Votre utilisation des entretiens de Molotov avec Tchouev ne me convainc décidément pas. L'accepter dans tous ses détails (alors qu'elle est tout sauf détaillée) pour infirmer les propos de Mikoïan me semble passablement imprudent, Molotov s'exprimant me semble-t-il sans notes, et uniquement de mémoire. De même passe-t-il le plus clair de son temps à dépeindre Staline sous les traits du grand homme dont il aurait été le brillant second.
Dès lors, les quelques contradictions qu'il présente avec Mikoïan découlent, à l'évidence, d'erreurs de mémoire (sur la chronologie, notamment, ce qui ne saurait surprendre) ou, à l'inverse, d'une tentative d'aseptiser la crise du moral de Staline les 29-30 juin. Dire du "Patron", l'Homme d'Acier, qu'il restait ferme mais était dans un état "un peu confus" (Staline, confus?), "mal à l'aise" (Staline, mal à l'aise??), sans vociférer (Staline avait donc cessé de rugir???), qu'il avait besoin d'être "remonté" (Staline devait donc être consolé????) me paraît pourtant révélateur...
Bref, déduire des entretiens Molotov-Tchouev que ledit Molotov contredirait Mikoïan me semble capillotracté. Comme bien des témoignages relatifs à quantité d'épisodes historiques, ces deux témoignages divergent sur les détails, mais attestent d'un même fait : Staline a connu un épisode d'abattement (c'est ainsi que je traduis les souvenirs de Molotov en langage courant) plusieurs jours après Barbarossa, et cet épisode, registre du Kremlin oblige, n'a pu survenir que les 29 et 30 juin.