Soxton a écrit:L'anéantissement de la 6e armée, révélée au début de l'année 1943, n'a-t-il pas eu un effet encore plus dévastateur qu'un "retrait" ?
Si bien sûr. Mais comme vous l'écrivez vous-même ci-dessous, le 8 novembre, HITLER est bien loin de se douter du sort funeste qui attend son armée.
Et pourtant... au 8 novembre, s'il ne reste que 10% de la ville à conquérir, la 6.Armee est au bout du rouleau et on racle les fonds de tiroirs pour enlever ce qui reste.
Mais à cette date, HITLER est acculé au bout d'un processus politiquo/diplomatico/propagandiste qui a débuté en septembre comme l'analyse Jean LOPEZ dans son "Stalingrad - La bataille au bord du gouffre" (pp.288-93) :
- "A partir du 15 septembre, quand Paulus donne le premier coup de reins contre la cité, les yeux du peuple allemand sont rivés sur Stalingrad. Au grand dam de Goebbels, qui voit sa propagande déraper en annonçant chaque jour une victoire totale sur la Volga. Hitler s'inquiète de cette 'nervosité impatiente' de son peuple à voir la ville tomber." Dommage que LOPEZ ne précise ici sa source (le journal de Goebbels qui figure dans la bibliographie ?) ;
- "30 septembre, HITLER déclare au Sportpalast de Berlin devant les fidèles du parti nazi : "l'épreuve fatidique pour notre peuple est déjà derrière nous (...) Nos troupes dominent Stalingrad et la prendront (...) et aucun être humain ne pourra nous en déloger." ;
- le 2 octobre, ZEITZLER et JODL essaient de persuader HITLER d'allouer les forces engagées dans Stalingrad à d'autres secteurs du front. HITLER refuse pour "raisons politiques" ;
- "10 octobre, devant Zeitzler et Jodl, Hitler déclare, pour la première fois, que la prise de Stalingrad est motivée par des raisons non seulement opérationnelles mais aussi "psychologiques". Il s'agit selon lui de montrer au monde la force de la Wehrmacht et de remonter le moral des alliés de l'Axe." ;
- le 8 novembre à la réunion annuelle au Bürgerbaükeller de Munich, le discours de HITLER affirme entre autre : "Je voulais l'avoir et, savez vous, car nous sommes modestes... nous l'avons ! Il reste juste quelques petits coins à enlever !".
S'ajoute le contexte militaire défavorable au Reich avec l'échec dans le Caucase et la défaite d'El Alamein. HITLER ne peut se dédire aux yeux de son peuple mais surtout de ses satellites, il lui FAUT terminer l'année 1942 sur une victoire et pas sur une nouvelle retraite, pendant de celle devant Moscou l'hiver précédent.
Et puis, l'hiver précédent, l'ordre de ne plus reculer avait "sauvé" la Wehrmacht. Dans l'esprit d'HITLER, pour quoi en serait-il différemment aujourd'hui ?
J'en conçois que HITLER compte bien laisser la 6.Armee dans Stalingrad.
Soxton a écrit:Le 8 novembre 1942 Hitler est bien loin de se douter du sort funeste qui attend Paulus et ses hommes. La question est de savoir ce qu'il a pensé lorsque Goering a déclaré que l'aviation est capable de ravitailler la 6e armée. Sans oublier Manstein qui a cru, dans un premier temps, que l'opération "wintergewitter" pouvait réussir. Si Manstein y a cru, peut-être que Hitler y a cru aussi
GOERING apporte de l'eau au moulin de son Führer. C'est bien pratique... a-t-elle point que la connivence entre les 2 hommes soit envisageable à d'autres moments clé comme à Dunkerque, comme dans le déroulement de la bataille d'Angleterre.
MANSTEIN c'est peut-être même le bonus ! Dans la relation HITLER/ZEITZLER/JODL voilà une solution venant de la Heer elle-même !
Soxton a écrit:L'historien François Delpla semble hésiter entre deux explications :
- Hitler a peut-être espéré une victoire retentissante, au cas où la Providence ferait un gros effort (N° 19).
- Une mise en scène à grand spectacle d'une résistance allemande héroïque à la marée rouge menaçant l'Europe servait à merveille les visées de Hitler (N° 28).
Mon avis est que l'opportunité d'exploiter l'héroïsme des soldats a germé dans l'esprit d'Hitler quand il a constaté que l'Armée rouge a neutralisé le "wintergewitter".
C'est une autre supputation. Mais pourquoi pas. Pour ma part, je crois qu'HITLER était plus pragmatique que cela. Il tient ce qui est à lui et pendant qu'il le tient, il gène son adversaire dans l'attente d'une opportunité (fut-elle la Providence). Sur le front Ouest en 44, Cherbourg, Brest, les ports de la Manche sont autant de "Festungen", de mini Stalingrad qui gênent les Alliés. N'y a-t-il pas là une volonté similaire à la situation de l'hiver 42/43 ?