Post Numéro: 70 de François Delpla 10 Sep 2013, 20:02
@ RoCo : merci de préciser la critique.
Pour le reste, je conviens que l'idée d'un effondrement rapide de l'URSS est assez commune chez les généraux allemands avant l'attaque, et dans le monde entier après. Même Churchill y souscrit en privé (d'après le journal de Colville, entrée du 21 juin), tout en disant en public le 22, à son habitude, que ce n'est pas fait et qu'il reste à abattre l'ours.
Mais notre débat ne porte que sur les sentiments de Hitler, propres ou non à troubler sa digestion (et on ne conteste plus, à ce que je lis, qu'il confie à Goebbels le 18 août que c'avait été le cas depuis le début de la campagne).
Il est en effet essentiel de savoir s'il craignait la guerre sur deux fronts au point de risquer son bras droit dans une manoeuvre désespérée pour amener l'Angleterre à négocier avant (sachant que celle-ci avait réussi, en mars, à lui fourrer dans le crâne l'idée que les pacifistes et les bellicistes étaient engagés, à Londres, dans un bras de fer... où la venue de Hess avec un rameau d'olivier pouvait faire pencher la balance -voir ce qui est dit plus haut du document Lequio).
Je rappelle d'autre part que Hitler, depuis le printemps précédent, recherche désespérément la paix en même temps qu'il fait la guerre. Si donc la moindre anicroche survient en Russie et qu'il y passe l'hiver, même pour l'emporter au printemps, il n'y aura rien de fait car entretemps il aura les Etats-Unis sur le dos.
En conséquence, Barbarossa n'est jamais, dans son esprit, une marche triomphale, mais un pari, étroitement corrélé à sa folie : désigné par la Providence pour effacer 2000 ans de christianisme empreint de pitié juive et rétablir les saines valeurs de l'esclavagisme antique, il se dit que cette Providence ne va pas l'abandonner après l'avoir si longtemps favorisé.
En d'autres termes, l'absurde et juive résistance de Churchill devrait se briser devant la volonté, l'audace et la confiance dans le Ciel que manifeste son attaque des Slaves avant d'en avoir fini à l'ouest.
Dernière petite chose : il compte peut-être plus, en Russie, sur un effondrement politique que militaire. C'est pourquoi le discours de Churchill du 22 juin est un uppercut, et celui de Staline le 3 juillet un direct au foie.