Pour Blau, Manstein n’est effectivement pas impliqué dans sa conception mais il est au départ concerné par son application puiqu’il est prévu ( une fois la Crimée conquise ) :
- Soit que la XIème armée qu’il commande participe à Blau II dans le secteur du Mious
- Soit ( l’option précédente se révélant inutile ) qu’elle franchisse la mer d’Azov pour envahir la péninsule de Taman
Mais Hitler a expédié son armée ( une partie des divisions de la XIème armée a été dispersée comme réserves locales au grand dam de Manstein ) à Leningrad puis à Vitebsk où Manstein a appris sa nomination au commandement du GA du Don dont l’EM de la XIème armée a servi de noyau.
Finril56 a écrit:Obtenir la liberté de mener une défense mobile permettant de mener une guerre de mouvement ( Hitler imposera une défense « statique » mais avec des modalités différentes )
Qui aurait consisté en quoi au juste?
Ca recouvre plusieurs propositions et possibilités selon la date, je vais laisser la parole à Manstein ( « mémoires » ) :
- En décembre 1942, Manstein indique avoir envoyé à l’OKH ( c’est-à-dire Hitler en pratique ) un mémoire qui proposait de ramener les GA Don et A en arrière du Don inférieur puis du Donetz et enfin sur le Dniepr inférieur tout en créant une masse de manœuvre dans le secteur de Karkhov pour tomber sur le flanc des forces soviétiques engagées à la poursuite des GA Don et A.
- Le 12 février 1943, il propose une manœuvre similaire pour le printemps 1943 ( c’est-à-dire tenir le secteur de Karkhov et ouvrir à l’armée rouge le chemin vers le Dniepr inférieur ) afin d’aboutir à la destruction de l’aile méridionale soviétique en profitant des atouts allemands ( commandement plus souple et meilleur, meilleure valeur militaire de la troupe, plus grande mobilité en été )
Je reprends la parole : Manstein veut en fait profiter de la supériorité allemande en guerre mobile pour attirer l’armée rouge dans des batailles de rencontres si possible sur un terrain favorable.
Par contre, l’année suivante quand il parle de guerre mobile c’est surtout par opposition à la doctrine de Hitler de s’accrocher au terrain de façon rigide et par exemple au début janvier 1944, il propose alors :
- De replier le front des 6ème et 8ème armée le long du Bug de manière à réduire le front de ces 2 armées de 900km à 450km ( et les risques d’encerclements )
- De ramener la 17ème armée de Crimée en Ukraine
- De déployer les réserves ainsi constituées sur l’aile nord du groupe d’armée
Il n’est plus question à ce moment de livrer une bataille mobile mais simplement d’organiser la lutte défensive de façon intelligente en raccourcissant les lignes pour dégager des réserves et éviter de donner des encerclements faciles à l’adversaire ( ce qui est finalement l’aboutissement de la défense rigide de Hitler de refuser de céder du terrain y compris en cas de risque d’encerclement voir même d’encerclement )
Finril56 a écrit:alias marduk a écrit:Et surtout Manstein défendra l’idée que la défense de l’Ukraine ( orientale d’abord puis occidentale ) doit se faire au nord ( Karkhov en Ukraine orientale puis la zone à l’ouest de Kiev en Ukraine occidentale ) car celui qui tient le nord de l’Ukraine peut relativement facilement porter des coups vers le sud et acculer son adversaire soit vers la mer d’Azov soit vers la Mer Noire pour l’y détruire.
Et là on voit un peu la limite de Manstein. Il a juste oublié une composante stratégique....la marine. Il ignore un peu les capacités d'une stratégie amphibie. Aurait-il coincé des armées soviétiques dans la zone (ce qui est un postulat loin mais loin d'etre acquis) qu'il n'aurait rien achevé du tout.
En effet la Flotte de la Mer Noire (soviétique) domine la Mer d'Azov et plus encore la Mer Noire. Elle aurait donc pu ravitailler les armées dites "coincées" voire projeter des forces dans la zone encerclée pour y faire une sorte de tete de pont pour fixer les troupes allemandes (les soviétiques se sont fait une spécialité depuis Voronezh de tenir des tetes de ponts par dessus une coupure d'eau
Elle l'a déjà fait en 1941-42 durant les sièges d'Odessa et de Sebastopol (qui sont ravitaillées et evacuées par mer). Elle va même étre capable de faire un debarquement en Crimée en decembre 41 (qui va lamentablement foirer du fait d'une execution desastreuse).
Dans un contexte de maitrise opérative et stratégique croissante de la Stavka et des commandants de Front, il est fort à parier que des telles opérations auraient été tentées et auraient probablement connu beaucoup plus de succés qu'on ne le croit. Manstein (qui oublie souvent que les soviétiques ne sont plus, en 1943, les adversaires maladroits et balourds de 1941-42 (ce qui est une autre erreur stratégique de sa part et qu'il partage avec l'ensemble des généraux allemands).
Je ne pense pas que Manstein veuille encercler les armées soviétiques mais mener une bataille à front renversé ( en partant du nord ) où l’adversaire ne peut jamais se remettre en ordre ( en tout cas j’interprète l’idée comme ça )
De plus, en février 1943, les allemands dominent la Mer d’Azov dont ils tiennent les entrées ( via la Crimée et la péninsule de Taman ) et ont en plus Luftwaffe dont les bases en Crimée dominent toute la zone.
Comme en plus la mer d’Azov n’est pas très propice au déploiement d’une flotte importante ( avec des fonds très limités ) et a peu de vrais ports ( un seul ? ), je ne pense pas que le problème est là.
Quant à savoir si une telle manœuvre aurait pu réussir, comme c’est de l’uchronie on ne le saura jamais.
Par contre ça illustre les différences de conceptions entre un Hitler ( voir sur ce point sa directive opérationnelle n° 1 ) et un Manstein qui vont aller en s’aggravant ( ajoutons y une antipathie personnelle et l’ambition de Manstein dont ce dernier se cache à peine )