, celui consacré au Japon a bien vieilli, ce qui n'était pas a priori imaginable pour des œuvres de ce type. Autre exemple : l'excellent ouvrage de Ruth Benedict sur la mentalité japonaise (" Le chrysanthème et le sabre " - " The chrysantemium and the sword ") a été écrit pour répondre à une commande des autorités étasuniennes soucieuses d'essayer de comprendre quelque chose à la mentalité des ces " martiens " qui leur étaient " tombés dessus " fin 1941. Il ne faut donc pas sous-estimer systématiquement les capacités d'analyse et de compréhension du pouvoir étasunien en ce qui concerne le comportement du pouvoir et du peuple japonais.

b) Réaliste ou pas, les Étasuniens croyaient à cette extrapolation et cette croyance est en soi un fait objectif puisqu'elle a servi de base aux décisions de Truman.

2 - L'armée japonaise était-elle prête à sacrifier sa population ?

De tout ce que j'ai pu lire sur la vie dans le Japon en guerre (en particulier, l'ouvrage de Robert Guillain, " La guerre au Japon " revu et réédité sous le titre " Le Japon en guerre " (Stock, 1979) puis " J'ai vu brûler Tokyo " (Arlea, 1990) est passionnant), je suis convaincu que (comme les nazis pour des raisons similaires : cf. l'attitude immonde des autorités en Prusse orientale en 1945) les militaires japonais n'auraient pas hésité à sacrifier un nombre illimité des civils :
- leur mentalité se rattachait à la civilisation guerrière qui a régi le Japon depuis des siècles : que ce soit à l'ère du Shogounat ou même après, le sort des paysans, artisans, femmes, etc. ne comptait pas pour grand chose ;
- jamais des mesures sérieuses n'ont été prises pour mettre la population civile à l'abri des dangers : cf. par exemple la défense civile dérisoire, ce qui explique notamment l'importance des pertes lors des raids aériens étasuniens, travail forcé imposé à tous, enfants compris, etc.

Pour moi, les militaires - notamment la hiérarchie - qui acceptaient " facilement " pour eux-mêmes des conditions de vie épouvantables (cf. par exemple la quasi-absence de services médicaux et sanitaires dans les armées japonaises) en attendant de mourir au combat ou par suicide, ces militaires n'avaient sauf exception aucune compassion pour les civils dans des situations de guerre : quand on a renoncé à toute pitié ou compassion au bénéfice de soi-même, on est plus facilement enclin à ne pas en faire preuve pour les autres. On est dans un autre monde qu'on ne peut comparer - mêmes si les facteurs civilisationnels et psychologiques sont différents - qu'aux régimes nazi et stalinien. Dans ces situations de guerre, les valeurs profondes du Japon, comme la brutalité nazie ou bolchevique, amenaient - sauf exception - chacun, de gré ou de force, à faire l'ablation de tout sentiment de compassion ou de pitié.

Comme toujours, étant conscient de mes limites, tant en ce qui concerne l'Histoire du Japon que la psychologie collective de ce peuple fascinant, je suis curieux de connaître l'avis de personnes connaissant mieux ces matières.

Cordialement,

François


 

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Re: L'invasion du Japon-

Nouveau message Post Numéro: 30  Nouveau message de Alfred  Nouveau message 05 Aoû 2017, 01:05

La mentalité nipponne n'a pas grand chose à voir avec les mentalités occidentales modernes l'empereur est le descendant direct de la déesse solaire.....

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